Plus de 180 millions de dollars et 27 mesures d’ici 2028. La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, fait le pari que sa nouvelle stratégie nationale en matière de sécurité routière sera un « moment crucial » pour le Québec, au moment où le bilan routier s’aggrave.

« Je sens qu’aujourd’hui, on est dans un moment crucial. Toute la société souhaite embarquer dans cet élan de sécurité routière. Le message qu’on envoie derrière ça, c’est que chaque usager doit prendre conscience de sa responsabilité », a expliqué Mme Guilbault lors d’une conférence de presse, mardi à Montréal.

D’ici 2028, quelque 186 millions seront investis dans un nouveau Plan d’action en sécurité routière. La Presse a révélé plus tôt que la ministre prévoyait notamment hausser les amendes imposées aux usagers de la route lorsqu’ils commettent des infractions « à l’égard d’un usager vulnérable », c’est-à-dire un piéton ou un cycliste. Un plus grand nombre de points d’inaptitude seront aussi reçus à la suite de telles infractions.

La ministre a précisé mardi qu’elle entendait aussi augmenter les amendes et le nombre de points d’inaptitude pour des infractions commises sur les chantiers, où les signaleurs subissent de plus en plus de blessures chaque année. Une « semaine de sensibilisation à la sécurité des travailleurs routiers » est aussi dans les cartons. Dans les deux cas, c’est la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) qui déterminera combien de points d’inaptitude seront reçus et de combien les amendes seront augmentées.

Restant prudente, Mme Guilbault a toutefois voulu envoyer mardi un « certain signal », en rappelant notamment qu’il y a quelques années, « le gouvernement avait établi à neuf points d’inaptitude [la pénalité pour] non-respect d’un arrêt sur un autobus jaune ».

« Ça, pour moi, c’est un signal fort. Ce sur quoi on s’aligne, ça va refléter mon souci énorme pour les clientèles vulnérables et les manœuvres dangereuses au détriment de ces clientèles-là. Je pense aux piétons, aux vélos, aux aînés et aux enfants », a-t-elle dit.

Situation critique

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, LA PRESSE CANADIENNE

La ministre des Transports, Geneviève Guilbault

Tout cela survient alors que 144 personnes ont perdu la vie sur les routes de la province en date du 30 juin 2023, selon de récentes données préliminaires de la SAAQ, soit le même nombre que durant les six premiers mois de 2022, année qui a connu le pire bilan routier en 10 ans. « On se devait d’agir, en particulier pour les zones scolaires », a plaidé la ministre des Transports.

Québec veut aussi rendre obligatoire l’imposition d’une vitesse maximale de 30 km/h dans toutes les zones scolaires. Actuellement, au Québec, la vitesse maximale est de 50 km/h, mais plusieurs municipalités l’ont déjà réduite. « Ça fait quand même un changement radical », a évoqué Mme Guilbault à ce sujet, en soulignant que pour le reste des rues, « les villes seront libres » d’emboîter ou non le pas.

À terme, le gouvernement compte rendre obligatoire l’aménagement sécuritaire des zones scolaires, selon des lignes clairement définies dans un guide d’application. Le gouvernement s’engage aussi à injecter 68 millions d’ici 2028 dans le Programme d’aide financière au développement des transports actifs dans les périmètres urbains pour des projets de sécurisation.

Dans la façon de faire les aménagements, il faut tenir compte à la fois de l’environnement physique, des infrastructures, de la sécurité des véhicules, du comportement des usagers.

Geneviève Guilbault, ministre des Transports

Montréal veut la moitié des radars

Du côté des radars photo, le plan de Mme Guilbault consiste essentiellement à « tenir un appel d’intérêt international » pour déterminer le type de technologie qui « répondra le mieux aux besoins » de surveillance sur le réseau routier, en particulier dans les zones scolaires. Un projet de loi serait ensuite déposé.

Là encore, aucune cible n’a été précisée. « Je n’ai pas de chiffre aujourd’hui, mais je veux qu’on augmente leur nombre. En ce moment, on a 54 radars. Ce n’est pas beaucoup, surtout que là-dessus, il y en a la moitié qu’on ne peut pas déplacer facilement », a dit la ministre, en plaidant aussi pour une modernisation des outils.

