Augmentation des amendes pour des infractions contre les piétons et les cyclistes, réduction de vitesse en zone scolaire, hausse du nombre de radars photo : la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, annoncera ce mardi une série de nouvelles mesures pour s’attaquer à la détérioration du bilan routier.

Dans sa nouvelle « Stratégie nationale en sécurité routière », qui sera dévoilée ce mardi et que La Presse a obtenue, la ministre Guilbault prévoit notamment hausser la valeur des constats d’infraction aux usagers de la route lorsqu’ils commettent des infractions « à l’égard d’un usager vulnérable », soit un piéton ou un cycliste principalement. Davantage de points d’inaptitude seront aussi remis lorsque cela surviendra.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La ministre des Transports, Geneviève Guilbault

Un nouveau type d’infraction touchant les usagers vulnérables devrait être ajouté au Code de la sécurité routière (CSR). Toutes ces modifications réglementaires devront toutefois d’abord faire l’objet d’un projet de loi. C’est la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) qui tranchera à savoir combien de points d’inaptitude seront attribués pour chaque infraction, et de combien les amendes seront augmentées. D’emblée, les autorités prévoient déjà néanmoins une gradation en fonction du niveau de dangerosité.

La ministre, qui sera accompagnée ce mardi du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, compte rendre obligatoire l’imposition d’une vitesse maximale de 30 km/h dans toutes les zones scolaires. Actuellement, au Québec, cette limite est de 50 km/h, mais plusieurs municipalités ont déjà réduit les vitesses.

Plus de radars photo

Comme prévu, Mme Guilbault fera une grande place aux radars photo dans sa nouvelle stratégie, surtout aux abords de zones scolaires. Depuis 2016, au moins 44 écoles ont fait l’objet d’une surveillance par un radar photo mobile au Québec, selon les données du ministère de la Justice. Ces appareils ont distribué pas moins de 51 650 constats d’infraction, pour un total de 9,4 millions en amendes.

En juillet, La Presse révélait que Québec songeait à multiplier par six le nombre de radars photo sur les routes de la province, en les faisant passer de 54 appareils à plus de 300 en cinq ans. On ignore encore où iraient ces radars, mais il semble que la région du Grand Montréal serait prioritaire dans un premier temps.

Selon nos informations, les autorités envisagent d’acheter des radars plus modernes, qui permettent de prendre une photo de la voiture d’un point à un autre, puis de calculer sa vitesse. Cela éviterait que les voitures ralentissent à l’approche, avant de repartir en trombe.

Globalement, Québec veut rendre plus d’argent disponible pour les municipalités qui souhaitent revoir la signalisation et l’aménagement de zones situées à proximité des écoles, des centres de la petite enfance (CPE) ou encore des résidences pour personnes âgées. La taille des investissements reste toutefois à préciser.

Un guide d’aménagement sera mis sur pied pour les écoles qui souhaitent sécuriser elles-mêmes leurs zones scolaires. De nouvelles normes concernant les usagers vulnérables seront également incluses dans le Tome V du ministère des Transports sur la signalisation routière, qui régit la loi en la matière.

Formation obligatoire

Le ministère des Transports rendra par ailleurs obligatoire un programme de formation en sécurité de la route pour obtenir un permis de véhicule commercial de classe 1 – autrement dit, un permis pour conduire un camion.

Jusqu’ici, pour obtenir ce permis, il fallait détenir un permis de classe 5 depuis trois ans, avoir réussi un examen pratique et deux autres évaluations pratiques, mais aucun programme de formation n’était requis. C’est la SAAQ qui effectuera d’abord, de septembre à décembre 2023, une « mise à l’essai du programme de formation » dans deux écoles de conduite et deux entreprises de transport.

Pour faire le suivi de ses engagements, Québec fera au passage renaître de ses cendres la Table québécoise de la sécurité routière, dont les travaux avaient été suspendus il y a quelques années par le ministre libéral des Transports à l’époque, Robert Poëti.

Le mandat du groupe sera similaire, soit celui de conseiller et d’évaluer le gouvernement sur ses actions en continu pour améliorer la sécurité routière au Québec. On ignore encore qui présidera l’organisme, mais son ancien président, Jean-Marie De Koninck, a été invité à la conférence de presse ce mardi.

