Les sceptiques seront confondus, anticipe Steven Guilbeault ; la COP28 pourrait tout à fait accoucher d’un accord sur l’élimination progressive des énergies fossiles, et il en fait un objectif personnel.

« Moi, j’ai l’impression qu’on va réussir à s’entendre là-dessus », a confié à La Presse le ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique, lors d’un entretien réalisé dans un café de l’arrondissement d’Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal.

Le président de la conférence, Sultan Ahmed al-Jaber, qui est ministre de l’Industrie et président-directeur général de la pétrolière nationale des Émirats arabes unis (EAU), « est très sensible » au cynisme qu’alimente la tenue de la grand-messe annuelle du climat dans sa monarchie pétrogazière, estime le ministre Guilbeault.

« Parce qu’il veut que la COP soit un succès et il comprend que c’est un des éléments clés [pour que ce le soit], il veut faire des choses que d’autres pays n’auraient pas été prêts à faire », explique-t-il, en trempant sa chocolatine dans son latté au lait d’avoine.

Leur statut de producteur de pétrole et de gaz confère d’ailleurs aux EAU une influence certaine auprès d’autres grands producteurs, ajoute Steven Guilbeault, dont le rôle de cofacilitateur1 lui a permis de prendre le pouls de quelque 80 pays jusqu’à maintenant.

Les pays du Groupe des vingt (G20) avaient pourtant échoué à s’entendre2 sur une forme de sortie des énergies fossiles, lors de leur sommet, en septembre.

Les enjeux comme la guerre en Ukraine prennent beaucoup de place dans un forum comme le G20, mais moins dans un forum comme la COP, analyse le ministre Guilbeault, estimant que la COP28 pourrait ainsi réussir là où le G20 a échoué.

Je ne dis pas que c’est réglé, mais je suis plutôt optimiste.

Steven Guilbeault

Capture et stockage

Une éventuelle entente sur l’élimination progressive des combustibles fossiles ciblerait ceux qui ne sont pas accompagnés de solutions de capture et de stockage des gaz à effet de serre (GES) qu’ils génèrent, les « unabated ».

Steven Guilbeault n’y voit pas une façon d’éviter de réduire réellement la consommation mondiale d’hydrocarbures, comme le craignent différents acteurs environnementaux.

« Je n’étais pas opposé à la capture et stockage quand j’étais chez Équiterre », rappelle-t-il, soulignant que cette solution ne représentera que quelques pourcentages des réductions de GES nécessaires à l’atteinte de la neutralité carbone.

Dans un monde carboneutre, en 2050, on va consommer encore 20 à 25 millions de barils par jour, c’est beaucoup moins que les 100 millions qu’on consomme présentement […], mais ce pétrole-là qu’on va produire, il va falloir qu’on capture et qu’on stocke ses émissions.

Steven Guilbeault

Les discussions précédant la conférence sont beaucoup plus avancées qu’à pareille date dans le passé, souligne Steven Guilbeault, révélant que des ébauches d’un accord circulent déjà, alors qu’elles n’avaient commencé à circuler qu’à quatre jours de la fin de la COP27, l’an dernier, en Égypte.

Le ministre Guilbeault y voit notamment le résultat du travail réalisé dans les derniers mois par les cofaciliteurs – dont il fait partie – nommés par Sultan Ahmed al-Jaber, qui affichait l’ambition d’améliorer l’efficacité des COP.

« Je le trouve très optimiste de vouloir réformer l’ONU à lui seul », badine le ministre, qui vante néanmoins l’approche « très ouverte, très transparente » de son homologue.

« Il engage beaucoup plus les pays avant la COP, pour essayer de voir s’il y a moyen de trouver des ententes sur un certain nombre de choses avant qu’on arrive », indique-t-il, ce qui n’est pas un luxe vu que le temps presse.

« Avant l’Accord de Paris, on se dirigeait dans un monde où la température allait augmenter de 4 degrés Celsius, et là, on est autour de 2, dit Steven Guilbeault. Clairement, on a fait énormément de progrès, mais il reste qu’on n’est pas encore sur le point d’atteindre notre objectif de limiter la hausse à 1,5 degré. »

1. Lisez l’article sur le rôle de cofacilitateur du ministre Steven Guilbeault 2. Lisez l’article sur l’échec du G20 d’en arriver à un accord sur la sortie des énergies fossiles

Précision :
Une version précédente de ce texte attribuait le titre de sultan au président de la COP28. Or, il s’appelle Sultan Ahmed al-Jaber. Nos excuses.

En savoir plus
  • 20
    Nombre de « COP » sur le climat auxquelles Steven Guilbeault a participé, d’abord comme militant écologiste, puis comme ministre. Il était notamment à la toute première, en 1995, à Berlin, en Allemagne. La COP28 sera donc sa 21e.
    Source : ministère de l’Environnement et du Changement climatique du Canada