(Saguenay et Montréal) Au moment même où s’ouvre un Sommet sur la fiscalité municipale à Montréal, François Legault écarte la demande de la mairesse Valérie Plante, qui réclame à Québec de nouvelles sources de revenus. La ministre des Affaires municipales Andrée Laforest invite par ailleurs les villes à « bien gérer » leurs finances.

Le premier ministre n’a pas attendu l’ouverture de l’évènement qui réunit dans la métropole les maires des grandes villes pour répliquer à la mairesse de Montréal : « J’ai déjà expliqué à Mme Plante qu’il n’y a pas de marge de manœuvre à Québec », a lancé M. Legault en marge d’une annonce sur l’ajout de bornes de recharge électrique, à Saguenay, où est réuni son caucus en prévision de la rentrée parlementaire.

Dans une entrevue à La Presse, Valérie Plante a réitéré le souhait que le gouvernement du Québec trouve une solution à l’« iniquité fiscale » qui subsiste entre Québec et les villes. Selon elle, le modèle de la taxe foncière, basée sur la valeur des biens immobiliers, est complètement dépassé.

L’objectif du sommet, qui réunit le caucus des grandes villes de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), est justement « d’identifier des solutions et des opportunités pour que les villes puissent pleinement jouer leur rôle dans un contexte budgétaire restreint ». Cette discussion entre les maires survient dans le contexte où les villes et le gouvernement du Québec renégocieront bientôt un nouveau pacte fiscal.

« On a signé un pacte fiscal très avantageux pour les municipalités qui se termine le 31 décembre 2024. On va le renégocier avec les municipalités, mais il faut respecter la capacité de payer du gouvernement du Québec », a prévenu M. Legault. Ce dernier a fait valoir que l’impôt foncier au Québec est moins élevé qu’en Ontario et que, a contrario, l’impôt sur le revenu et la taxe de vente sont plus lourds.

« Ce que je dis surtout, c’est qu’il n’est pas question d’augmenter les impôts sur le revenu et la taxe de vente des Québécois. On est déjà au plafond. On est déjà les plus élevés en Amérique du Nord », a-t-il plaidé.

Montréal propose d’une part de se tourner vers l’écofiscalité (la taxation de comportements polluants) pour combler une partie de ses besoins grandissants, mais elle voudrait aussi d’autre part conclure un nouveau pacte fiscal plus avantageux en 2024. M. Legault a rétorqué que l’écofiscalité « ce n’est pas quelque chose qu’on garde de notre côté ».

Québec a déjà « donné beaucoup », selon Laforest

Tout en se disant « à l’écoute des demandes » des municipalités, la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, leur demande de « bien gérer » leurs finances.

PHOTO FRANCIS VACHON, LA PRESSE CANADIENNE

Andrée Laforest

« Il n’y a pas juste la taxe foncière pour les municipalités. Les municipalités ont droit de diversifier leurs revenus. Maintenant, plusieurs municipalités n’utilisent pas ce droit de diversification. Donc, c’est à elles aussi de bien gérer leur municipalité », a-t-elle lancé lors d’une mêlée de presse.

Elle a plaidé que le gouvernement « a donné beaucoup en quatre ans aux municipalités, au niveau monétaire, mais aussi au niveau des pouvoirs pour les municipalités ». Plusieurs ministères ont des programmes destinés aux municipalités, a-t-elle ajouté.

Le ministre des Finances, Eric Girard, a rappelé que le gouvernement a accepté en 2019 de verser année après année aux villes la croissance des revenus tirés d’un point de TVQ. Pour les prochaines années, « il y a une négociation » pour signer un nouveau pacte fiscal, s’est-il contenté d’ajouter.

Par ailleurs, François Legault a écarté une autre demande de mairesse Plante au sujet du salaire des employés municipaux qui gagnent plus que leurs vis-à-vis provinciaux. Selon la mairesse de Montréal, il faudrait que Québec s’en mêle de façon directe, comme en procédant par décret, puisque les villes ont « les mains liées » en matière de relations de travail. Pour le premier ministre, « c’est une raison additionnelle » pour « qu’il y ait des efforts de faits du côté de l’efficacité, du côté des municipalités ».

Huées et critiques

La fin de non-recevoir du gouvernement Legault a été mal reçue au Centre des sciences de Montréal, où quelque 200 élus et acteurs du monde municipal sont réunis pour discuter de leurs demandes.

Au moment où l’animatrice des tables rondes a relayé la réaction du premier ministre, des participants ont hué. Sur la scène, le maire de Québec Bruno Marchand a dit qu’il ne « comprend pas comment on peut dire non » aux villes, qui demandent simplement la tenue d’une discussion sur leurs sources de revenus.

« On a l’obligation de se regrouper. On a l’obligation de se dire qu’on ne va pas travailler l’un contre l’autre. On a l’obligation de se dire qu’on a été élus par les citoyens », a-t-il continué.

Mathieu Traversy, maire de Terrebonne, s’est dit « un peu déçu », surtout que la présence de la ministre des Affaires municipales n’est prévue qu’en début d’après-midi. « J’aurais aimé que la ministre prenne le temps de nous écouter […] avant de prendre une position. »

« Je trouve – et je vais peser mes mots – que c’est décevant », a dit la mairesse de Gatineau France Bélisle. « Il y a un manque de respect du service à la communauté que les villes offrent. »

Une dizaine de maires se sont présentés devant les caméras en début d’après-midi pour faire valoir que la réaction du premier ministre ne marquait pas la fin des négociations.

« C’est le début de la saison de la fiscalité et ça va mener éventuellement à un pacte fiscal », a dit Valérie Plante. « On pense que la réalité va rattraper le gouvernement. »