Sortie des énergies fossiles, financement accru, bilan des actions posées ; la COP28 doit faire « bouger l’aiguille » de la lutte contre le réchauffement de la planète. Aperçu du fonctionnement, des contradictions et des enjeux à l’ordre du jour.

Rôle mal compris

PHOTO GILLES SABRIE, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Un parc industriel de la province de Shanxi, au cœur de l’industrie chinoise du charbon

« Ce serait naïf de penser qu’en deux semaines, on va régler le sort de l’humanité quand ça fait plus de 28 ans qu’on discute des enjeux climatiques », lance Patrick Rondeau, directeur du service environnement et transition juste à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), qui participera à sa septième COP. Cette attente irréaliste est à son avis le résultat d’une incompréhension du rôle de ces conférences, qui est de négocier des accords-cadres par consensus. « La COP ne peut pas exiger que la Chine ferme ses centrales au charbon », illustre-t-il. Le défi consiste à inscrire dans l’accord « le langage le plus contraignant possible » quant aux cibles à atteindre, forçant ainsi les États à adopter des plans de lutte contre les changements climatiques cohérents avec l’accord qu’ils ont signé. Le succès des COP se mesure à leur capacité à faire « bouger l’aiguille » du réchauffement climatique, affirme Patrick Rondeau. « Sans ces conférences climatiques, ce serait une catastrophe totale et absolue », lance-t-il.

Une COP dans un État pétrogazier

PHOTO KAMRAN JEBREILI, ASSOCIATED PRESS

Des cyclistes passent devant la Burj Khalifa, la plus haute tour du monde, à Dubaï, où se tiendra la COP28 du 30 novembre au 12 décembre.

La COP28 se tient aux Émirats arabes unis parce que la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) impose une rotation continentale de ses rencontres annuelles. « Si c’était tout le temps en Europe, on aurait tout le temps le point de vue des Européens », résume Patrick Rondeau. Parler climat dans un État producteur de pétrole et de gaz, dans une COP dont le président Ahmed al-Jaber est aussi ministre de l’Industrie et président-directeur général de la compagnie pétrolière nationale, est de nature à « alimenter le cynisme », reconnaît Anne-Céline Guyon, analyste énergie et climat à Nature Québec, qui sera aussi sur place. Mais cette apparente contradiction est aussi une occasion inédite d’aborder de front la réduction des énergies fossiles, plaident de nombreux membres de la société civile. « C’est une COP extrêmement importante, elle va nous permettre de voir les manquements et comment les pallier », dit-elle.

« La COP de la vérité »

PHOTO FOURNIE PAR ANNIE CHALOUX

Selon Annie Chaloux, professeure à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke, il faudra accélérer les transformations si on veut respecter les objectifs de l’Accord de Paris.

La conférence de Dubaï est présentée comme « la COP de la vérité », parce qu’elle intervient tout juste après la publication du premier « bilan mondial » de la mise en œuvre de l’Accord de Paris de 2015. « C’est un des nœuds de la guerre de cette conférence-là », estime Annie Chaloux, professeure à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke. « Ce sera important de voir comment la présidence et les parties s’approprient ce bilan et comment elles décident de l’utiliser pour accélérer la transition, pour accélérer les transformations qui sont nécessaires pour qu’on respecte les objectifs de l’Accord de Paris », explique-t-elle, soulignant que la notion de transparence imposée aux pays du monde distingue ce rapport des autres. Ce mécanisme « utilisé pour rehausser l’ambition des États » devrait mener à des « discussions très franches et ouvertes » pour déterminer les prochaines cibles de la communauté internationale, ajoute André-Yanne Parent, directrice générale de l’organisation Réalité climatique Canada.

Lisez l’article sur le bilan de l’Accord de Paris

Éviter les « fausses solutions »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

La question de l’élimination progressive des énergies fossiles est l’un des enjeux de la COP28, estime André-Yanne Parent, directrice générale de Réalité climatique Canada.

