Voici la deuxième partie de vos tranches de vie reçues ces derniers temps. Vous avez été plus de 300 à m’envoyer vos flashs de l’année 2023 sous forme de « carte postale » en direct de votre quotidien.

LILIANE MAHEUX : Ça s’est passé en décembre et j’en suis encore très émue. J’ai une amie dont le frère de 96 ans a appris qu’il allait bientôt mourir. Il a dit à ses proches qu’il souhaitait s’acheter un nouvel appareil auditif. Mon amie, surprise, lui a demandé pourquoi. Réponse : il voulait bien entendre ce que les gens viendraient lui dire, pour pouvoir bien leur répondre.

LOUISE FAUTEUX ET GUY GEOFFRION : Une année de changement. Nous avons quitté Montréal (bon débarras !). Et nous avons reçu un beau cadeau de la vie : mon fils et sa femme qui ne voulaient pas d’enfant nous ont surpris avec une belle Béatrice, en août !

MARIO ROY : Pleurer. Pourquoi ? Je sais même pas pourquoi. De qui parlé-je ? De Karl Tremblay, des Cowboys Fringants. Je sais que je n’étais pas le seul, mais quand même. C’est pas comme si c’était mon père… Étrange !

ANNE-MARIE CLUSIAULT : Cette année a été marquée par un incendie majeur le 7 octobre dans notre nid familial, celui de mon chum, de nos trois filles de 3, 6 et 11 ans. Dans cette histoire de fou, ma carte postale mentale (la moitié de notre maison est aux poubelles) représente notre famille, nos amis, collègues, l’école et la garderie des filles, qui nous ont soutenus dans cette épreuve. Tellement de belles attentions qui nous permettent de maintenir un environnement sain pour nos cocottes… Et un Noël digne de ce nom.

MARIE KAVANAGH : En 2023, j’ai organisé les funérailles du père de ma fille, décédé à 50 ans. Nous étions séparés depuis des années. Je m’étais hétéroconformée dans le but d’avoir un enfant. J’ai évidemment réalisé qu’on ne peut pas « choisir » de faire sa vie avec un homme. Dans l’auto, vers le complexe funéraire, la radio m’a offert Marine marchande, des Cowboys Fringants. C’était tellement approprié, à cause du dernier couplet…

Oh, tu peux bien revenir, mais presse-toi pas, mon grand

Y a pas l’feu au navire et puis, en t’attendant

J’suis en bonne compagnie avec la voisine d’en haut

Qui chaque soir, dans not’lit, te garde la place au chaud (non)

Elle s’appelle Annie xxx

ANDRÉ BORDELEAU : J’ai pris ma retraite officielle le 26 juillet 2022. J’étais animateur scientifique au Planétarium. À la mi-juin de 2023, je me suis déniché un emploi de messager. Pourquoi ? Ma pension ne suffisait pas à maintenir mon train de vie modeste. Ajoutez à ça un fils autiste de 20 ans et je ne roule pas sur l’or. Les taxes, les frais, l’inflation et une trop petite portion de médicaments couverts par la RAMQ m’appauvrissent quotidiennement.

Sic transit gloria mundi.

(Traduction du chroniqueur, avec une passe sur la palette de Google : Ainsi passe la gloire du monde.)

DANIELLE DUCHESNE : Mon coup de cœur, qui me rend émotive, c’est la correspondance écrite que j’entretiens depuis plus d’un an avec mes petits neveux et nièces qui ont entre 5 et 11 ans (les plus petits m’envoient des dessins), ainsi que trois petites filles de mon quartier. Du pur bonheur.

KIM ASHCROFT : Qui m’a fait rire, pleurer et sourire, en 2023 ? Le chanteur Patrick Watson.

MARJORY VAILLANT-GAMELIN : Le premier « Je tème maman » écrit par mon fils de 6 ans, alors que je ruminais de sombres pensées. Et tout s’est éclairé !

CÉCILE ROQUET : Mes frères et moi avons enfin obtenu la recette de rillettes à notre papa. Celle qu’on voulait avoir depuis 25 ans, qui goûte le ciel et dont tu cherches en vain le goût dans chaque pot de rillettes à l’épicerie. Ça a pris des textos pas clairs, la création d’un groupe Messenger « Rillettes Family » et un FaceTime en France (car on sait qu’un cuisinier, ça ne donne pas sa recette facilement) pour finalement réussir à faire une quantité indécente, mais absolument délicieuse de rillettes. Nous gardons précieusement cette recette pour la remettre à nos enfants : le but d’une recette, c’est de la transmettre aux générations futures.

