Une centaine de manifestants se sont réunis mercredi midi devant un édifice du quartier Hochelaga-Maisonneuve où des appartements sont loués sur Airbnb, pour dénoncer cette façon de faire.

« En pleine crise du logement, c’est une provocation d’avoir un immeuble tout neuf rempli d’Airbnb, qui ne répond aucunement aux besoins des gens du quartier », a déploré l’organisatrice communautaire Annie Lapalme, d’Entraide logement Hochelaga-Maisonneuve, en s’adressant à la foule.

« Aujourd’hui, on dit : c’est assez ! »

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Annie Lapalme, d’Entraide logement Hochelaga-Maisonneuve

« Quand on favorise les spéculateurs immobiliers, c’est ce qui fait qu’un quartier ouvrier devient un havre pour les touristes, et qu’on n’arrive plus à se loger », a renchéri Emmanuel Cree, de l’Organisation populaire des droits sociaux.

L’immeuble en question a été la cible de vandales la semaine dernière. Son rez-de-chaussée a été couvert de peinture, de graffitis et d’affiches contre la location sur Airbnb.

Dans cet immeuble de 27 unités, propriété de l’entreprise Strawberry Stays, trois logements sont à louer à court terme sur des plateformes en ligne. Le propriétaire avait déjà signifié son intention de faire de la location à court terme au moment de la construction de l’édifice, ainsi que dans une poursuite déposée en août dernier contre l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, pour contester le règlement municipal qui interdit les locations touristiques commerciales.

Trois personnes ont obtenu un certificat de conformité de l’arrondissement pour leur permettre de louer un logement dans cet immeuble sur Airbnb, en déclarant qu’il s’agissait de leur résidence principale, ce qui est permis par les règlements municipaux.

Le maire dénoncé par les manifestants

Les organisateurs de la manifestation ont pris à partie Strawberry Stays, criant à l’entreprise de « foutre le camp ». Mais ils ont également dénoncé le maire de l’arrondissement, Pierre Lessard-Blais, qu’ils accusent de ne pas faire respecter son règlement et de « copinage » avec les investisseurs immobiliers.

« L’arrondissement marche main dans la main avec les investisseurs prédateurs », a lancé Marine G. Armengaud, militante au Front de lutte pour un immobilier populaire.

Pierre Lessard-Blais impute plutôt au gouvernement du Québec la situation actuelle, qui empêche l’arrondissement de faire respecter entièrement son règlement encadrant la location commerciale sur Airbnb. Il souligne que c’est Revenu Québec qui peut déterminer où se trouve la résidence principale d’un citoyen et qui a des enquêteurs pour faire respecter la Loi sur l’hébergement touristique.

« C’est positif qu’il y ait une mobilisation citoyenne. J’encourage les gens à dénoncer les locations commerciales sur Airbnb, pour inciter Revenu Québec à embaucher plus d’inspecteurs », a dit le maire d’arrondissement en entrevue, à la suite de la manifestation de mercredi.

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L’immeuble près duquel s’est tenue la manifestation a été la cible de vandales la semaine dernière. Son rez-de-chaussée a été couvert de peinture, de graffitis et d’affiches contre la location sur Airbnb.

« Québec doit agir rapidement, pour sa propre crédibilité et pour prouver que sa loi est efficace. »

Il a réitéré l’opposition de l’arrondissement à toute location touristique commerciale sur son territoire, et révélé avoir communiqué avec les inspecteurs de Revenu Québec pour leur demander d’enquêter sur les appartements offerts sur Airbnb par Strawberry Stays.

M. Lessard-Blais affirme que des démarches ont été faites auprès du cabinet de la ministre du Tourisme, Caroline Proulx, pour porter à son attention cette brèche qui peut permettre à des individus de déclarer qu’ils louent leur résidence principale sur Airbnb, sans que les municipalités puissent contre-vérifier cette affirmation.

« On est dans la pire crise du logement de l’histoire, mais l’arrondissement et Revenu Québec se lancent la balle pour éviter d’appliquer les règlements. Il ne faut pas se surprendre de voir le quartier en colère, et cette colère est loin de s’apaiser », a dénoncé Louis Beaudin-Marcoux, du comité BAILS, pendant la manifestation.