« Je trouve absurde que les causes de stationnement interdit occupent une grande partie des activités de la cour municipale. Avec de la volonté et des changements législatifs, il serait possible de traiter les dossiers autrement. » – Jean-Luc Boyer

Alors que Montréal cherche à sabrer 115 millions de dollars pour limiter la hausse des taxes foncières, il existe une idée clés en main pour permettre à la Ville d’économiser des millions sans que ça fasse mal. Bien au contraire.

Cette solution aurait l’immense mérite de désengorger les tribunaux qui tiennent avec du duct tape, tout en permettant de mieux servir les citoyens qui ont reçu une contravention pour un stationnement interdit.

Bref, c’est une solution triplement gagnante.

L’idée est une gracieuseté d’un lecteur de La Presse, qui nous a écrit en réaction à un éditorial qui plaidait pour un coup de volant du système de justice incapable de traiter les dossiers dans les délais raisonnables, même pour des crimes graves1.

Ancien greffier, Jean-Luc Boyer trouve absurde que les causes de stationnement interdit occupent une grande partie des activités de la cour municipale de Montréal. « Avec de la volonté et des changements législatifs, il serait possible de traiter les dossiers autrement. »

Il a parfaitement raison.

Jetons un coup d’œil sous le capot…

Bon an, mal an, la Ville de Montréal remet 2 millions de constats d’infraction pour des stationnements interdits. La majorité des conducteurs plaident coupable et paient dans les délais requis ou après avoir reçu un rappel de courtoisie par la poste.

Mais environ 400 000 personnes ne donnent pas signe de vie, ce qui force un juge de paix à rendre un jugement par défaut. Cette opération coûte cher à la Ville… et au conducteur, qui doit alors verser des frais de 66 $ en plus de l’amende de 89 $ pour un stationnement interdit.

En outre, quelque 40 000 dossiers se rendent devant un juge de la cour municipale parce que le conducteur conteste la contravention. Ces dossiers sans « plus-value » judiciaire occupent le temps précieux des magistrats qui pourraient se pencher sur des dossiers beaucoup plus lourds.

Alors pourquoi ne pas revoir les règles ?

C’est exactement ce qu’a fait l’Ontario en modifiant la Loi sur les municipalités, en 2006. La province a mis en place un système de sanctions administratives pécuniaires (SAP) qui fait en sorte que les dossiers peuvent être traités par des fonctionnaires plutôt que des juges.

Les conducteurs peuvent contester un billet en s’adressant à un agent réviseur. S’ils ne sont pas satisfaits de sa réponse, ils peuvent ensuite aller devant un juge administratif.

Pour les citoyens, les démarches sont donc plus conviviales qu’une audition devant le tribunal, qui peut être intimidante pour certains et dérangeante pour d’autres. En effet, qui a envie de perdre une demi-journée de travail pour contester un malheureux billet de stationnement ?

En 2019, la Ville de Montréal a fait des démarches auprès de Québec pour que le gouvernement mette en place un système semblable à celui de l’Ontario.

Il faut dire qu’avec la pandémie, Montréal a dû annuler 35 000 dossiers d’infraction d’un coup sec, générant des pertes de plusieurs millions, parce que les délais de traitement dépassaient la limite de 18 mois imposée par l’arrêt Jordan.

Alors que les tribunaux débordent, un régime de SAP permettrait de libérer quatre salles d’audience à la cour municipale et de réaliser des économies nettes d’environ 4 millions de dollars par année à la Ville de Montréal.

Quatre millions. Certains diront que ce n’est pas une si grosse somme. Mais il n’y a pas de petites économies. Après tout, c’est avec des cents qu’on fait des dollars.

Malheureusement, nous sommes en 2023 et le dossier est resté stationnaire.

Y a-t-il quelque chose qui accroche ? Pas qu’on sache. En fait, Québec s’est toujours montré plutôt favorable au projet. Mais cela demande des analyses qui sont toujours en cours, explique le cabinet du ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette.

Voilà qui est encourageant… et décourageant en même temps. Comment se fait-il qu’une idée gagnante pour tous – y compris les autres municipalités du Québec qui profiteraient de la modification – reste coincée entre deux chaises durant au moins quatre ans ?

Allez, hop, un peu de célérité !

Cette histoire simple démontre que les gains d’efficacité dans la bureaucratie, c’est possible. Si les gouvernements veulent en faire plus avec moins, ils doivent penser à l’extérieur de la boîte.

Tiens, en parlant de boîte… Avant de sortir la tronçonneuse pour sabrer les dépenses, la Ville pourrait peut-être installer une boîte à idées comme certaines entreprises qui demandent à leurs employés de les mettre sur la piste de gains d’efficacité, en leur offrant une part de la somme économisée grâce à leur innovation.

La preuve est faite que les employés de la Ville ont de l’imagination.

1. Lisez l’éditorial « Ces salauds qu’on libère sans procès »