Il y a exactement 20 ans cette semaine, la statue de Saddam Hussein au cœur de Bagdad était déboulonnée et détruite, symbole de la force de la plus puissante armée de la planète, l’armée des États-Unis.

Il n’y a aucun doute sur le fait que Saddam Hussein était un dictateur sanguinaire, un authentique salaud. Mais « libérer » les Irakiens de son joug était le slogan de la page couverture du plan de propagande des Américains pour justifier l’invasion de l’Irak.

Le cœur du plan de propagande, c’était de neutraliser Saddam et ses armes de destruction massive, une supposée menace existentielle pour le monde libre. Rappelez-vous : les États-Unis avaient des preuves que le dictateur irakien fabriquait secrètement des armes chimiques, bactériologiques et nucléaires, à utiliser contre l’Amérique, par pure malice…

George W. Bush, deux jours avant l’invasion, le 17 mars 2003 : « Le peuple des États-Unis et ses amis et alliés ne vivront pas à la merci d’un régime hors la loi qui menace la paix avec des armes de destruction massive meurtrières. Nous allons confronter cette menace avec notre armée, notre armée de l’air, notre marine, notre garde côtière et les Marines pour que nous n’ayons pas à la confronter plus tard avec des armées de pompiers, de policiers et de médecins dans les rues de nos villes. »

Deux jours plus tard, l’invasion commençait avec un bombardement destiné à semer choc et stupeur en Irak. L’armée irakienne, quatrième du monde, disait-on, s’est écroulée comme une tour Eiffel en bâtons de popsicle culbutée par un camion-remorque.

Mais il n’y a jamais eu d’armes de destruction massive en Irak. C’était une fabrication, un épouvantail.

Les agences de renseignement américaines qui osaient le dire à l’administration Bush étaient mises sur une voie de garage, à la faveur d’un renseignement politisé et orienté.

Et les voix du bon sens de pays alliés des États-Unis – comme le Canada – qui refusaient d’embarquer dans l’aventure irakienne, plaidant le manque de preuves, étaient ignorées par les États-Unis.

C’était il y a 20 ans. La débâcle irakienne des Américains commençait, sous des allures de triomphe militaire. On connaît la suite : les États-Unis ont englouti des milliards, tué des milliers d’Irakiens, sacrifié la vie de milliers de leurs soldats qui ont été tués, estropiés ou traumatisés dans une aventure qui a déstabilisé la région et mené à la création de l’État islamique… Entre autres désastres.

De l’Irak à l’Ukraine, il y a des similitudes troublantes. Les États-Unis ne sont pas la Russie, le premier pays est une démocratie et la Russie est une dictature. Mais de Bush à Poutine, il est troublant de constater comment la recette du mensonge a été si facilement concoctée dans la marmite du patriotisme pour justifier l’injustifiable.

Il n’y avait pas d’armes de destruction massive en 2003 en Irak comme il n’y a pas de régime nazi en Ukraine en 2023.

Mais aux États-Unis en 2003 comme en Russie en 2022, les invasions au nom de la sécurité de l’État ont eu l’heur de rallier la population. C’est fort, le patriotisme, c’est fort, la peur de l’ennemi désigné.

Ainsi, au début de la guerre d’Irak, en mars 2003, plus de 70 % des Américains appuyaient l’invasion.

Appui des Russes à l’« opération militaire spéciale » en Ukraine, en février 2022 : 70 %.

À tout prendre, à regret, je préfère bien sûr un monde où les États-Unis occupent une place prépondérante. Les autres scénarios sont pires : la Chine et la Russie, par exemple, sont des dictatures sanguinaires qui, sans les États-Unis, se comporteraient de manière pire encore.

Mais il est quand même fascinant de voir les Américains dénoncer les mensonges russes pour justifier l’invasion de l’Ukraine. Ils faisaient à peu près la même chose, il y a 20 ans.

Pour l’invasion injustifiée de l’Ukraine, Vladimir Poutine et ses sbires seront à jamais des parias, confinés à rester en Russie sous peine de se faire arrêter. Poutine fait déjà l’objet d’un mandat d’arrêt international de la Cour pénale internationale. Tant pis pour lui.

L’appui des États-Unis à l’Ukraine est inestimable et justifié, mais l’expression « deux poids, deux mesures » vient à l’esprit quand, de temps à autre, nous parviennent du Texas des dépêches attendrissantes sur la grande passion de George W. Bush, depuis la fin de sa carrière politique : la peinture.