Pour ses dix ans, Vélo Fantôme élargit son mandat et sa portée. L’organisme installera dorénavant des mémoriaux pour les cyclistes ainsi que les piétons et surtout, il le fera à la grandeur de la province. Une campagne de sociofinancement a été lancée ce mardi pour soutenir la nouvelle mission du groupe.

Avec un nom renouvelé, Souliers et Vélos fantômes Québec souhaite ainsi mieux mettre en lumière la gravité et la multiplication des drames humains en matière de sécurité routière. Les souliers blancs seront installés aux intersections où des piétons meurent après une collision, comme c’est déjà le cas depuis plusieurs années avec les vélos fantômes.

Le tout survient dix ans jour pour jour après l’installation du premier vélo fantôme, à la mémoire de la cycliste Suzanne Châtelain, qui était morte des suites d’un emportiérage le 18 juillet 2013 à l’angle de l’avenue du Parc et de la rue Saint-Viateur.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Quelque 645 souliers blancs ont été déposés devant les bureaux de la ministre des Transports Geneviève Guilbault, en mémoire des 645 piétons qui ont perdu la vie dans la dernière décennie.

« On couvrira aussi désormais tout le Québec. Nous souhaitons que toutes les personnes affectées puissent recevoir un accompagnement », a expliqué la porte-parole de l’organisme, Séverine Lepage, lors d’une mêlée de presse devant les bureaux de la ministre des Transports Geneviève Guilbault.

La ministre, qui a présenté il y a deux semaines sa Stratégie nationale en sécurité routière, a d’ailleurs salué mardi la démarche de l’organisme, par la voix de son cabinet. À Montréal, l’entourage de la mairesse Valérie Plante a aussi évoqué « un geste nécessaire qui réitère toute l’importance qui doit être accordée à l’ensemble des usagers les plus vulnérables ».

Une activité-hommage s’est aussi tenue mardi à l’angle de la côte du Beaver Hall et du boulevard René-Lévesque. Quelque 645 souliers blancs ont été déposés à l’intersection, sous une surveillance policière, en mémoire des 645 piétons qui ont perdu la vie dans la dernière décennie. Durant la même période, 115 cyclistes ont été fauchés par des automobilistes.

En comptant les personnes blessées, « on arrive à 26 000 victimes en 10 ans », a précisé une autre porte-parole, Shanti Larochelle. « Cette violence routière, nous ne l’acceptons pas. Derrière chaque décès, il y a des proches qui sont dévastés. On leur montre aujourd’hui une fois de plus notre solidarité », a-t-elle martelé.

Appel aux dons

Qui dit nouveau mandat, dit nouvelles dépenses. Pour soutenir sa mission, Souliers et Vélos fantômes Québec a lancé mardi une campagne de sociofinancement en ligne sur la plateforme Zeffy, avec l’objectif d’amasser jusqu’à 20 000 $.

L’organisme affirme que ses dépenses augmenteront substantiellement en raison de sa transformation, qui impliquera notamment d’installer des mémoriaux à l’extérieur du Grand Montréal et, possiblement, d’embaucher plus de personnel. Jusqu’ici, tout avait été géré de façon entièrement bénévole.

Une contribution de 7500 $ a déjà été offerte par la Caisse d’économie solidaire Desjardins, par le biais de son Fonds d’aide au développement du milieu.

Le tout survient près de trois mois après un bilan dévastateur de la Société de l’assurance automobile (SAAQ) qui révélait que 392 personnes sont mortes sur les routes du Québec, une hausse d’environ 13 % en un an, mais surtout, d’un sommet en près d’une décennie.

Surreprésentés dans les statistiques de collision, les piétons représentaient en 2022 un décès sur cinq, alors que le nombre de collisions impliquant un poids lourd était par ailleurs en hausse marquée. L’an dernier seulement, 79 piétons ont perdu la vie sur les routes du Québec.

Un rappel aux décideurs

Pour la directrice générale de Piétons Québec, Sandrine Cabana-Degani, le nouveau mandat de Souliers et Vélos fantômes arrive à point. « Pour nous, c’est vraiment une bonne nouvelle que ce service-là puisse être offert aux familles, puisque malheureusement, on sait qu’il y aura encore des décès de piétons dans les prochaines années », dit-elle.

« Ça nous arrivait que des familles nous approchent pour faire une commémoration, mais souvent, on n’avait pas les capacités de répondre à toutes les demandes. Là, on va avoir une belle façon de montrer qu’il y a des tragédies humaines derrière les chiffres », ajoute Mme Degani.

Depuis dix ans, rappelle la DG, Vélo Fantôme « a permis de faire bouger les administrations municipales ». « D’avoir des souliers blancs dans l’espace public, ça va permettre de rappeler aux décideurs l’importance de faire des aménagements sécuritaires, et aux automobilistes de faire preuve de prudence. »

Le PDG de Vélo Québec, Jean-François Rheault, a aussi applaudi la nouvelle mardi. « Nous sommes heureux de voir le travail de Souliers et Vélos fantômes Québec commémorer les décès de piétons ainsi que la couverture qui s’étend désormais sur l’ensemble du Québec. Le devoir de mémoire est essentiel pour nous rappeler que notre objectif doit toujours être la sécurité routière », a-t-il affirmé.