La COP28, qui commence jeudi à Dubaï aux Émirats arabes unis sera le théâtre du premier bilan mondial de l’action climatique depuis l’Accord de Paris, en 2015. Au moment où le réchauffement planétaire s’accélère au lieu de ralentir, les défis seront nombreux et les attentes, élevées.

Les mauvaises nouvelles s’accumulent

Huit ans après l’Accord de Paris, en 2015, l’heure est au bilan. Et malheureusement, les mauvaises nouvelles s’accumulent. « Je dois faire des efforts d’imagination pour commenter toutes ces mauvaises nouvelles ! », lance Caroline Brouillette, directrice générale du Réseau action-climat au Canada. Parmi les mauvaises nouvelles, il y a notamment ce rapport récent du Programme des Nations unies pour l’environnement indiquant que le réchauffement planétaire s’accélère au lieu de ralentir, et qu’il pourrait atteindre de 2,5 à 2,9 °C d’ici la fin du siècle. C’est largement au-dessus de la cible de l’Accord de Paris, qui est de 1,5 à 2 °C.

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Des résidants du canton de Bago, en Birmanie, transportent leurs provisions alors qu’ils empruntent une rue inondée après de fortes pluies. Le réchauffement planétaire s’accélère au lieu de ralentir au point de pouvoir atteindre de 2,5 à 2,9 °C d’ici la fin du siècle.

Un premier bilan mondial

« C’est le premier enjeu de cette COP, souligne Caroline Brouillette : ce sera l’occasion du premier bilan mondial depuis l’Accord de Paris. On prend un moment pour évaluer les progrès et voir comment on corrige le tir. C’est une COP importante à cause de ça », ajoute-t-elle. « On le voit avec les résultats, on est bien loin des cibles fixées, corrobore Philippe Simard, chargé de cours à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke. Mais la question maintenant, c’est de savoir ce qu’on va faire avec ce bilan. » « Est-ce qu’on sera capable de passer par-dessus le fait que ça va mal ? », demande Caroline Brouillette.

L’éléphant dans la pièce

L’autre enjeu, c’est celui de la sortie des énergies fossiles, une question qui n’est toujours pas réglée, malgré la preuve abondante de leur impact négatif sur le climat. « Ça va être très chaud comme enjeu. Beaucoup de pays soutiennent la sortie (phase-out) des énergies fossiles », avance Mme Brouillette. Le Canada soutient leur élimination progressive, mais n’appuie pas une proposition qui recommande la sortie « totale » des énergies fossiles. « Ce qui est encourageant, c’est qu’on a mis le pied dans la pièce en parlant de ça [les énergies fossiles] à Glasgow [COP26 en 2021]. Ça va prendre quelques années avant d’y arriver, mais c’est inévitable que ça va arriver », croit pour sa part Philippe Simard.

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Un des principaux enjeux, c’est celui de la sortie des énergies fossiles, une question qui n’est toujours pas réglée, malgré la preuve abondante de leur impact négatif sur le climat.

Des tensions entre le Nord et le Sud

La COP28 pourrait-elle mener à un point de rupture entre le Sud et le Nord, si certaines discussions importantes n’aboutissent pas ? « On voit qu’il y a des tensions croissantes. Les pays du Sud trouvent qu’ils se font mener en bateau par le Nord », affirme Caroline Brouillette. En effet, les pays occidentaux ont pu réaliser leurs ambitions grâce aux énergies fossiles depuis plus de 150 ans, et les nations du Sud doivent maintenant s’en priver pour limiter les effets du réchauffement planétaire. « Les pays développés qui ont bénéficié de l’économie carbone doivent aider les autres pays », soutient Philippe Simard, rappelant que c’est une question de « justice climatique ». « On parle de responsabilité commune, mais différenciée au sujet des émissions de GES », ajoute-t-il.

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Un enfant au milieu de la fumée d’un incendie de forêt à Ogan Ilir, dans le sud de Sumatra.

Le Canada parmi les plus gros émetteurs depuis 1850

Entre 1850 et 2021, l’humanité a relâché environ 2500 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Les États-Unis ont contribué à 20 % de ce total, suivis de la Chine (11 %), la Russie (7 %), le Brésil (5 %) et l’Indonésie (4 %), selon une évaluation du site Carbon Brief. À noter que ce bilan tient également compte des émissions issues de la déforestation et des changements aux utilisations des terres. Le Canada pointe d’ailleurs au 10e rang mondial de ce triste palmarès. À la fin de l’année 2021, le monde avait épuisé 86 % du budget carbone lui permettant de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C d’ici la fin du siècle.

Le Canada en retard sur ses objectifs

Certains pays sont plus avancés que d’autres dans l’atteinte de leur objectif de réduction des émissions de GES. C’est le cas notamment de la Chine, qui n’est qu’à 2 % d’atteindre sa cible de réduction des émissions d’ici 2030, par rapport au niveau de 2015. À l’inverse, le Canada est loin derrière avec un retard de 27 %, signale le dernier rapport sur les écarts d’émissions réalisé par l’ONU. Si les objectifs de la Chine et de l’Inde sont moins ambitieux que ceux du Canada, « il ne faut pas penser qu’ils [la Chine et l’Inde] ne font pas d’efforts. On a même vu une progression de leurs ambitions », signale Philippe Simard. « Le retard de 27 % du Canada, fait remarquer Caroline Brouillette, c’est pratiquement l’équivalent des émissions du secteur pétrolier et gazier au pays. »