« Un pas dans la bonne direction »

Chez Piétons Québec, la directrice générale Sandrine Cabana-Degani salue ces nouvelles mesures avec un enthousiasme prudent. « Les attentes étaient élevées pour ce plan. On sent que le Ministère a vraiment été à l’écoute des différents groupes. C’est un pas dans la bonne direction et ça montre la volonté d’agir pour la sécurité des piétons », soutient-elle en entrevue.

« Il y a plusieurs mesures intéressantes, mais c’est sûr qu’on va suivre de près la mise en œuvre pour s’assurer que ce plan marque réellement un tournant pour transformer la façon dont les routes sont aménagées au Québec », poursuit la directrice, en insistant sur le fait qu’il reste « beaucoup de travail à faire » pour « concrétiser ces engagements ».

La directrice des programmes de Vélo Québec, Magali Bebronne, abonde. « Qu’on vienne sanctionner davantage les comportements mettant à risque un usager vulnérable, c’est une bonne chose. »

Après, pour la vitesse, on ne peut pas juste changer un panneau à 30 km/h. Si on a toujours une rue très large, les gens vont continuer à aller vite. À un moment donné, il faudra faire en sorte que ça ne soit pas possible d’aller plus vite.

Magali Bebronne, directrice des programmes de Vélo Québec

À l’Association du camionnage du Québec, le PDG Marc Cadieux accueille aussi ces nouvelles mesures favorablement, surtout pour ce qui est du programme de formation pour les camionneurs. « Ça fait longtemps qu’on parle de la nécessité d’une telle formation dans l’industrie. L’enjeu, c’est surtout de s’harmoniser sur le nombre d’heures et les critères à travers les provinces. Mais on appuie ça totalement », dit-il.

Son groupe se dit favorable à l’arrivée d’amendes plus salées, « pour autant [que] tous [soient] dans le même bateau ». « Je ne voudrais pas que mes membres soient plus visés que d’autres. Si on ne prend pas tous une responsabilité commune, on n’y arrivera pas », soutient M. Cadieux, qui s’inquiète que de plus en plus d’automobilistes soient « trop téméraires sur la route ».

Tout cela survient alors que 144 personnes auraient perdu la vie sur les routes de la province en date du 30 juin 2023, selon de récentes données préliminaires de la SAAQ. Il s’agit précisément du même nombre que durant les six premiers mois de 2022, année qui a marqué le pire bilan routier en 10 ans. « D’être au même niveau déjà cette année, c’est très inquiétant », a soutenu la semaine dernière le porte-parole de CAA-Québec, David Marcille.

« On a de grandes attentes. On a beaucoup parlé des radars, qui selon nous font partie de la solution », a quant à elle évoqué lundi la mairesse de Montréal, Valérie Plante, en marge d’une conférence de presse. « J’espère énormément que le gouvernement du Québec va faire le choix de société de privilégier la sécurité de déplacement des plus vulnérables au-delà de la rapidité des déplacements. »

Le maire de Québec, Bruno Marchand, estime quant à lui que « les villes sont les mieux placées » pour identifier les zones scolaires les plus dangereuses, et qu’elles devraient pouvoir choisir où installer des radars. « Le but, ce n’est pas de faire de l’argent, c’est d’éviter des accidents autour des écoles. Quand on est à 60 km/h plutôt que 30 km/h, le freinage n’est pas le même. Un enfant, ça peut être imprévisible », a-t-il illustré lundi.

Avec la collaboration de Philippe Teisceira-Lessard et de Gabriel Béland, La Presse

En savoir plus
  • 535 
    Nombre de personnes qui ont été blessées gravement sur les routes de la province en date de la mi-août cette année, contre 509 à pareille date en 2022.
    source : Société de l’assurance automobile du Québec
    22
    Nombre de morts survenues sur les routes du Québec en 2023 pendant les vacances de la construction
    source : sûreté du québec
  • 392
    Nombre de personnes qui sont mortes sur les routes du Québec en 2022. Il s’agissait alors d’une hausse d’environ 13 % en un an, mais surtout d’un sommet en près d’une décennie. Un décès sur cinq était un piéton.
    source : Société de l’assurance automobile du Québec
    25 %
    Proportion de morts enregistrées en 2022, soit 95 sur 392, qui sont survenues lors d’accidents impliquant un véhicule lourd. Il s’agit d’une hausse marquée par rapport aux dernières années, soit plus de 17 % en comparaison avec la moyenne 2017-2021.
    source : Société de l’assurance automobile du Québec