L’un des enjeux principaux de la COP28 sera donc de parvenir à inscrire dans l’accord final la question de l’élimination progressive des énergies fossiles (phase-out), mais aussi d’accoucher d’un plan de déploiement progressif des énergies renouvelables (phase-in), indique André-Yanne Parent. Il faudra toutefois se méfier des tentatives de certains acteurs de « bloquer le processus, ralentir ou détourner le regard pour proposer plein de solutions technologiques », prévient Annie Chaloux. Nombreux sont ceux qui s’inquiètent notamment de voir l’élimination des combustibles fossiles limitée à ce qui n’est pas accompagné de solutions de capture et de stockage des gaz à effet de serre (GES), les « unabated fossil fuels », selon l’expression anglaise consacrée. La société civile entend veiller au grain « pour éviter un festival de fausses solutions », assure Anne-Céline Guyon.

Trouver l’argent

PHOTO TINGSHU WANG, REUTERS

Un homme au parc des reliques des remparts de la ville de la dynastie Ming, à Pékin. La Chine est le premier émetteur de GES de la planète et certains voudraient que le pays contribue au fonds d’aide aux pays en développement.

Le financement des mesures d’adaptation et d’atténuation sera encore une fois au cœur des discussions. Les pays riches s’étaient engagés en 2009 à fournir annuellement 100 milliards de dollars (des États-Unis) aux pays en développement de 2020 à 2025, mais cette promesse n’aurait été remplie que l’an dernier. « Il y a un besoin d’au moins doubler le financement [pour l’après 2025] avec une réelle feuille de route pour rétablir le lien de confiance, qui a été brisé dans les conférences précédentes », indique André-Yanne Parent. S’ajoute le financement distinct des « pertes et préjudices », pour les conséquences des changements climatiques auxquelles il est impossible de s’adapter, comme la submersion des terres. « Les pays industrialisés sont les principaux responsables », en raison de leurs émissions historiques, souligne Annie Chaloux. « Mais il y a un gros débat parce que, maintenant, le premier émetteur de GES de la planète, c’est la Chine », et certains voudraient qu’elle contribue à cet autre fonds, indique-t-elle.

Lisez l’article sur les promesses de l’aide financière aux pays en développement

Forte présence québécoise

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Patrick Rondeau, directeur du service environnement et transition juste à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), participera à sa septième COP.

Les Québécois sont traditionnellement nombreux dans les COP, et leur présence est remarquée. « Le Québec se distingue, quand on arrive dans une COP, on est un ensemble de parties prenantes très, très variées, ça marque vraiment les gens », observe Leïla Copti, présidente fondatrice de la firme de relations publiques Copticom, axée sur l’environnement et le climat – elle en sera à sa huitième COP, où elle accompagne différents acteurs. Les représentants de la société civile québécoise « sont formés d’avance, ils savent où ils sont, ils savent quel est le travail qu’ils ont à faire », constate Patrick Rondeau. Ils se font aussi les porte-voix de leurs pairs qui n’ont pas accès à ces grandes conférences, ajoute André-Yanne Parent. « Ce ne sont pas tous les pays qui ont un accès facile aux COP, il y a des enjeux financiers, de visa », souligne-t-elle.

Qu'est-ce qu'une COP ?

« COP » est l’acronyme anglais de Conference of Parties, soit, dans ce cas-ci, la conférence annuelle des signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Adoptée en 1992 lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, au Brésil, la CCNUCC est entrée en vigueur en 1994 et compte à ce jour 197 États membres, ainsi que l’Union européenne. Depuis la première COP climat, en 1995, différents accords sont venus renforcer le traité initial, comme le protocole de Kyoto, en 1997, et l’Accord de Paris, en 2015.

En savoir plus
  • 70 000
    Nombre de personnes attendues à Dubaï, faisant de la COP28 la plus grosse jamais tenue.
    Source : Organisation des Nations unies (ONU)
    700
    Nombre de personnes qui composeront la délégation canadienne, la plus importante jamais envoyée à une COP, parmi lesquelles des fonctionnaires, des élus, des représentants de la société civile, des Premières Nations, du monde des affaires, du milieu syndical, du domaine universitaire.
    Source : Environnement et Changement climatique Canada