Au moment où son procès dans l’affaire Stormy Daniels fait couler beaucoup d’encre, Donald Trump s’improvise vendeur de bibles. En collaboration avec Lee Greenwood, célèbre musicien très conservateur, il dit vouloir redonner sa foi à l’Amérique. Tous les moyens sont bons pour racoler le vote des évangéliques qui représentent près de 25 % de la population américaine.

Bon, il faut dire qu’après leur avoir fait la faveur de nommer des juges fanatiques d’appropriation utérine à la Cour suprême des États-Unis, Donald est devenu un allié de ces cercles religieux. Oui, la grande majorité des leaders de ce mouvement très disparate savent qu’à cause de son culte du mensonge, ses inconduites sexuelles, sa passion pour l’industrie des casinos, mais surtout sa possible liaison avec une actrice porno pendant que sa femme est enceinte, Donald n’est pas un modèle de croyant aussi recommandable que quelqu’un comme Mike Pence. Mais ils le soutiennent, car Trump leur a déjà rapporté gros.

La preuve : grâce à lui, le droit à l’avortement est désormais attaqué de toute part par la phallocratie américaine.

Pourtant, en 2022, l’Amérique a connu 38 fusillades de masse et 48 000 décès par arme à feu. Des chercheurs de l’Université Johns Hopkins ont aussi estimé qu’il pourrait y avoir jusqu’à trois millions de sans-abri aux États-Unis. Il me semble que ça fait beaucoup de descendants de fœtus qui méritent aussi d’être protégés.

En vérité, la majorité des Américains qui se disent pro-vie sont surtout des « pro-contrôle-vie ». Aux États-Unis, je crois que le terme pro-vie devrait servir à désigner ceux qui militent pour un contrôle sévère des armes à feu, mais aussi contre les dérives assassines du néolibéralisme sauvage.

En plus d’avoir donné des ailes aux évangéliques, Donald continue de jouer habilement à leur faire croire qu’il est un croyant sincère et adorateur de la Sainte Trinité. Aussi, en juin 2023, il disait ceci à des leaders religieux du mouvement : « Ensemble, nous sommes des guerriers dans une juste croisade pour arrêter les pyromanes, les athées, les mondialistes et les marxistes. » Ça fait beaucoup de monde à envoyer au bûcher.

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L’ancien président Donald Trump, dimanche dernier

Cependant, avec le culte du mensonge au centre de sa vie, si Donald se positionne ainsi comme le rempart contre les ennemis fabulés de la chrétienté en Amérique, c’est pour assouvir un autre péché capital tapi dans ses entrailles : la gourmandise pour le pouvoir.

Sérieusement, comment un individu sensé peut-il véritablement croire que Donald est un bon représentant pour vendre des bibles ? Confrontée à ses nombreuses impostures, une certaine frange du mouvement évangélique a trouvé un discours des plus surprenants pour donner à Donald une place presque messianique dans leur destinée. Ces admirateurs le comparent au roi Cyrus II, appelé aussi Cyrus le Grand (559-530 av. J.-C.).

La Bible hébraïque glorifie ce roi dont les actions ont permis par ricochet de libérer les Juifs. Donald serait donc la projection américaine de ce conquérant perse qui avait vaincu Babylone et libéré les Juifs de la captivité. Ce qui leur avait permis de retourner à la Terre promise et d’entreprendre la reconstruction du temple de Jérusalem.

Aux yeux de certains membres du mouvement évangélique, Trump symboliserait donc ce mécréant personnage par lequel arrivera quand même la délivrance du peuple d’Israël. Autrement dit, on reconnaît qu’il n’est pas recommandable, mais on le soutient pour ces actions qui profitent à la chrétienté américaine.

Je trouve cet échafaudage idéologique très habile. Mais permettez-moi de faire une autre proposition explicative sur la nature du lien qui unit Donald au mouvement évangélique.

Cette association improbable me rappelle la stratégie parasitaire d’un papillon appelé l’azuré du serpolet. Je vous raconte l’histoire et vous déciderez si la comparaison est bonne.

La larve de ce papillon mystifie les fourmis de l’espèce Myrmica sabuleti pour leur faire croire qu’elle est une des leurs. Comme Donald brandissant une bible devant les chrétiens américains, cette larve s’entoure d’une cape émettant des odeurs et des phéromones qui imitent parfaitement celles des fourmis. Pour compléter l’arnaque évolutive, l’imposteur mime aussi les stridulations de larves de fourmis destinées à devenir des reines, une façon de réclamer des services à la hauteur de son rang. Ainsi parée physiquement et acoustiquement, il est fréquent que des ouvrières bien mystifiées ramassent la fausse petite reine et la ramènent à la maison. Une fois dans la fourmilière, la larve de papillon se fait nourrir et traiter comme une reine. Mais l’objectif ultime de ce squatteur est de profiter de son mimétisme pour duper ses hôtes et mettre leurs couvains à son menu.

Disons qu’à l’image de la larve de ce papillon dans la fourmilière, à mon avis, chez les évangéliques, Donald n’est rien de moins lui non plus qu’un loup déguisé en agneau pour mieux intégrer la bergerie et s’attirer la faveur des brebis égarées.

Si, pour cette larve, la tromperie se poursuit jusqu’au jour où elle se transforme en chrysalide et quitte la fourmilière, gageons aussi qu’advenant une défaite en novembre, la passion évangélique de Donald prendrait le large très rapidement. En cause, tout son passé laisse fortement croire qu’il est plus proche d’un disciple de Satan que d’un passionné de parole biblique.