Taiga « Vraiment pas de lumière au bout du tunnel », selon un expert

Une incapacité à se financer, une défaillance attendue vis-à-vis un prêt et le spectre de nouvelles compressions : Taiga, l’une des jeunes pousses de l’électrification soutenues par les gouvernements, aura du mal à voir le bout du tunnel.

Le rapport financier du premier trimestre diffusé mercredi par le constructeur de motoneiges et de motomarines électriques n’augure rien de bon pour la suite des choses. Sous pression, l’entreprise, qui a déjà signalé qu’il existait une « incertitude significative » sur son avenir, est au pied du mur.

« Il n’y a vraiment pas de lumière au bout du tunnel, estime Raphaël Duguay, professeur de comptabilité à l’Université Yale, après avoir examiné la situation financière de Taiga. À mon avis, je pense que ce n’est qu’une question de temps avant que l’entreprise se place à l’abri de ses créanciers. »

Les activités sont déjà à l’arrêt, pour une durée indéterminée, à l’intérieur de son usine située dans l’arrondissement montréalais de Lachine. Taiga, qui comptait plus de 300 salariés l’automne dernier, a vu son effectif fondre du tiers. Ses coffres se vident et de nouveaux défis se profilent à l’horizon.

Toujours déficitaire, Taiga a prévenu qu’elle ne serait vraisemblablement pas en mesure de respecter les modalités d’un prêt obtenu auprès d’Exportation et développement Canada (EDC) l’obligeant à afficher des flux de trésorerie d’au moins 4 millions au quatrième trimestre ainsi que d’autres ratios financiers.

Si ce scénario se produit, l’agence fédérale pourrait exiger le remboursement de son prêt, ce qui placerait le constructeur québécois dans une situation financière encore plus précaire. Par courriel, Taiga a refusé de dire si elle avait sollicité des allègements auprès d’EDC.

Une pente abrupte

Parallèlement, les réserves financières de la jeune pousse s’amenuisent. À la fin du premier trimestre – en date du 31 mars –, il ne lui restait que 2,5 millions en trésorerie, une baisse trimestrielle d’environ 3 millions. Ses stocks atteignaient environ 32,5 millions, soit le double de ses ventes annuelles.

« La société estime qu’il est peu probable qu’elle soit en mesure d’obtenir un financement supplémentaire […] dans un avenir prévisible », prévient-elle, dans son rapport.

Dans ce contexte, Taiga ajoute qu’elle pourrait avoir à réduire ses activités de « manière significative », ce qui aurait des conséquences sur son effectif.

Par courriel, l’entreprise dit être à pied d’œuvre afin d’écouler ses stocks actuels dans l’espoir d’éviter de nouvelles compressions. Son usine de Lachine s’étend sur 110 000 pi² (10 220 m²).

EDC avait accepté de prêter 5,25 millions de plus à Taiga en mars dernier. L’entreprise avait reçu une bouée de sauvetage d’Investissement Québec et Northern Private Capital le 30 mars 2023. Le bras investisseur du gouvernement québécois et la firme torontoise avaient accepté de lui prêter 40 millions.

Taiga souhaite redonner du lustre à ses finances en ajustant sa production et en ajoutant les ventes par l’intermédiaire de concessionnaires – plutôt que de miser uniquement sur les ventes directement aux consommateurs – pour stimuler son chiffre d’affaires.

« La marge brute de Taiga est négative, fait remarquer M. Duguay. Chaque fois que Taiga vend des produits, il perd de l’argent. Les acheteurs potentiels deviennent plus réticents à acheter [les produits] parce qu’ils se demandent si la compagnie pourra honorer les garanties et si les pièces seront disponibles. Il y a un effet boule de neige. »

Le constructeur de motoneiges et de motomarines électriques était entré à la Bourse de Toronto en avril 2021. Son action se négociait aux alentours de 13 $. Le titre a constamment perdu des plumes depuis. Mercredi, il a abandonné 5 % pour clôturer à 28 cents. Cela conférait une valeur boursière de 9 millions à l’entreprise.