Savez-vous depuis quelle année Ottawa n’a pas géré un hôpital ?

Réponse : 2016. C’était l’hôpital des anciens combattants à Sainte-Anne-de-Bellevue, dans l’ouest de Montréal, le tout dernier établissement au pays sous la houlette d’Ottawa, qui a commencé à céder ses hôpitaux aux provinces dès les années 1960, avec la mise en place du régime d’assurance maladie.

Autant dire que le fédéral n’a pas d’expertise dans la gestion d’établissements de santé. Pourtant, Ottawa s’obstine à vouloir dire quoi faire aux provinces et à leur imposer ses conditions avant de leur transférer l’argent dévoilé en grande pompe, l’année dernière.

Le 7 février 2023, le gouvernement Trudeau annonçait une augmentation de 46 milliards sur 10 ans des transferts en santé. Les provinces, qui réclamaient six fois plus, ont été mises devant le fait accompli. Mais le temps pressait. Elles voulaient intégrer cette manne dans leurs budgets printemps, ce qu’elles ont fait.

La part de Québec s’élève à 4,7 milliards d’ici cinq ans.

Sauf que 11 mois plus tard, l’argent est encore dans le compte de banque d’Ottawa. Oups ! Québec a budgété un ajout de 1,08 milliard pour l’exercice 2023-2024 qui se termine très bientôt, soit le 31 mars. Mais l’argent n’est toujours pas là.

Il est temps que ça se règle, car on ne paiera pas les médecins et les infirmières avec des promesses.

La semaine dernière, la Nouvelle-Écosse a signé un accord final avec Ottawa, suivant les traces de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et de l’Île-du-Prince-Édouard.

Mais avec Québec, les négociations sont dans l’impasse. C’est une question de principe. On ne peut pas laisser Ottawa bafouer notre autonomie en santé, comme les députés de l’Assemblée nationale l’ont rappelé, l’automne dernier, dans une motion adoptée à l’unanimité.

Québec est beau joueur. Il accepte de partager des données en santé, dont plusieurs figurent déjà dans le fameux tableau de bord du ministre Christian Dubé, ce qui permettra de faire de meilleures comparaisons nationales.

Mais il n’est pas question d’accepter de se soumettre à un plan d’action fédéral, avec objectifs à atteindre d’ici trois ans.

Quelles mesures prendrait Ottawa si les objectifs n’étaient pas entièrement atteints après ces trois années ? Réduirait-il les fonds pour les années subséquentes ? Mettrait-il les provinces sous tutelle ? Tout ça n’a pas de sens.

D’accord, on a tous l’impression que rien ne s’améliore en santé. Les urgences débordent comme jamais. Les médecins de famille sont aussi rares qu’un trèfle à quatre feuilles. Et les listes d’attente pour un spécialiste ou une opération sont interminables.

Ce n’est pas pour rien que l’insatisfaction des Canadiens a bondi depuis quatre ans. Au début de la pandémie, un Canadien sur deux se disait satisfait de la gestion du gouvernement en matière de santé. Aujourd’hui, ce n’est plus qu’un Canadien sur quatre qui est de cet avis. Et les Québécois ne font pas exception⁠1.

La santé est maintenant le plus grand sujet de préoccupation des citoyens, juste derrière l’inflation et le coût de la vie.

On s’entend sur le fait que ce n’est pas seulement en injectant toujours plus d’argent qu’on réglera les problèmes en santé. Il faut aussi revoir en profondeur l’organisation du travail.

Mais ce n’est pas en ajoutant une couche de bureaucratie à Ottawa qu’on améliorera les services en santé.

Déjà, le fédéral a du mal à livrer les services qui tombent sous sa coupe – pensez seulement au capharnaüm dans les bureaux des passeports. Alors, on ne veut surtout pas le voir se mêler de la santé, qui est de compétence provinciale. Lors des autres rondes de négociations des transferts en santé, Québec n’a pas accepté de conditions. Il n’y a pas de raison qu’il le fasse aujourd’hui.

Un plan d’action ? Québec en a déjà un : c’est la réforme Dubé qui a été adoptée juste avant Noël. Et le ministre a déjà des chiens de garde qui lui demandent des comptes : la vérificatrice générale, l’Assemblée nationale et, surtout, l’ensemble des citoyens.

N’en déplaise au fédéral, son rôle en santé est d’assurer un financement adéquat, pas de faire la leçon aux provinces et de faire des incursions dans un domaine qui n’est pas le sien.

Le dernier exemple ? Le lancement d’un régime canadien d’assurance dentaire qui entrera en vigueur graduellement, dès 2024.

Ici encore, Ottawa n’a pas réussi à s’entendre avec Québec, qui offre déjà sa propre couverture. La province ne veut pas prendre le risque de gérer le système pour Ottawa… et de se retrouver à assumer les coûts qui risquent d’être plus élevés que prévu.

Alors, les deux systèmes risquent de vivre en parallèle et le manque d’harmonisation pourrait se traduire par des remboursements en double. Tout sauf de la saine gestion.

Chacun son métier, la santé sera bien gérée.

1. Consultez les résultats d’une étude de l’Institut Angus Reid

La position de La Presse

Ottawa n’a pas à faire la leçon aux provinces dans le domaine de la santé, qui est de compétence provinciale, ni à imposer des conditions nationales en échange d’un financement adéquat.