Qui aurait pensé que la pandémie aurait des effets secondaires jusque dans nos comptes de taxes ? C’est pourtant ce qui risque de se produire si le télétravail vide de manière persistante les tours de bureaux… et le budget des municipalités.

Pour avoir un aperçu de ce qui nous guette, il n’y a qu’à regarder ce qui s’est produit à Calgary, il y a quatre ans.

En 2019, les finances de la ville albertaine sont complètement détraquées à cause de la chute du prix du pétrole qui a vidé les sièges sociaux des sociétés énergétiques.

Au centre-ville, le quart des bureaux sont vacants. La baisse de valeur des 50 plus grands édifices fait perdre 135 millions de taxes municipales. Pour combler le trou, l’Hôtel de Ville hausse les taxes des PME, déjà fragilisées par le repli économique.

Face à leurs hauts cris, la Ville leur promet finalement un rabais… qui force des compressions dans les services à la population. On voit des fermetures de piscines publiques, des réductions de services dans les transports en commun et même des coupes dans les services essentiels comme les pompiers et le 911.

Une véritable hécatombe.

Le même genre de spirale malsaine risque de se produire chez nous, alors que le taux d’inoccupation au centre-ville de Montréal a plus que doublé depuis la pandémie pour atteindre 17 %, selon la firme CBRE. Ce taux pourrait grimper bien plus haut, au fur et à mesure que les entreprises renouvelleront leur bail.

Le problème est mondial. D’ici 2030, la valeur des édifices de bureaux dans les grandes villes fondra de 26 % à 42 %, prévoit la firme McKinsey. Une telle chute ferait très mal à Montréal qui compte beaucoup sur les entreprises pour boucler son budget.

À Montréal, le fardeau fiscal du secteur non résidentiel est quatre fois plus élevé (4,21) que celui du résidentiel, davantage que dans d’autres villes comme Québec (3,51), Vancouver (3,46) ou Toronto (3,36).

Pour vous donner une idée du risque qui menace Montréal, sachez qu’une baisse de 30 % de la valeur foncière des immeubles du centre-ville ferait perdre 131 millions de revenus à la Ville, selon les calculs de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Un tel trou serait beaucoup plus difficile à boucher qu’un nid-de-poule.

Déjà, les municipalités se plaignent d’être à court de financement. Jeudi, les maires des 11 plus grandes villes de la province participaient un Sommet sur la fiscalité municipale afin de préparer le terrain en vue de la renégociation du Pacte fiscal avec Québec qui vient à échéance à la fin de 2024.

Or, le Sommet était à peine commencé que le premier ministre François Legault leur fermait la porte au nez, disant qu’il n’y avait « pas de marge de manœuvre à Québec ». Et vlan !

Il est vrai que Québec a déjà fait preuve de largesse dans le passé, notamment en cédant aux municipalités les revenus provenant de la croissance d’un point de TVQ ou encore en leur accordant le pouvoir d’augmenter les droits de mutation, ce qu’elles ont fait.

Il est vrai aussi que les villes font face à des défis croissants. Ainsi, le nouveau pacte devra tenir compte du fait que les municipalités devront déployer deux milliards par année pour s’adapter aux conséquences des changements climatiques.

On ne peut pas non plus ignorer les problèmes criants de logement et d’itinérance auxquels les villes font face. Mais ces enjeux, ce sont beaucoup les organismes communautaires qui s’en occupent à bout de bras sur le terrain, avec une rémunération bien inférieure à celle des employés municipaux. Ce sont donc eux qui devraient obtenir davantage de financement récurrent de Québec, en priorité.

Cela permettra aux municipalités de gérer leurs finances serrées, en se concentrant sur leurs missions de base et en investissant en technologie pour en faire plus avec moins.

Si les villes sont à court d’argent, rien ne les empêche d’utiliser les généreux pouvoirs de taxation qu’elles ont obtenus ces dernières années, mais qui restent sous-utilisés.

Par exemple, elles pourraient diversifier leurs sources de revenus en faisant appel à l’écofiscalité, comme plusieurs villes ontariennes qui taxent les surfaces imperméables, ces mers d’asphalte ou de béton qui empêchent l’absorption de la pluie et accentuent les inondations.

Mais au lieu d’augmenter le fardeau fiscal des contribuables qui sont déjà parmi les plus taxés en Amérique du Nord, les villes devraient miser sur la croissance économique pour augmenter leurs revenus. Attirer des entreprises pour relancer les centres-villes qui battent de l’aile. Densifier les quartiers autour des transports collectifs pour loger davantage de résidants.

Voilà des pistes pour relancer une spirale positive pour les villes.