L’actualité de la semaine dernière a été marquée par des sorties médiatisées des maires des grandes villes du Québec qui demandent une révision du pacte fiscal signé avec le gouvernement provincial, afin d’obtenir des sommes supplémentaires pour faire face aux défis grandissants auxquels ils sont confrontés. Le premier ministre François Legault s’est montré peu enclin à rouvrir cette entente. Mais de quoi s’agit-il au juste ?

Qu’est-ce que le pacte fiscal qui lie Québec et les municipalités ?

C’est une entente signée en 2019, pour cinq ans, qui a notamment permis aux municipalités de toucher 1 % de la taxe de vente, soit 730 millions de dollars, entre 2020 et 2024. Le pacte incluait aussi la création d’un Fonds régions et ruralité doté d’une enveloppe de 1,3 milliard. Au total, le gouvernement annonçait le transfert de près de 7,1 milliards sur cinq ans aux municipalités pour le financement de différents services, la construction et la réfection d’infrastructures ou le développement économique.

Pourquoi les maires des grandes villes veulent-ils renégocier ce pacte ?

Ils disent faire face à des responsabilités et des problèmes de plus en plus importants qui grèvent leurs budgets : la pauvreté, l’itinérance, la crise du logement abordable, l’adaptation aux changements climatiques, l’accueil des immigrants, le développement du transport collectif, la sécurité des rues, sans oublier la réfection d’infrastructures vieillissantes. Certains enjeux, comme la hausse de l’itinérance et le manque de logements, touchent désormais de plus petites villes qui n’y avaient jamais été confrontées auparavant. Parallèlement aux sommes qu’il leur transfère, le gouvernement a de nouvelles exigences à l’endroit des municipalités, comme l’obligation de fournir des terrains pour les futures écoles, fait remarquer Danielle Pilette, professeure à l’UQAM et spécialiste de la politique municipale. « Si une ville ne possède pas de terrain pour une école, elle doit l’acheter pour le transférer au centre de services scolaire, ce qui peut représenter une dépense importante », note-t-elle.

Pourquoi les villes ne peuvent-elles pas financer elles-mêmes la prise en charge de ces responsabilités ?

Il s’agit, pour la plupart, de responsabilités qui devraient incomber au gouvernement provincial, mais qui retombent souvent sur les épaules des municipalités en raison de leur proximité avec la population. Les municipalités tirent près de 70 % de leurs revenus de l’impôt foncier, calculé en fonction de la valeur des propriétés. Elles plaident que ce mode de financement a atteint sa limite et que les propriétaires ne peuvent pas être taxés davantage.

La ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, a répondu aux villes qu’elles n’avaient qu’à mieux gérer leurs budgets et à diversifier leurs sources de revenus. Qu’est-ce que ça signifie ?

Les municipalités tirent d’autres revenus de tarifs qu’elles imposent pour divers services municipaux. Elles pourraient décider d’augmenter ces tarifs et d’en imposer de nouveaux. Parmi ceux qui sont parfois évoqués ou qui sont utilisés par certaines villes, on retrouve la tarification de l’eau en fonction de l’utilisation, la tarification des déchets selon la quantité, une hausse des tarifs du stationnement sur rue ou dans les stationnements municipaux, une taxe sur les terrains ou immeubles vacants, un péage pour les véhicules entrant au centre-ville ou une taxe kilométrique (calculée selon la distance parcourue sur le réseau routier ou en fonction de différents critères comme la localisation, l’heure de la journée, la taille et la consommation d’essence du véhicule, le nombre de passagers, etc.). Mme Pilette souligne que les villes doivent y aller prudemment avec la hausse des tarifs, parce que ces frais imposés à la population sont régressifs, c’est-à-dire qu’ils sont les mêmes, peu importe le revenu du citoyen.

Pourquoi vouloir rouvrir le pacte alors qu’il doit se terminer à la fin de 2024 ?

Selon Danielle Pilette, la stratégie des villes s’appuie notamment sur des considérations électoralistes. « Les partis fédéraux commencent à se préparer pour la prochaine élection et pour les infrastructures vertes, en particulier pour la mobilité, on sait que le fédéral paie 40 % des investissements pour le transport structurant, alors que le provincial paie 50 % et le municipal, 10 %, indique-t-elle. Même chose dans le logement social, c’est fédéral/provincial. Il y a aussi peut-être, pour les municipalités, la crainte que le gouvernement Legault continue de distribuer des chèques directement à la population plutôt que de financer des projets. »