(Dubaï, Émirats arabes unis) Les représentants des pays réunis à la COP28 doivent « passer à la vitesse supérieure » et accoucher d’un accord qui inclut l’épineuse question des énergies fossiles, a sommé le président de la conférence, vendredi, à quatre jours de la conclusion prévue de l’évènement.

« Une réduction des combustibles fossiles est essentielle », a déclaré Sultan Ahmed al-Jaber lors d’une conférence de presse tenue en après-midi, accompagné des huit ministres « cofacilitateurs » qu’il a nommés pour faire avancer les négociations, dont le Canadien Steven Guilbeault.

« Un déclin de la consommation des combustibles fossiles est inévitable dans le temps », a affirmé Sultan Ahmed al-Jaber, appelant les États à s’entendre sur un texte basé sur la science et aligné sur l’objectif de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius.

Un tel discours envoie un signal clair aux représentants des pays présents dans l’immense site de conférence Expo City, dans le sud de Dubaï, indique Romain Ioualalen, responsable des politiques internationales de l’organisation non gouvernementale Oil Change International.

« Ce qui était très, très clair avec cette conférence de presse, c’est que le sujet de la sortie des énergies fossiles est vraiment le sujet central de la deuxième semaine de la COP », dit-il.

C’est inédit. […] Il y a deux ans, c’était impensable d’avoir une conversation sur la sortie de toutes les énergies fossiles dans la COP.

Romain Ioualalen, Oil Change International

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Une manifestation contre les énergies fossiles à la COP28

Un éventuel accord sur l’abandon des énergies fossiles devra impérativement prendre en compte l’urgence de le mettre en application, insiste M. Ioualalen.

« Il faut que l’accord dise de manière très claire que la consommation et la production d’énergies fossiles doivent commencer à baisser dès maintenant, sinon on n’arrivera pas à limiter le réchauffement [de la Terre] à 1,5 °C », dit-il.

Lisez « COP28 : le chef de l’OPEP demande aux membres de refuser tout accord ciblant l’énergie fossile »

Une « occasion » plutôt qu’un problème

Un « changement de paradigme » s’impose pour que la lutte contre le réchauffement climatique soit un succès, a réitéré Sultan Ahmed al-Jaber, qui a la réputation de s’inspirer du milieu des affaires dont il est issu pour mener les négociations climatiques.

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Islene Façanha, du Portugal, participe à une manifestation habillée d’images d’incendies de forêt lors de la COP28.

« Nous ne pouvons plus considérer les changements climatiques uniquement comme un problème ; nous devons en faire une occasion à saisir », a-t-il déclaré.

La crise climatique impose une transition énergétique qui peut être considérée comme la nouvelle révolution industrielle ou un programme de développement économique créant de nouveaux emplois, de nouvelles industries et de nouveaux revenus, a suggéré Sultan Ahmed al-Jaber.

Il est toutefois impératif d’aider les pays en développement à réaliser leur transition énergétique et de leur donner plus de temps pour le faire, a-t-il prévenu, rappelant son attachement à « une transition juste, équitable, responsable et ordonnée ».

« Le ton est donné » avec ces déclarations, estime aussi Leïla Cantave, du Réseau action climat Canada, prévenant toutefois que le défi « réside dans la traduction de cette intention en résultats tangibles ».

« L’environnement ne réagit pas aux déclarations, mais aux actions », a d’ailleurs souligné Espen Barth Eide, ministre des Affaires étrangères de la Norvège, durant la conférence de presse.

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Le ministre de l’Industrie et des Technologies avancées des Émirats arabes unis et président de la COP28, Sultan Ahmed al-Jaber (au centre), le ministre norvégien des Affaires étrangères Espen Barth Eide et la ministre singapourienne du Développement durable et de l’Environnement Grace Fu posent lors d’une conférence de presse.

Rôle « crucial »

Les huit ministres agissant à titre de cofacilitateurs joueront un « rôle crucial » dans les 48 prochaines heures, a souligné Sultan Ahmed al-Jaber, qui leur a confié la mission de « combler les fossés » qui séparent encore les parties, alors que commencent les négociations au niveau ministériel.

Ces ministres, cinq femmes et trois hommes représentant tous les continents, sont regroupés en paires ayant chacune la responsabilité d’un enjeu en particulier : les suites à donner au bilan de l’Accord de Paris, l’atténuation des émissions, l’adaptation aux effets des changements climatiques et le financement de ces mesures.

Quatre de ces ministres jouaient d’ailleurs un rôle similaire à pareille date l’an dernier à Montréal, lors de la 15e conférence des Nations unies sur la diversité biologique (COP15), a souligné Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada.

« Il y a une volonté de signaler aux pays que la présidence a compris quels étaient les grands enjeux de la COP », analyse Romain Ioualalen, qui y voit aussi une façon pour Sultan Ahmed al-Jaber de montrer qu’il contrôle les négociations.

Plus de 800 personnalités réclament un accord aligné sur l’objectif de Paris

Plus de 800 personnalités du monde entier ont publié vendredi une lettre réclamant de la COP28 un accord aligné sur l’objectif de Paris, « une tâche historique qui exige d’agir en équipe ». La missive, signée par des maires et mairesses de grandes villes et d’autres élus, des patrons et patronnes de grandes entreprises et d’institutions financières, des philanthropes, des scientifiques, appelle à éliminer tous les combustibles fossiles, tripler la production d’énergies renouvelables, doubler l’efficacité énergétique et imposer une tarification sur le carbone à l’échelle mondiale. Les signataires concluent en affirmant qu’agir « plus tard sera trop tard ». Sultan Ahmed al-Jaber, président de la COP28, a salué la publication de la lettre, y voyant un signe supplémentaire des « attentes élevées » auxquelles les négociations doivent répondre.

Précision :
Une version précédente de ce texte attribuait le titre de sultan au président de la COP28. Or, il s’appelle Sultan Ahmed al-Jaber. Nos excuses.