Était-ce Noël en avril, à Ottawa ? Non, mais il y avait des cadeaux pour tout le monde dans le copieux budget de 483 pages déposé, mardi, par le gouvernement Trudeau qui cherche désespérément à remonter dans les sondages.

Il y avait de tout pour tous les goûts, mais en particulier pour les milléniaux – la cohorte la plus nombreuse de la population canadienne depuis 2023 – et pour leurs benjamins de la génération Z dont une bonne partie est désormais en âge de voter.

Les jeunes qui ont aidé le gouvernement Trudeau à accéder au pouvoir en 2015 ont maintenant le moral dans les talons, comme en témoigne le World Happiness Report, où le Canada se classe en 15position. Mais pour les jeunes de moins de 30 ans, le pays glisse en 58place… à peu près au même point que la République dominicaine. 1

Alors, c’est aux jeunes que la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a réservé les premiers mots de son budget, en insistant sur le fait qu’ils doivent avoir la chance de « réussir aussi bien que leurs parents, voire mieux », dans un contexte où la crise de l’habitation mine leurs espoirs d’accéder à la propriété.

Ottawa injecte donc 8,5 milliards sur cinq ans afin d’accélérer la construction de logements et d’aider ceux qui ont du mal à se payer un toit. L’intention est bonne. Mais les moyens font sourciller.

D’abord, Ottawa pile allègrement dans les champs de compétence des provinces, faisant probablement le pari que les électeurs qui veulent des résultats lui pardonneront cette intrusion, alors que certains gouvernements provinciaux se traînent les pieds. C’est le cas de la Coalition avenir Québec (CAQ).

Ensuite, il n’est pas acquis qu’on trouvera la main-d’œuvre pour réaliser les objectifs ambitieux d’Ottawa qui veut ajouter presque quatre millions de logements d’ici 2031.

Ceux qui s’attendent à des résultats rapides devront prendre leur mal en patience : il faudra des années pour ramener l’immobilier sur terre.

En attendant, Ottawa offre diverses mesures pour aider les locataires et les premiers acheteurs (quoiqu’en leur donnant plus de moyens, on risque de jeter de l’huile sur le feu et de pousser le prix des maisons à la hausse).

Ottawa débloque aussi de l’argent pour la santé mentale des jeunes et pour réduire le fardeau de la dette étudiante. En plus, il s’assure que tous les enfants de familles moins nanties qui ont droit au Bon d’études canadien, une manne de 2000 $, obtiendront leur dû. Bravo !

Quoi d’autre ?

Dix milliards pour la défense et la démocratie, 9 milliards pour les Autochtones, 5 milliards pour établir une prestation fiscale pour les personnes handicapées, 7,5 milliards pour stimuler l’économie, la productivité et la recherche et développement…

Mine de rien, Ottawa ajoute encore 58 milliards de nouvelles dépenses d’ici 2028-2029.

Si le fédéral parvient à faire de nouvelles largesses, sans déroger aux cibles budgétaires qu’il s’était fixées dans son énoncé économique de l’automne dernier, c’est que les prévisions économiques se sont améliorées. La récession qu’on redoutait semble évitée.

Remarquez, les libéraux auraient pu utiliser leur marge de manœuvre pour assainir les finances publiques, mais ce n’est pas dans leurs habitudes. On est loin des belles années de Paul Martin, alors qu’on reprochait presque au ministre des Finances de faire des prévisions trop prudentes pour ensuite utiliser les bonnes surprises afin de rembourser la dette !

Si Ottawa réussit à respecter ses cibles, c’est aussi parce qu’il a sorti l’artillerie lourde : une augmentation d’impôt qui rapportera 18 milliards de dollars sur cinq ans.

Ottawa imposera davantage le gain en capital, soit le profit réalisé lorsqu’on revend un bien qui a pris de la valeur, comme des actions dans un compte non enregistré ou un immeuble à revenus (la résidence principale est à l’abri de l’impôt, et le restera).

Le « taux d’inclusion » du gain en capital passera de 50 % à 66 % sur la portion d’un gain excédent 250 000 $ par année. Les contribuables dans cette situation ne sont pas légion : à peine 0,1 % des Canadiens seront touchés par la mesure.

Comme le gain en capital sera désormais imposable aux deux tiers, la facture fiscale s’élèvera donc à 35,5 % pour un Québécois au taux d’imposition maximal de 53 %.

Cela suppose que le gouvernement du Québec emboîtera le pas, ce qui est hautement probable.

En fait, pour les provinces, il s’agit d’une occasion inespérée d’augmenter leurs revenus sans subir l’odieux de décréter une hausse d’impôt.

Si personne ne se réjouit d’une augmentation d’impôt, la méthode choisie est quand même bien ficelée. Mais on aurait préféré davantage de discipline. Moins de gaspillage à la ArriveCAN, plus de retenues dans la bureaucratie.

Depuis que les libéraux sont arrivés au pouvoir en 2015, les dépenses du gouvernement ont grimpé de 14,1 % du PIB à 17,5 %. Et la fonction publique a gonflé de 100 000 employés, quoique le fédéral s’engage maintenant à réduire son effectif de 5000 travailleurs.

Aujourd’hui, ce sont les plus riches qui paient pour l’interventionnisme sans cesse grandissant d’Ottawa.

1. Consultez le World Happiness Report 2024 (en anglais)