(Ottawa) La décision de la Cour fédérale qui ordonnait à Ottawa de rapatrier quatre Canadiens détenus dans des camps syriens a été suspendue pendant la procédure d’appel.

À la demande du gouvernement, la Cour d’appel fédérale a accepté d’accorder un sursis d’exécution jusqu’à ce que la cause soit entendue, dans moins de deux semaines.

Le gouvernement avait plaidé en première instance qu’il n’avait pas l’obligation de rapatrier les Canadiens, mais il a accepté de rapatrier six femmes et 13 enfants qui faisaient partie de la même requête.

Ottawa est toujours tenu d’amorcer le processus de rapatriement en établissant des contacts avec les forces kurdes qui détiennent les Canadiens dans une région qu’ils ont reprise à Daech (groupe armé État islamique).

La décision souligne que selon Ottawa, le gouvernement pourrait causer plus de torts s’il en faisait davantage avant qu’une décision finale ne soit prise dans ce dossier.

Ottawa soutient que tout bien considéré, les impacts possibles sur la sécurité nationale et la sécurité des personnes impliquées dans les efforts de rapatriement l’emportent sur le préjudice que ces hommes subissent encore en détention.

Dans sa décision unanime de mardi, rédigée par le juge David Stratas, la Cour d’appel fédérale précise que le comité de trois juges s’efforcera de rendre un jugement « le plus rapidement possible » dans ce dossier. « Il peut y avoir un préjudice supplémentaire subi par les intimés en raison du retard, mais ce retard sera de courte durée », assure la Cour d’appel.

Peu d’impacts ?

La Cour note que le gouvernement a signalé des « obstacles » dans ses premières tentatives pour demander officiellement la libération des quatre Canadiens. Pour cette raison, la Cour indique que même si la suspension du jugement de première instance avait été refusée, il n’est pas clair s’il y aurait un impact réel sur la situation des détenus.

Sans cette suspension, le gouvernement pourrait être contraint de prendre des mesures « irréversibles ou néfastes » qu’il ne prendrait pas s’il avait plus tard gain de cause en appel, selon la Cour.

Le juge Stratas prévient toutefois qu’« il y aura de graves ramifications s’il s’avère plus tard que les appelants [le gouvernement] ont manœuvré pour gagner du temps ».

Le juge Henry Brown, de la Cour fédérale, a conclu en janvier que les Canadiens détenus en Syrie avaient le droit de faire venir un représentant du gouvernement pour faciliter leur libération.

Leur rapatriement a été entravé par l’absence de toute demande officielle du gouvernement canadien, estimait le juge Brown. Il soutenait alors que ces Canadiens ne pouvaient pas bénéficier « d’un exercice vraiment significatif » de leur droit d’entrer au Canada, garanti par la Charte. Le juge a par ailleurs qualifié d’« épouvantables » les conditions de vie dans les camps où ces Canadiens sont détenus.

L’un des quatre hommes est Jack Letts. Ses parents, John Letts et Sally Lane, ont mené une campagne publique exigeant que le gouvernement canadien vienne à son aide. Eux et d’autres familles ont soutenu qu’en ne facilitant pas leur retour en toute sécurité, le gouvernement violait leurs droits fondamentaux, y compris le droit d’être jugé par le système judiciaire canadien si des accusations étaient portées contre eux.

Les quatre hommes et 19 femmes et enfants qui faisaient partie de la procédure judiciaire ne sont pas les seuls Canadiens détenus en Syrie. Il n’est pas clair si l’issue de cette affaire affectera l’approche du gouvernement envers les autres détenus canadiens.