ALEXIS B.-A. : Ce qui fonctionne dans la vie, c’est quand tu regardes une photo de party de bureau et que tout le monde a sincèrement envie d’être là. C’est une photo du party de Noël des employés de la Résidence intermédiaire Les Orchidées, à Saint-Lambert. Pourtant, si tu savais comment l’année a été difficile pour beaucoup d’entre eux. Quand y a du respect, y a de l’espoir.

PHOTO FOURNIE PAR ALEXIS B.-A.

Le party de Noël des employés de la Résidence intermédiaire Les Orchidées, à Saint-Lambert

ÉRIC D. : Mon collègue de travail s’est suicidé, récemment. Il avait 41 ans.

COLETTE RIOUX : Voici la grande joie de ma vie. Mon petit-fils dans la vingtaine a changé son nom, il a abandonné celui de son père qui, lui, l’avait abandonné. Il a choisi le nom de sa mère, évidemment, mais il a aussi pris le mien, sa grand-mère. J’en suis encore tout émue.

PAUL B. : Cette année, je me suis séparé après 17 ans de vie commune. J’en pleure encore, surtout pour notre enfant de 8 ans. Je fais maintenant partie des statistiques.

MARIE-JOSÉE LAVIGUEUR : Le balcon d’une aînée heureuse en RPA, à l’Oasis de Laval.

PHOTO FOURNIE PAR MARIE-JOSÉE LAVIGUEUR

Le balcon de notre lectrice

KARINE PÉPIN : J’ai eu 40 ans en 2023. Mes amis divorcent, mes amies parlent de ménopause et parfois, je dois éloigner les objets pour mieux les voir. Bref, je vieillis, il n’y a pas de doute ! Le « 40 » m’a un peu déprimée. Puis, une amie qui a le cancer m’a dit que d’atteindre 40 ans était sur sa bucket list. Là, je me suis sentie vraiment cheap et j’ai décidé que ma quarantaine serait fabuleuse. J’ai la chance de voir vieillir ma grande fille qui commence sa maternelle et son petit frère me dire Maman je t’aime pour toujours… Et je ne suis pas divorcée !

SIMON CÔTÉ : La dignité et la force de Marie-Annick Lépine au cœur de la tempête, alors que le Québec pleurait son homme.

ANONYME : Moi, ce qui me fait pleurer, c’est de voir qu’un tata comme toi écrit dans le journal, Lagacé.

Réponse du chroniqueur : Encore 20 ans avant ma retraite. Merci de me lire.

ISABELLE BEAUDOIN : Ma carte postale, pour pleurer : un enfant avec une surdité à une oreille avait un service en orthophonie à l’hôpital. Mais comme il intègre la maternelle 4 ans, ce service s’arrête : c’est à l’école de faire le suivi.

Il n’aura donc pas de service d’orthophonie cette année.

Désolée pour cette tranche de vie, mais les larmes coulent sur mes joues qui tentent de sourire.

MAXIME A. : Mon flash de l’année : devoir interner notre fille de 13 ans en pédopsychiatrie. Bravo à l’unité de pédopsychiatrie de l’hôpital Fleurimont, qui a sauvé ma fille. Elle a recommencé à fréquenter l’école.

GISÈLE PINEL : Le 5 septembre 2023, je niaise dans mon lit. Dans la porte de ma chambre, je vois des pantalons bleus : deux policiers ! What is this ? Ils sont dans ma maison ! L’un d’eux pointe son oreille, me demandant si je suis sourde. Je suis sourde. Il me tend un papier : « Avez-vous besoin d’aide ? » Je fais signe que non… Il me répond : « Vous avez appelé le 911… »

Je leur demande de me garrocher ma robe de chambre qui était accrochée derrière ma porte de chambre. Je demande d’aller mettre mes prothèses dentaires, enlevées pour la nuit, elles sont dans ma salle de bain…

L’imbroglio : une heure avant, j’avais appuyé sur le mauvais bouton de mon téléphone, le 911 a été prévenu…

Maudite vieillesse, de la haute démolition et le début de la décomposition.

