N’est-ce pas ironique ? Valérie Plante, qui promettait d’être la « mairesse de la mobilité », veut maintenant bloquer la voie Camillien-Houde aux automobilistes qui désirent accéder au mont Royal.

Comme l’opposition n’a pas manqué de le rappeler, cette idée va à l’encontre de la recommandation soumise par l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) qui était présidé, en 2019, par Dominique Ollivier… aujourd’hui numéro 2 de l’administration Plante.

Pour un virage en U, c’en est tout un.

Et tant pis pour les consultations de l’OCPM qui avaient permis à plus de 13 000 personnes de faire entendre leur voix ! Cette participation record avait démontré à quel point les Montréalais ont à cœur leur montagne, le joyau vert de la ville, le trait d’union entre les deux solitudes.

Après avoir épluché 1184 opinions en ligne et 689 mémoires – la majorité s’opposant à la fermeture de Camillien-Houde aux autos –, l’OCPM avait conclu que la solution la plus avantageuse était la mise en place d’un « chemin de plaisance » permettant aux véhicules de circuler à vitesse réduite pour profiter du paysage.

Cette idée avait reçu l’appui de plusieurs organismes qui ne sont pas exactement des lobbys de la voiture, à commencer par les Amis de la montagne.

Mais la Ville préfère transformer Camillien-Houde en promenade piétonne avec un espace désigné pour les cyclistes, même s’il faut être un sportif franchement motivé pour gravir cette côte longue et abrupte.

Mais pourquoi exclure complètement les autos ? Surtout qu’on ne peut faire autrement que de garder une voie ouverte pour que les camions de pompiers et les ambulances puissent circuler…

Pour certains, la réponse est simple : les voitures n’ont pas d’affaire dans un parc. Fin de la discussion. C’est un peu court comme explication.

Si l’objectif est de diminuer la pollution, on rate la cible.

Oui, il faut réduire le nombre de véhicules pour lutter contre les changements climatiques qui mènent l’humanité aux « portes de l’enfer », comme l’a dit le secrétaire général de l’ONU il y a quelques jours.

À l’heure actuelle, 10 000 véhicules roulent sur le mont Royal quotidiennement, dont 85 % sont en transit. Mais si on coupe la circulation, les véhicules ne vont pas disparaître par magie. À la place, ils contourneront la montagne, ce qui accentuera la congestion dans les quartiers périphériques, comme on l’a vu lors d’un projet pilote. Au bout du compte, on augmentera donc les émissions de CO2.

Si l’objectif est d’assurer la sécurité des cyclistes, on n’est pas obligé d’en faire autant.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, ARCHIVES LA PRESSE

Un cycliste gravissant la voie Camillien-Houde salue le vélo fantôme installé à la mémoire de Clément Ouimet.

Il est clair que la configuration actuelle reste dangereuse pour les vélos, même si on a sécurisé un peu la voie depuis la mort du jeune Clément Ouimet, frappé par un conducteur qui faisait demi-tour.

Désormais, des murets en béton et des bollards bloquent ce genre de manœuvre. Mais il y a encore des conducteurs pressés qui dépassent par la droite – en roulant sur l’accotement que les vélos empruntent – parce qu’ils n’apprécient pas que le conducteur devant eux respecte la limite de vitesse de 40 km/h.

Cela dit, il y a des façons d’aménager la coexistence, sans bannir complètement les véhicules. Des cyclistes qui s’entraînent régulièrement sur la montagne l’avaient eux-mêmes affirmé, lors des consultations.

Dans l’espace le plus étroit au sommet, là où la route est encaissée entre deux falaises, l’OCPM avait retenu l’idée de garder une seule voie pour les automobilistes qui circuleraient à tour de rôle avec des feux en alternance. Cette option laisserait suffisamment d’espace aux cyclistes et aux piétons. Et elle ralentirait les conducteurs qui confondent la montagne avec une piste de course.

Cela cadre bien avec l’idée d’un chemin de plaisance qui imposerait une vitesse réduite pour les véhicules. Un chemin avec une signalisation plus claire et sécuritaire, avec un véritable terre-plein fleuri au lieu des disgracieux bollards, avec un espace désigné pour les vélos et les piétons…

Bref, un heureux compromis qui ferait le bonheur de tout le monde.

Car si on ferme Camillien-Houde aux véhicules, y compris aux autobus, l’accès à la montagne sera plus compliqué pour la population de l’est de Montréal. Un barbecue en famille ? Un tour de ski de fond ? Désolé, il faudra faire le tour de la montagne et emprunter le chemin Remembrance, l’accès ouest du mont Royal qui restera ouvert, pour se stationner près du lac aux Castors.

Quant au belvédère de Camillien-Houde, une attraction touristique majeure, les véhicules ne pourront plus du tout y aller, ce qui privera d’une vue du sommet de la montagne toutes les personnes qui n’ont pas les jambes assez solides pour monter la côte.

Cela dit, la ville songe à établir une navette qui mènera les visiteurs du stationnement au belvédère actuel qui sera réaménagé ainsi qu’au nouveau belvédère qu’elle veut installer pour profiter de la vue du côté nord de la ville. Un bel ajout.

Le mont Royal est un symbole. Assurons-nous de trouver une solution qui préserve son accessibilité pour tous.

La position de La Presse

Il y a des façons d’aménager la coexistence sur le mont Royal et d’assurer la sécurité des cyclistes sans bannir entièrement les véhicules. Suivons cette voie au lieu de braquer les uns contre les autres avec une approche « tout ou rien ».