Au départ, ce devait être un simple coup de main. C’est vite devenu un coup de foudre.

C’est ainsi que Marie-Ève Cyr-Plante parle de sa première incursion dans l’univers des soins aux aînés, en pleine pandémie. Elle était loin de se douter que, trois ans plus tard, ce coup de foudre allait changer sa vie et l’amener à décrocher son emploi de rêve en soins à domicile.

Au printemps 2020, au pire de l’hécatombe en CHSLD, cette jeune mère, qui travaillait comme adjointe administrative chez Desjardins, s’est portée volontaire en zone chaude d’un CHSLD. Elle l’a fait avec une certaine appréhension, mais avec la conviction que c’était la chose à faire après avoir entendu l’appel de François Legault alors que la première vague frappait de plein fouet1.

Cela aurait pu être l’histoire d’un seul printemps. Une parenthèse pandémique avant de retourner à sa vie d’avant. Mais c’est plutôt devenu pour cette trentenaire le début d’une nouvelle vie : après son expérience avec « Je contribue », elle a donné sa démission chez Desjardins, fait une demande de prêts et bourse pour pouvoir retourner aux études. Objectif : décrocher un diplôme d’études professionnelles lui permettant d’officialiser son grand virage vers les soins aux personnes âgées.

Plutôt que de suivre la formation accélérée de préposé aux bénéficiaires offerte par le gouvernement Legault, elle a choisi une formation plus longue de neuf mois (assistance à la personne en établissement et à domicile) qui lui donnait plus de latitude. « Je voulais avoir plus d’options que juste le CHSLD. »

Trois ans plus tard, après avoir travaillé en gériatrie dans un hôpital, Marie-Ève vient donc de décrocher ce qu’elle qualifie de « job de rêve » en soins à domicile. Un nouveau poste d’auxiliaire aux services de santé et sociaux (ASSS) au CLSC de Villeray. Avis aux intéressés : des quelque 50 postes créés par le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal dans la dernière année, 40 sont toujours vacants.

Ce que Marie-Ève avait aimé de sa première expérience en CHSLD durant la pandémie, c’était le temps qu’elle avait pu prendre, en dépit de l’urgence pandémique, pour veiller au bien-être et à la dignité des résidants.

Lorsqu’elle a travaillé à l’hôpital en gériatrie, elle a aussi aimé l’expérience. Mais elle a déchanté un peu en voyant à quel point tout va toujours trop vite devant une charge de travail de plus en plus lourde. Elle rentrait chez elle épuisée.

En travaillant en soins à domicile, Marie-Ève retrouve un rythme plus humain et la raison profonde pour laquelle elle a eu envie de faire ce changement de carrière.

« Il y a vraiment une grande différence avec l’hôpital. »

Par exemple, au lieu d’avoir 10 minutes top chrono pour l’hygiène complète au lavabo ou 15 minutes pour une douche, elle peut prendre le temps qu’il faut.

Le jour où on s’est parlé, elle venait de rendre visite à une dame qui reçoit des soins palliatifs à la maison. « J’ai pris le temps de la laver doucement, sans lui faire mal, sachant qu’elle est en fin de vie. Je lui ai mis de la crème. J’ai ensuite pu prendre le temps nécessaire pour montrer à sa fille comment bien la positionner dans son lit avec des oreillers pour éviter qu’elle ait des plaies de pression. »

Elle adore par-dessus tout les échanges avec les personnes âgées dont elle prend soin. Elle aime leur sagesse, leurs histoires de vie, leur douceur, la lenteur de leur quotidien dans une société toujours à la course, le petit biscotti maison qu’elles insistent pour lui offrir… « Elles sont tout le contraire de notre société d’aujourd’hui. »

En les regardant, elle se dit que vieillir chez soi est vraiment l’idéal. « Je les trouve chanceux d’être chez eux, dans leurs choses, avec leur lit, leurs vêtements, leurs photos… C’est ce que je souhaite pour ma grand-mère de 91 ans. »

Dans l’état actuel des choses, tant que le Québec n’aura pas pris le grand virage vers les soins à domicile qui s’impose et changé un mode de financement qui favorise l’hébergement, c’est vrai qu’ils sont chanceux, ceux qui réussissent à vieillir à la maison en y recevant les soins et les services dont ils ont besoin.

Trop nombreux sont les « réfugiés de l’âge » chassés de leur chez-soi, note le DRéjean Hébert dans le livre Soigner les vieux qu’il vient de faire paraître2. Des gens « déportés par choix ou par nécessité » en CHSLD ou en résidence, « faute de conditions assurant leur sécurité et leurs soins à domicile », écrit le gériatre, professeur associé à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, qui milite depuis longtemps pour un projet d’assurance autonomie.

En le lisant juste après avoir parlé à Marie-Ève, je me suis fait cette réflexion : alors que les personnes âgées rêvent de vieillir chez elles, que le DHébert propose un mode d’emploi pour rêver vieux et que des gens comme Marie-Ève réalisent leur rêve en offrant des soins à domicile, ne serait-il pas temps d’arrimer tous ces rêves ?

1. Lisez la chronique « Je ne reviens plus »

2. Réjean Hébert, Soigner les vieux – Chroniques d’un médecin engagé, Éditions La Presse, 2023

Des nouvelles de Rita et Mikaï-Yann

PHOTO FOURNIE PAR RITA UFUOMA ESINYADE

Rita Ufuoma Esinyade a reçu le 2 mai le document de voyage qu’elle attendait depuis plusieurs mois.

Je racontais vendredi l’histoire du rêve menacé de deux élèves de l’école secondaire Henri-Bourassa, à Montréal-Nord, qui risquaient de ne pas pouvoir prendre part à un voyage de finissants en Italie prévu le 5 mai à cause des délais de traitement d’Immigration Canada.

Bonne nouvelle : Rita Ufuoma Esinyade, qui est une réfugiée nigériane, a reçu mardi le titre de voyage l’autorisant à partir. Le bureau du député de Bourassa Emmanuel Dubourg a pu l’aider en ce sens. Elle en était émue et reconnaissante.

Quant à Mikaï-Yann André, qui est une résidente permanente d’origine haïtienne, elle n’a malheureusement pas pu obtenir son passeport. Mais sa famille et elle ont eu le droit à une petite victoire : leur cérémonie de prestation de serment de citoyenneté canadienne, nécessaire pour faire une demande de passeport, devrait finalement avoir lieu jeudi.

Lisez la chronique « Bureaucratie éhontée, rêve d’ado brisé »