Il avait 24 ans. Il était ambulancier. Et, triste ironie du sort, il est mort d’un arrêt respiratoire, alors que l’ambulance tardait à venir à son secours.

On aurait espéré que la mort d’Hugo St-Onge, en 2017, donnerait un électrochoc au système ambulancier du Québec. Mais sept ans plus tard, encore trop de décès se produisent avant que l’ambulance arrive sur les lieux.

Pensez au petit Malek, 18 mois, mort après avoir attendu les ambulanciers pendant une heure dans un village de l’Abitibi.

Ou à Monique Labrecque, 72 ans, emportée par un arrêt respiratoire, à Lévis, alors que l’ambulance qui arrivait devant chez elle a fait demi-tour pour répondre à un appel plus urgent.

Ou encore à Marilyne Turcot, 27 ans, morte étouffée en avalant un morceau de viande, dans un appartement pourtant en plein cœur de Montréal où l’ambulance a mis 22 minutes à se rendre.

Tout ça est d’une tristesse sans nom.

Selon une compilation du Journal de Montréal, près de 85 % des plus grandes municipalités du Québec sont généralement incapables de répondre à l’intérieur de 8 à 10 minutes, soit le délai recommandé par des experts pour une personne dont la vie est en danger1.

On joue avec le feu. Avec la vie des gens. C’est intolérable.

La lenteur des ambulances au Québec n’a d’égal que celle des gouvernements successifs qui tardent à résoudre les problèmes du système préhospitalier depuis des décennies. Les comités se succèdent. Les rapports s’empilent. Les recommandations sont connues. Mais ça ne bouge pas vite.

Déjà en 2000, puis en 2014, les comités Dicaire2 et Ouellet3 recommandaient d’établir des cibles, comme cela se fait dans d’autres provinces. En Colombie-Britannique, par exemple, les ambulanciers doivent être sur place à l’intérieur de 8 minutes, dans 75 % des cas, en zone urbaine (15 minutes en zone périurbaine, 30 minutes en zone rurale).

Ici, rien. Aucune cible précise. Ça serait pourtant un bon début.

Certains diront qu’il faudra plus d’ambulances si on veut réduire les délais. Peut-être. Mais pourrait-on commencer par mieux gérer le système actuel ?

Car au cours des dernières années, les coûts ont grimpé beaucoup plus vite (+ 44 %) que le nombre de transports réalisés (+ 12 %), selon une analyse de la vérificatrice générale du Québec, pour la période 2011-2012 à 2018-20194.

Et la facture continue de grimper. Cette année, les services d’ambulance coûteront 923 millions, estime le gouvernement.

Comment en avoir plus pour notre argent ?

Par exemple, les ambulanciers font parfois la file dans le garage d’un hôpital parce que le service de triage des urgences déborde. Si le patient était pris en charge plus rapidement par l’établissement, l’ambulance serait libérée plus vite pour aller sauver d’autres vies.

C’est bien beau de tirer sur l’ambulance quand une catastrophe survient, mais les services paramédicaux ne sont qu’un maillon d’une chaîne qu’on doit renforcer au complet si on veut améliorer les temps de réponse.

Cette chaîne débute avec la formation de la communauté en premiers soins. Or, le Québec ne fait pas bonne figure. Chez nous, 43 % des ménages n’ont personne qui détient une formation, le pire score de toutes les provinces5.

Pourquoi ne pas s’inspirer des pays à l’avant-garde ? En Norvège, cette formation est obligatoire à l’école et pour passer son permis de conduire6.

Et pourquoi ne pas se doter d’un registre obligatoire pour identifier les lieux qui disposent d’un défibrillateur ? En ce moment, la ligne 911 ne sait pas toujours s’il y a un appareil à proximité de la personne qu’elle aide au bout du fil.

Pour sauver encore plus de vies, on pourrait aussi créer des postes de premiers soins comptant non seulement un défibrillateur, mais aussi du matériel pour traiter les hémorragies, les surdoses et les allergies.

Une réaction rapide et efficace de la communauté peut faire la différence, avant que l’ambulance arrive.

Remarquez, une ambulance n’est pas toujours requise. Lorsqu’il ne s’agit pas d’une urgence vitale, un ambulancier peut se rendre sur place et fournir de l’aide en collaboration avec une infirmière au bout du fil. Depuis 10 mois, Québec a réussi à éviter quelque 12 000 transports de cette façon.

Cette avenue mérite d’être explorée davantage. D’ailleurs, la création d’un ordre professionnel pour les ambulanciers paramédicaux permettrait de leur conférer une plus grande autonomie professionnelle pour prendre les décisions les plus optimales sur le terrain.

Mais les enjeux sont trop sérieux pour qu’on se contente de faire des améliorations à la pièce. La Loi sur les services préhospitaliers d’urgence date d’il y a 20 ans. Et elle a mal vieilli. Les établissements de santé qui avaient le mandat de faire un plan tous les trois ans ne l’ont jamais fait. Zéro leadership.

C’est donc à Québec de donner l’impulsion. Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a dit sur X que ses équipes travaillent activement depuis 2022 sur un plan d’action qui devrait être déposé dans les prochains jours.

Espérons que ce plan verra large et sortira de la pensée en silo, en touchant l’ensemble de l’écosystème et pas seulement les ambulanciers. Le but des services préhospitaliers, ce n’est pas nécessairement de transporter des gens à l’hôpital, c’est de sauver des vies.

1. Lisez le dossier sur les délais ambulanciers du Journal de Montréal 2. Consultez le rapport Dicaire (2000) 3. Consultez le rapport Ouellet (2014) 4. Lisez le rapport de la vérificatrice générale sur les services ambulanciers 5. Consultez les résultats d’un sondage Ipsos (en anglais) 6. Lisez un article du journal français La Croix