Depuis quelques années, l’inclusion est au cœur de la mission de Radio-Canada et il faut saluer les avancées qui ont été faites en la matière. Mais il y a un secteur dans lequel il faudrait plus d’ouverture au diffuseur public.

Je parle ici du secteur des nouvelles sur lequel porte spécifiquement cette petite chronique. Pour cause, comment se fait-il que Radio-Canada poste des correspondants un peu partout sur la planète sauf en Afrique ? Ce n’est pas logique.

Si le diffuseur clame être au service de la francophonie québécoise et canadienne, comment expliquer cette insensibilité alors que le Québec abrite une très importante population d’origine africaine ? Avant cette incompréhensible marginalisation, Sophie Langlois était à Dakar et nous rapportait ce qui se passe dans la Francophonie africaine. Depuis qu’elle a été rapatriée par le diffuseur, il semblerait que le dossier sécuritaire soit en partie une des raisons qui expliquent l’absence de correspondant en Afrique.

Si c’est le cas, on nage en pleine incompréhension, car le Québec a une délégation à Dakar, un bureau à Abidjan et un autre à Rabat, la capitale du Maroc. J’ai déjà visité la délégation de Dakar. Je dois même vous avouer qu’entrer dans cette maison de chez nous qui se trouve chez moi me procure une grande émotion. Le délégué général Iya Touré, mon ami Pape Goumalo Dione qui est attaché aux Affaires éducatives et culturelles et tous les autres y effectuent un travail fantastique.

Si, en plus des ambassades du Canada, ces trois représentations du Québec sont capables de rayonner au Maghreb et en Afrique de l’Ouest, pourquoi un correspondant de Radio-Canada ne peut-il pas y être ?

Pourquoi les chaînes de télévision françaises, dont France 24 et TV5, ont des correspondants en Afrique et couvrent l’actualité sur tout le continent et pas nous ? Je sais qu’on n’a pas les mêmes moyens et la même portée que ces chaînes françaises, mais on peut quand même y être à la hauteur de nos capacités.

Le Québec est une nation dont l’immigration francophone provient en grande partie du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne. Une importante population francophone originaire de ces régions vit ici, mais aussi dans le reste de la francophonie canadienne. Ces immigrants sont même des acteurs très importants de la résistance contre l’assimilation dans beaucoup de communautés francophones partout au Canada. Pourquoi ces gens ne peuvent-ils pas entendre parler un peu plus sérieusement et profondément de ce qui passe en Afrique en ouvrant la télévision nationale ?

Cette couverture est aussi importante pour informer les gens d’ici des drames qui se jouent au Congo ou au Soudan, un peu comme on le fait sur le conflit entre Israël et le Hamas. La guerre qui se déroule au Soudan fait des milliers des morts, des millions de déplacés et des dizaines de milliers d’enfants souffrant de malnutrition. Si elle passe sous le radar de la grande majorité, c’est aussi parce que la télévision la trouve moins intéressante à couvrir que le tout aussi dramatique conflit israélo-palestinien.

À cause de cette hiérarchisation médiatique de la souffrance, beaucoup de jeunes Québécois et Canadiens qui militent pour la paix dans le monde ne sont même pas conscients du drame qui se joue au Soudan.

Tendre un pont vers l’Afrique serait une bonne chose pour Radio-Canada, car c’est là que se trouve l’avenir de la francophonie qu’on cherche à préserver au Québec et au Canada. Comme le diffuseur ne couvre pas sérieusement cette partie du monde, les Québécois d’origine africaine vont très majoritairement s’informer ailleurs. Ils syntonisent TV5, France 24 ou la BBC qui présentent des téléjournaux et des débats consacrés à l’Afrique. Ces chaînes couvrent aussi la Coupe d’Afrique des nations qui bat son plein en Côte d’Ivoire. Cette grande rencontre qui est suivie par des centaines de millions de personnes passe presque inaperçue à Radio-Canada.

Un manque d’intérêt qui a des conséquences, car non seulement les immigrants francophones qui ne se reconnaissent pas dans sa couverture délaissent le diffuseur, mais leurs enfants aussi risquent fortement de ne pas l’écouter. En général, on adhère aux valeurs de notre société d’accueil lorsqu’on sent que cette dernière trouve en nous une certaine valeur. Or, dans ce processus, la télévision joue un rôle non négligeable.

Je crois que le secteur des nouvelles de la télévision de Radio-Canada doit s’intéresser un peu plus à ce qui se passe en Afrique. Sinon, elle manque une belle occasion de construire des ponts et d’élargir son auditoire. À mon avis, ne pas avoir de correspondant pour 1,3 milliard de personnes est un choix bien difficile à justifier.