Aujourd’hui, notre chroniqueur aborde l’indiscipline des cyclistes montréalais. Prochainement, il abordera l’indiscipline (autrement dangereuse) des automobilistes.

Je vous avais promis une chronique sur le vélo lorsque je toussais à cause de la COVID-191. Je tousse encore (un peu), mais voici la carte postale de mon séjour au Danemark.

Je vous disais dans cette chronique que civisme et vélo se conjuguent visiblement, à Copenhague, ville de vélo par excellence, où on compte 400 kilomètres de pistes cyclables, où près de 50 % des habitants se déplacent en bécyk à pédales.

Je vous disais aussi que la moitié des courriels reçus après une récente chronique sur les imprudences des automobilistes dénonçaient les imprudences des cyclistes à Montréal et ailleurs en province.

Je répète ce que j’ai déjà dit : l’imprudence des automobilistes est autrement dangereuse que celle des cyclistes… Mais quand même : il y a un ras-le-bol face aux cyclistes que je vais tenter de décortiquer. Suivez le guide, on commence par le Danemark.

Le respect des règles de la route par les cyclistes à Copenhague est franchement impressionnant. Le feu est rouge ? Les cyclistes arrêtent. Le feu est vert ? Ils repartent.

Mon constat était subjectif : les cyclistes ne s’y fichent pas des règles comme je le constate chez les cyclistes à Montréal, où le respect des stops et des feux de circulation semble optionnel.

Il se trouve que mon constat est appuyé par des données. Dans une étude commandée par le gouvernement danois2, le comportement de 28 579 cyclistes a été scruté par des caméras : 4,9 % des cyclistes ont été pris en flagrant délit d’entorse aux règles de la sécurité routière.

Des études séparées ont montré que 66 % des automobilistes danois commettent des infractions aux règles, la plus fréquente étant les excès de vitesse.

Pour Montréal, je n’ai pas trouvé de données qui permettraient de contredire ou d’appuyer mon sentiment subjectif de manque de civisme des cyclistes, constat d’un Montréalais qui roule en auto et à vélo dans sa ville.

Il suffit toutefois de se planter à une intersection pour constater le manque de respect des règles. Le feu rouge semble optionnel. C’est d’autant plus choquant sur le REV, la fantastique piste cyclable sur Saint-Denis. La majorité des cyclistes s’arrêtent quand le petit vélo lumineux est rouge. Mais il n’est pas nécessaire de faire de l’observation anthropologique pendant deux heures pour trouver des contrevenants.

La rue perpendiculaire à celle que j’habite compte deux bandes cyclables de chaque bord. Quand je tourne en voiture sur ma rue, je ne tiens jamais pour acquis que le cycliste qui devrait arrêter, en sens inverse, va le faire : l’immense majorité des cyclistes ne font pas leur stop.

Ils se lancent plutôt dans l’intersection et font du slalom entre les voitures qui font un virage à gauche et les piétons aux traverses, épouvantant tout le monde.

Et si je me fie aux commentaires des lecteurs, ce genre de slalom dangereux et exaspérant est généralisé.

Maintenant, je ne dis pas que traverser une intersection à vélo est aussi dangereux que pour un VUS s’engager dans la même intersection avec la même imprudence. L’imprudence motorisée est statistiquement plus catastrophique que celle commise en vélo.

Je dis juste que chaque fois qu’un cycliste fait du slalom entre deux piétons qui ont la peur de leur vie en voyant passer un tata à BIXI à un pied de leur visage, on se fait mal, comme groupe, les cyclistes.

On renforce le préjugé que nous sommes TOUS des tatas à pédales, que nous nous moquons TOUS des règles de sécurité routière. Ce n’est pas le cas. Mais comme groupe, il faut reconnaître que nous ne sommes pas disciplinés.

Oui, il y a des nuances, je sais. Comme l’explique une association de promotion du cyclisme danois, l’infraction du cycliste (brûler un feu rouge) est plus visible que certaines infractions automobiles (rouler à 60 dans une zone de 40, qui remarque vraiment ça ?)…

Mais quand même : la perception est une partie du réel et il existe cette perception que les cyclistes ont un déficit de civisme. Cette perception n’est pas entièrement une fiction.

Et cette perception négative est très commode quand vient le temps de protester contre des infrastructures routières pour faire de la place aux cyclistes sur nos routes…

Ça devient une sorte d’épouvantail difficile à démonter. Ça devient une arme politique.

Bref, amis à pédales : il faudrait qu’on s’aide, un peu.

Je sais, je sais : tous les stops grillés ne sont pas égaux, il y a des endroits dans le monde où on peut faire un « stop Idaho », qui consiste à ralentir et à poursuivre son chemin si l’intersection est libre3

Je le fais aussi (et je suis prêt à vivre avec le ticket). Mais vous savez très bien de quoi je parle : il y a une différence entre ça et foncer dans une intersection pleine de piétons et de chars.

La bonne nouvelle, c’est que chaque cycliste qui respecte les règles peut influencer les autres cyclistes4. C’est vérifié par une étude italienne : cinq chercheurs de l’Université de Bologne ont étudié les comportements de 1381 cyclistes à des feux rouges.

Constat no 1 : 62,9 % des cyclistes observés n’ont pas respecté, d’une façon ou d’une autre, le feu rouge (j’ignore si les 37,1 % autres étaient composés de touristes danois).

Constat no 2 : Il y a effet de contagion entre cyclistes, pour ce qui est du respect des règles… Et du non-respect des règles.

Selon les chercheurs, les cyclistes ont moins tendance à commettre une infraction quand un groupe de cyclistes est déjà immobilisé au feu rouge, par une sorte de pression sociale.

Et à l’inverse, quand un cycliste immobilisé décide d’avancer au mépris du feu rouge, les chercheurs ont noté un effet d’entraînement : d’autres cyclistes s’engagent à sa suite…

Bref, amis cyclistes, si j’extrapole les résultats de l’étude bolognaise à notre ville : chaque petit geste de civisme compte.

1. Lisez « Chronique du mal de gorge » 2. Lisez l’article de Forbes sur l’étude danoise (en anglais) 3. Lisez « Vélo : pleins feux sur le “stop Idaho” » 4. Consultez l’étude de l’Université de Bologne (en anglais)