(Cité du Vatican) Un pape face aux « pécheurs » : François sera le premier pontife à participer à une conférence de l’ONU sur le climat, début décembre à Dubaï, avec l’espoir de faire avancer les négociations cruciales pour la planète.

L’Argentin de 86 ans élu en 2013, qui a fait de la défense de l’environnement un des piliers de son pontificat, prononcera un discours très attendu devant la COP 28 à Dubaï le 2 décembre. Il devrait y dénoncer l’inaction des pays concernés et les inciter à réduire drastiquement leurs émissions de gaz à effet de serre.

Il pourrait aussi avoir un rôle pour rétablir la confiance entre les pays vulnérables face au climat et les riches économies polluantes.

Ce sera la première fois qu’un pape participera en personne à un sommet de la COP depuis la création de la conférence en 1995.  

Face aux pays qui augmentent plutôt que de réduire leur production d’énergies fossiles, « le pape se distingue comme quasiment une présence divine au milieu de hordes de pécheurs », observe le Pr Sverker Sörlin, spécialiste de l’environnement à l’Institut royal de technologie de Stockholm.

« Le pape ne pourra peut-être pas changer la donne au sommet, mais il pourrait être l’aiguille de la balance qui fera pencher les négociateurs […] dans la bonne direction », estime le scientifique, dont les propres travaux ont été cités par le pape.

PHOTO REMO CASILLI, ARCHIVES REUTERS

Le pape François

Le chef spirituel des 1,3 milliard de catholiques, dont plus de la moitié vivent dans des pays en développement, insiste depuis longtemps sur le lien entre le changement climatique et la pauvreté, alors que les plus marginalisés payent le prix le plus fort face au réchauffement climatique.

Lui qui a choisi de prendre le nom du saint patron de l’écologie lors de son élection, a publié en 2015 son encyclique « Laudato si » (« Loué sois-tu »), un manifeste de 200 pages pour une « écologie intégrale », basé sur des études scientifiques, une première pour un leader religieux.  

Ce texte avait déclenché un débat au niveau mondial, un phénomène inédit pour un texte religieux, y compris des commentaires dans des revues scientifiques.

Quelques mois plus tard, un accord avait été conclu à la COP de Paris, où les pays s’étaient engagés à limiter le réchauffement de la planète « bien en deçà » de +2 degrés Celsius par rapport à l’époque préindustrielle.

« Un tournant »

Mais l’ONU a averti cette année que ces engagements ne seraient pas tenus, conduisant le pape à publier début octobre un nouveau texte intitulé « Laudate Deum » (« Louez Dieu »), qui appelle les grandes puissances à abandonner les énergies fossiles.  

Le jésuite argentin y déplore des réponses « insuffisantes alors que le monde […] s’écroule » et s’approche d’un « point de rupture ».

Selon lui, la conférence de Dubaï peut toutefois représenter « un tournant » en cas d’accord contraignant sur la transition des énergies fossiles vers les sources d’énergie propres telles que l’éolien et le solaire, sans quoi elle sera « une grande déception ».

Tebaldo Vinciguerra, membre du bureau du Vatican pour les questions environnementales, a indiqué à l’AFP qu’un « thème central » serait le financement du fonds pour dédommager les plus affectés par le changement climatique (pollution, accès restreint à l’eau, déforestation…).

Selon lui, les négociateurs de Dubaï ne peuvent pas « faire comme si rien ne s’était passé ou se limiter à traiter les symptômes »,  

Le prédécesseur de François, Benoît XVI, avait donné le coup d’envoi des initiatives du Vatican en matière d’écologie en faisant installer en 2008 des panneaux solaires sur le toit de l’immense salle Paul VI accueillant les audiences papales hebdomadaires.

Quinze ans plus tard, le Vatican s’est engagé à réduire d’ici 2030 de 20 % ses émissions de gaz par rapport au niveau de 2011. Un engagement avant tout symbolique au vu de la contribution du minuscule État aux émissions mondiales.

Le Saint-Siège a aussi signé une déclaration interreligieuse ce mois-ci avec 27 autres dirigeants, parmi lesquels l’éminent rabbin écologiste David Rosen, des représentants du grand imam de la mosquée Al-Azhar du Caire, haute autorité sunnite, le patriarche orthodoxe russe Kirill et l’archevêque de Canterbury Justin Welby.

Signe de l’engagement croissant des religions sur le climat, la COP de Dubaï inclura pour la première un pavillon multiconfessionnel, qui sera inauguré par François et accueillera des rencontres avec des chefs religieux, des scientifiques et des dirigeants politiques.

Le pape profitera aussi de sa présence à Dubaï pour avoir des rencontres privées bilatérales, alors que les conflits font rage en Ukraine et au Proche-Orient.