À un mois de la présentation de son budget 2024, la Ville de Montréal doit mettre la hache dans ses dépenses pour boucler l’année en cours, en raison d’une importante baisse de ses revenus : elle doit mettre en place des compressions de près de 115 millions et décrète un gel des embauches.

Le ralentissement du marché immobilier fait notamment en sorte que les coffres municipaux recevront 40 millions de moins que prévu en droits de mutations immobilières, mieux connus comme la « taxe de bienvenue ».

La Ville doit également composer avec une baisse des contraventions et des revenus de stationnement, ainsi qu’une hausse du temps supplémentaire à payer au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et des dépenses accrues liées aux changements climatiques, en comparaison de ses prévisions pour l’année en cours.

Dans l’état actuel, Montréal terminerait l’année avec un surplus de 40 millions, mais ce montant est jugé insuffisant : on veut plutôt atteindre 120 millions de surplus, sur un budget de 6,9 milliards, pour avoir une marge de manœuvre suffisante pour 2024.

« Nous devons absolument prendre action rapidement », a souligné le directeur général de la Ville, Serge Lamontagne, mercredi matin au comité exécutif, en ajoutant qu’il restait tout de même trois mois avant la fin de l’année pour réussir à redresser la barre.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Le directeur général Serge Lamontagne

Ces mesures devraient permettre d’éviter une hausse trop importante des taxes municipales « pour protéger le portefeuille des Montréalais », a assuré la présidente du comité exécutif, Dominique Ollivier, en conférence de presse à l’hôtel de ville.

Le gel des embauches d’ici la fin de l’année permettra d’épargner 15 millions – les 400 postes actuellement vacants, sur des effectifs de 28 000 personnes, ne seront pas pourvus. La Ville conservera aussi intact son budget de contingences de 19 millions, au lieu de l’utiliser pour payer diverses dépenses pour le reste de 2023.

Mais les économies les plus importantes (81,6 millions) seront réalisées en mettant sur pause la moitié des dépenses prévues, mais qui ne sont pas encore engagées.

Maintien des services

« On va continuer à ramasser les déchets, à déneiger, à ouvrir les bibliothèques. Il n’y aura aucun changement pour le citoyen », a expliqué Mme Ollivier. « Mais les dépenses qui n’étaient pas encore engagées – par exemple, la réalisation d’une étude ou une campagne de publicité pour laquelle on n’a pas encore donné les contrats – sont suspendues pour les deux prochains mois. »

Elle note aussi qu’on mettra la pédale douce sur les achats de matériel, tels que des ordinateurs.

Voici où la Ville a observé les baisses de revenus et hausses de dépenses les plus importantes en cours d’année, par rapport à ses prévisions :

  • 40 millions : baisse des droits de mutations immobilières ;
  • 28 millions : baisse des contraventions de stationnement et de circulation ;
  • Hausse de 7,1 millions des contraventions émises par les agents de stationnement, mais baisse de 35,1 millions des contraventions émises par le SPVM, en raison du manque d’effectifs ;
  • 20,2 millions : hausse de rémunération de l’ensemble des services centraux, dont le temps supplémentaire au SPVM (31,8 millions) ;
  • 15 millions : coût des mesures d’urgence liées au froid et à la chaleur extrêmes, au verglas, aux crues printanières et à la qualité de l’air ;
  • 14,1 millions : baisse des revenus de stationnement tarifé ;
  • 10,4 millions : hausse de prix des contrats et des redevances associées au traitement des matières recyclables et des matières résiduelles ;
  • 4 millions : baisse des constats émis en vertu des réglementations municipales, provinciales et du Code civil.

« Ce qu’on fait, c’est d’être responsables, comme pour un budget familial, a fait valoir Dominique Ollivier. Quand on anticipe une grosse dépense, comme la réfection du toit, on réduit nos sorties au restaurant ou on annule notre abonnement au gym pour avoir assez d’argent. Alors, on fait la même chose : on prévoit l’avenir en mettant en place des mesures préventives. »

« Panique », dénonce l’opposition

L’opposition à l’hôtel de ville dénonce de son côté une « mauvaise gestion des finances » de l’administration Plante, et estime qu’un tel plan de redressement aurait dû être implanté il y a longtemps.

« Après avoir augmenté les dépenses de la Ville de Montréal de près de 1,3 milliard de dollars en cinq ans, on sent une panique face à l’inflation et à la baisse des mises en chantier », a commenté le porte-parole d’Ensemble Montréal en matière de finances et maire de l’arrondissement de Saint-Laurent, Alan DeSousa.

« Présenté tout juste avant le budget, alors qu’on prévoit une augmentation des taxes qui pourraient monter jusqu’à 5,2 %, ce plan de redressement budgétaire ressemble beaucoup à une stratégie de relations publiques pour refiler une facture salée aux Montréalais. L’an dernier, l’administration a imposé la plus importante hausse de taxes depuis 2011. Ensemble Montréal craint qu’elle se dirige vers le même scénario cette année. »