L’année 2023 est derrière nous, dans le grand bac de compostage du temps, elle servira d’engrais aux années qui la suivront. C’est pas l’engrais qui manque pour faire pousser le présent.

Le monde ne s’est pas gêné pour se défouler sur l’an 2023, allègrement, durant les derniers jours de ce dernier. Si les humains ont le droit à un concert d’éloges lorsqu’ils disparaissent, les années, elles, reçoivent un char de bêtises, lorsqu’elles arrivent à terme. Bon débarras, 2023 ! Il était temps que tu finisses ! On ne te regrettera pas ! Au diable, 2023 !

Fallait lire les publications du 31 décembre, sur les réseaux sociaux. Toute la communauté s’accordait pour dire que 2023 était responsable de tous les fléaux mondiaux et personnels. Les guerres, les catastrophes naturelles, l’inflation, la violence, les crimes, la crise du logement, les faillites, les mauvaises récoltes, les maladies, les blessures des joueurs du Canadien, les divorces, les séparations, les chicanes de famille, l’impôt, la grippe, le troisième lien, les sens uniques sur le Plateau, la mort du chat, tout ça, ce fut la faute de 2023.

Et dans un même élan, on plaçait tous nos espoirs dans 2024. Que la nouvelle année nous apporte amour, paix, bonheur, douceur, succès, argent et santé ! Rien que ça. Que 2024 stoppe le réchauffement climatique, la guerre en Ukraine, les conflits au Proche-Orient et la pauvreté sur toute la planète.

Savez-vous quoi ? 2024 ne nous apportera rien du tout. Même pas un chausson aux pommes. 2024 ne stoppera rien du tout. Même pas une trottinette.

Parce que 2024 n’existe pas. Pas plus que 2023. Ou 1973. Ou l’an 30. Ce sont des marques créées par l’humain pour se situer dans le grand continuum espace-temps.

Les secondes, les heures, les semaines, les mois, les années, on a tout inventé. Certaines théories scientifiques vont même jusqu’à nier l’existence même du temps. Mais on n’ira pas jusque-là, en ce petit dimanche matin. Ça prendrait beaucoup de temps à comprendre, et en plus, si le temps n’existe pas, on risque d’en manquer. Contentons-nous d’affirmer, sans aucun doute, que 2023 n’a rien fait de mal et que 2024 ne fera rien de bien. Et que malgré tous nos vœux de bonne année échangés depuis quelques semaines, dans trois cent cinquante et quelque jours, on va accuser 2024 de tous les maux du ciel et surtout de la Terre.

Parce que rien ne sera réglé, ni les guerres, ni les maladies, ni le réchauffement climatique, ni la reconstruction du Canadien, ni nos grands et petits problèmes. Le responsable de tous nos malheurs, ce n’est pas l’année, quelle qu’elle soit, c’est nous-mêmes. Nous, parfois en tant qu’entités, parfois en tant qu’individualités.

Fin décembre, c’est plus facile de mettre tout le tas de caca sur le dos de l’année qui s’achève et de placer tous nos espoirs dans l’année qui commence. On se débarrasse ainsi de la culpabilité d’avoir mal fait et on s’enlève la pression de mieux faire. Méchante 2023 ! On compte sur toi, 2024 !

Personne ne veut être tenu de rendre des comptes. Pourtant, tout le monde l’est à divers degrés. On a tous une responsabilité face aux mauvais côtés de 2023. Et on en aura tous une face aux mauvais côtés de 2024. We are culpa ! Soyons positifs, on a aussi une responsabilité envers tous les bons côtés, quand même.

Soyons aussi justes. Admettons, en partant, que nous ne sommes pas coupables de ce qu’il y a de plus heureux, en ce bas monde, ni de ce qu’il y a de plus triste. La vie et la mort, on est pris avec ça. Mais tous les autres problèmes, c’est notre faute à nous. C’est nous qui nous gâchons la vie, au point, parfois, de nous donner la mort.

Voilà pourquoi la fin et le début d’une nouvelle année, qui sont, au fond, la fin et le début d’absolument rien d’autre qu’une convention qui nous aide à faire le bilan de nos faits et gestes, devraient servir à faire un examen de conscience de notre apport à la vie de nos proches, de nos éloignés et de nous-mêmes.

Si tout le monde, du PM au simple citoyen, se posait deux questions. Première question : quelle est ma part de responsabilité dans tout ce qui va mal dans le monde et dans mon monde ? Deuxième question : qu’est-ce que je peux faire pour que ça aille mieux ?

Manger mieux, arrêter de fumer, faire de l’exercice, ce sont toutes de bonnes résolutions pour améliorer son sort. Mais on dirait que personne ne se demande ce qu’il peut faire pour améliorer le sort des autres. Et après, on s’étonne que ça aille mal pour les autres. Faudrait réaliser que les autres, c’est nous autres.

C’est sûr que dans un statut Facebook, Instagram, X ou Y, Z, c’est plus facile de tenir 2023 responsable et de croire en 2024, plutôt que de nous tenir responsables pour 2023 et de croire en nous pour 2024.

Et si les réseaux sociaux étaient la clef d’un monde meilleur. Juste un peu. Pour que 2024 soit une meilleure année que 2023 l’a été. Ça fait des milliers d’années qu’on est tous isolés dans notre réalité. Qu’on se parle par personnes interposées. Voilà que maintenant, on est des milliards à pouvoir agir les uns avec les autres. Présentement, on s’en sert pour s’insulter, s’invectiver, se diminuer. Si on s’en servait pour s’aider, s’encourager, se grandir.

Je sais, c’est une belle utopie. Mais voilà que pour une fois, on a une place pour partager cette utopie. Faudrait au moins essayer. Qui seront les courageux qui essaieront les premiers ? Plus ils seront nombreux, plus nous serons heureux. Et 2024 deviendra une bonne année.