Montréal, de son côté, demande déjà une bonne partie de ces futurs radars photo. « Les besoins sont grands. On espère avoir la moitié de la part du gâteau à terme », a déclaré mardi la responsable de la mobilité au comité exécutif, Sophie Mauzerolle.

Elle salue la stratégie de la ministre, « qui met au cœur des préoccupations la sécurité des plus vulnérables ».

Il y a beaucoup de choses et d’intentions qui sont annoncées, mais il faudra voir la façon dont ça se déploiera. On souhaite voir les fruits de cette stratégie-là rapidement.

Sophie Mauzerolle, responsable de la mobilité au comité exécutif de la Ville de Montréal

Selon nos informations, le gouvernement envisage d’acheter des radars plus modernes, qui permettent de prendre une photo d’une voiture à deux endroits sur une route, puis de calculer sa vitesse moyenne en fonction du temps qu’elle a mis à se déplacer entre les deux. Cela éviterait que les voitures ne ralentissent qu’à l’approche d’un radar, avant de repartir en trombe.

Québec souhaite aussi « développer un indice de sécurité pour les véhicules lourds » qui établirait le niveau de dangerosité des véhicules lourds en circulation en analysant les causes liées à chaque accident impliquant un camion. Une formation destinée aux futurs conducteurs est aussi envisagée afin « de mettre les usagers vulnérables au cœur des parcours d’éducation à la sécurité routière ». Un programme de formation en sécurité de la route pour obtenir un permis autorisant la conduite d’un camion devrait par ailleurs être mis en branle dès l’automne.

Ce qu’ils ont dit

Il faut miser rapidement sur des solutions qui ne prennent pas de temps et qui ne coûtent pas cher. Des bacs à fleurs, des petits murets, des bollards, des intersections surélevées : on n’a pas besoin de travaux majeurs pour faire ça.

Ann-Julie Rhéaume, membre du regroupement Pas une mort de plus

Rien dans ce qui a été présenté n’améliore concrètement la sécurité des piétons et cyclistes sur le réseau routier du Ministère. Ces routes sont souvent les artères principales en région. Il faut y apporter une attention particulière.

Joël Arseneau, porte-parole du Parti québécois en matière de transports

J’espère que la CAQ mettra les bouchées doubles pour que le plan d’action annoncé soit mis en place et montre des résultats le plus rapidement possible. Il en va de la sécurité de tous les usagers de la route.

Etienne Grandmont, porte-parole de Québec solidaire en matière de transports

Nous surveillerons la mise en œuvre de ce plan. […] Il serait inconcevable de revivre le bilan routier de l’été 2023.

André A. Morin, porte-parole du Parti libéral en matière de transports

Ce plan d’action est un excellent pas dans la bonne direction et démontre la volonté du gouvernement du Québec d’agir sur la sécurité des piétons […]. Nous suivrons de près sa mise en œuvre qui sera cruciale afin que le plan ait un réel impact.

Sandrine Cabana-Degani, directrice générale de Piétons Québec

Il ne faudrait surtout pas que ce soit des mesures vides. Un radar photo qui serait mis n’importe où et n’importe comment n’aurait pas de résultats tangibles. Il faut vraiment bien réfléchir l’application.

Nicolas Ryan, porte-parole de CAA-Québec

Il y a plusieurs pistes de solution intéressantes pour protéger tous les usagers, […] mais on semble encore loin de la mise en œuvre pour plusieurs d’entre elles.

Anne-Catherine Pilon, analyste chez Équiterre

Il était temps de dépoussiérer les tomes d’ingénierie qui guident la construction de nos routes partout au Québec.

Marie-Soleil Gagné, directrice générale d’Accès transports viables

Ce plan démontre hors de tout doute que la sécurité des travailleurs et des signaleurs de chantier est considérée à part entière dans la réflexion gouvernementale en matière de sécurité routière.

Caroline Amireault, directrice de l’Association québécoise des entrepreneurs en infrastructure

En savoir plus
  • 300
    En juillet, La Presse a révélé que Québec songeait à multiplier par six le nombre de radars photo sur les routes de la province, de 54 appareils à plus de 300 en cinq ans. Seulement dans les zones scolaires, pas moins de 51 650 constats d’infraction ont été remis grâce aux radars photo depuis 2016.