Après des mois à le répéter, Valérie Plante espère cette fois être entendue. La taxe foncière a fait long feu et Québec doit partager sa part du gâteau fiscal : c’est le message qu’elle martèlera jeudi, accompagnée des maires des autres grandes villes de la province pour un Sommet sur la fiscalité qu’elle souhaite « historique ».

Ce qu’il faut savoir

  • Les maires des grandes villes du Québec se réunissent jeudi à Montréal dans le cadre d’un Sommet sur la fiscalité municipale.
  • Valérie Plante plaide que le modèle de la taxe foncière, basée sur la valeur des biens immobiliers, est complètement dépassé.
  • Mme Plante et ses collègues demanderont à Québec de trouver une solution à l’« iniquité fiscale » qui subsiste entre Québec et les villes.

« On doit absolument réfléchir à l’extérieur de l’unique modèle de la taxe foncière. Pourquoi un autre palier de gouvernement a accès à la TVQ ? s’est-elle questionnée à haute voix, mercredi, en entrevue avec La Presse dans son bureau de l’hôtel de ville. Pourquoi est-ce qu’on n’aurait pas une meilleure part du gâteau considérant nos responsabilités qui augmentent ? »

Si Québec lui répond en évoquant les coûts de main-d’œuvre des villes, où les employés gagnent largement mieux leur vie qu’ailleurs, Mme Plante a sa réponse toute prête : « Si le gouvernement, pour lui, c’est une avenue sérieuse, il va devoir faire un décret et s’en mêler de façon directe, par rapport aux conventions collectives. » Les villes, elles, ont « les mains liées » en matière de relations de travail, a évalué la mairesse.

« De la même façon que tous les Québécois et tous les Montréalais sont d’accord quand le gouvernement du Québec demande une meilleure équité fiscale au gouvernement fédéral, je m’attends que le gouvernement du Québec soit d’accord avec la demande légitime des villes pour plus d’équité », a-t-elle ajouté.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE VALÉRIE PLANTE

Souper d’élus municipaux à Montréal mercredi soir : le maire de Trois-Rivières, Jean Lamarche, un conseiller municipal de Saguenay, Kevin Armstrong, la mairesse de Sherbrooke, Évelyne Beaudin, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, le maire de Québec, Bruno Marchand et la présidente du comité exécutif de la Ville de Montréal, Dominique Ollivier

Les maires des grandes villes ont une pente abrupte à remonter dans ce dossier. Il y a un an presque jour pour jour, ils demandaient à Québec de conclure avec eux un « Pacte vert » incluant le transfert de 10 milliards de dollars d’argent provincial en cinq ans aux municipalités. Alors en campagne électorale, le premier ministre avait rejeté l’idée du revers de la main, au nom de la « capacité de payer des Québécois ».

« On est un peu dans une impasse »

Mme Plante a invité ses homologues en tant que présidente du caucus des grandes villes de l’Union des municipalités du Québec (UMQ). Les élus soupaient ensemble mercredi soir avant de se réunir officiellement jeudi au Centre des sciences de Montréal. La ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, était aussi attendue.

Cette dernière ne devait pas s’attendre à beaucoup de surprises. Depuis au moins un an, Valérie Plante répète sur toutes les tribunes que le modèle des taxes foncières – qui financent environ 60 % de son budget – est « archaïque », « dépassé », « déconnecté de la réalité ». « On est un peu dans une impasse », a ajouté la mairesse mercredi, à quelques heures de la rencontre.

Au cœur du problème, du point de vue de Mme Plante : les coûts grandissants de l’itinérance, de la crise écologique, du transport collectif et de l’habitation dépassent la capacité de payer des propriétaires à travers la taxe foncière.

Montréal propose d’une part de se tourner vers l’écofiscalité (la taxation de comportements polluants) pour combler une partie de ses besoins grandissants, mais elle voudrait aussi d’autre part conclure un nouveau pacte fiscal plus avantageux en 2024.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Valérie Plante

Le monde n’est plus ce qu’il était. Il y a 10 ans, on ne s’occupait pas d’adaptation climatique. Il y a 10 ans, il n’y avait pas des gens qui se retrouvaient à devoir dormir dans la rue – il y en avait un peu, mais jamais comme maintenant. On ne peut plus gérer l’État de la même façon.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

« Parce que le monde change, le modèle fiscal, lui aussi, doit changer, a ajouté Mme Plante. On va montrer qu’on est prêts à se tenir debout ensemble. On ne va pas lâcher, c’est sûr et certain. »

Montréal jure avoir fait ses devoirs en matière de contrôle de ses propres dépenses avant de se présenter à la table de négociation avec Québec.

« On fait beaucoup d’efforts, a dit Mme Plante. Mais tous ces efforts-là n’arriveront jamais à répondre aux besoins, qui sont gigantesques. J’ai juste à penser à l’adaptation du territoire [aux changements climatiques], au déficit d’entretien d’infrastructures. »

Médias locaux : « On a fait ce qu’on a dit qu’on allait faire »

Valérie Plante a rejeté les accusations de son ex-responsable de l’environnement, qui l’accusait mercredi d’avoir « trahi » les journaux locaux. Jean-François Parenteau, membre du comité exécutif de la Ville de 2017 à 2021, a affirmé en entrevue que l’administration Plante s’était engagée à appuyer les médias au moment d’interdire la distribution systématique du Publisac, ce qui n’a pas été fait. Ce n’est pas l’avis de la mairesse. « On a agi avec beaucoup de diligence. On a vraiment mis les sommes de côté pour pouvoir soutenir les médias et particulièrement Métro [Média], a affirmé Mme Plante mercredi. On a fait ce qu’on a dit qu’on allait faire. » Son administration avait dégagé un programme d’aide de 2 millions l’automne dernier pour les journaux locaux, une somme que M. Parenteau estime complètement distincte du dossier Publisac.

Philippe Teisceira-Lessard, La Presse