Je me suis acheté un pyjama, je garde désormais mes dents et mon appareil auditif sur ma table de chevet.

GENEVIÈVE DUPRAS : Pleurer ? La mort de Karl Tremblay. Pleurer mentalement ? L’Ukraine, Israël-Gaza, les incendies de forêt, les changements climatiques. Rire ? Qu’est-ce qui fait rire en 2023… Pas toujours facile. Mais j’ai eu le privilège d’aller voir Fred Pellerin avec l’OSM avec une amie et ses fils rigolos. Vive la culture !

PASCALE BROCHU : On a démissionné et décidé de prendre une année sabbatique en famille. Vélo autour du monde avec trois ados ! J’avais pas réussi à échanger une phrase complète avec mon deuxième depuis la pandémie… Ça va mieux !

PHOTO FOURNIE PAR PASCALE BROCHU

Pascale Brochu et sa famille

MARIE-EVE ST-ONGE : Cette année, je suis devenue maman de… jumeaux. Ils me font rire, pleurer, sourire. Ils m’aident à rester dans le ici-maintenant. Leurs sourires (et le manque de sommeil, peut-être) m’auront aidée à oublier par moments à quel point tout va mal.

PHOTO FOURNIE PAR MARIE-EVE ST-ONGE

Les mignons jumeaux de Marie-Eve

ÉRIC MERCIER, ENSEIGNANT, m’a écrit un poème :

C’est l’année de mes 56 ans
Où j’constate que ça passe vite le temps
C’est l’année à faire de grands bilans
Où j’écarte mes futiles tourments

C’est l’année de mon premier tatouage
Rêve fou depuis mon très jeune âge
C’est l’année de mon plus long voyage
Rêves fous sur un autre rivage

Mais…

C’est surtout l’année d’un peuple qui se lève
Un combat à travers une longue grève
C’est surtout l’année d’un temps qui s’achève
Un combat à gagner pour la relève

SYLVIE LALONDE : Deux flashs. Le policier super bête qui m’a remis une contravention pour avoir traversé à pied la rue Marie-Anne déserte parce que le feu était rouge. Une contravention de 50 $ donnée sans même un regard. Je m’en allais à la piscine, ce qui m’amène à mon deuxième flash : ma classe d’aquaforme pour 50 ans et plus. Nous tous, dans l’eau, aux trois quarts, en majorité des têtes blanches. Les bras qui lèvent, à gauche, à droite, à l’unisson. Les corps qui vieillissent, mais qui ont la volonté de garder la forme. C’est touchant. Au rythme de Mambo Number 5 ! Un peu ridicule, mais de façon émouvante…

JEAN-MARC GUILLEMETTE : Je veux te parler de ma blonde, la mère de mes deux filles. Une femme brillante, une des quelques vétérinaires microbiologistes au Canada. Depuis longtemps passionnée par le yoga, la méditation, l’ayurveda, la philosophie bouddhiste. Elle a parfois un peu de difficulté à s’adapter aux tumultes de la vie moderne, que l’écrivain Sylvain Tesson compare à une sorte d’épilepsie collective…

Mon flash de 2023, c’est la citation que ma blonde m’a servie ce soir, les mots de Jiddu Krishnamurti : « Ce n’est pas un signe de santé mentale que d’être bien adapté à une société malade. »

MARTINE LANCTÔT : L’année 2022 devait être mon année, je suis née un 22 octobre : j’ai même décidé de prendre ma retraite ce jour-là. Le 9 août, on me diagnostique un cancer du sein, stade 4, incurable. Je suis tombée en bas de ma chaise. Mes histoires de numérologie ont pris le bord…

Récemment, j’avais rendez-vous avec mon oncologue. Il m’annonce que je suis en rémission, que le crabe m’a quittée.

Mon cerveau, qui était en mode acceptation de la mort, mort comme mes projets, doit aussi se recalibrer. Je viens de me délester d’une tonne de briques. Plus beau cadeau de Noël « ever » !

J’ai modifié certains propos par souci de clarté et de concision. Merci à tous ceux qui m’ont envoyé des cartes postales. Soyez prévenus : on refait le même exercice dans un an. Pour 2024, je vous souhaite, comme le chantait Lennon, une année dénuée de peurs.