(Toronto) Justin Trudeau a balayé du revers de la main les informations selon lesquelles des pirates informatiques prorusses auraient attaqué mardi matin des sites internet canadiens, alors même que le premier ministre profitait de la visite de son homologue ukrainien pour dévoiler un ensemble de nouvelles mesures militaires, économiques et culturelles pour le pays assiégé.

Les nouvelles mesures comprennent la fourniture de 21 000 fusils d’assaut, 38 mitrailleuses et 2,4 millions de munitions pour ces armes, afin d’aider l’armée ukrainienne qui se prépare à un printemps de violents combats. Les deux hommes ont aussi signé de nouveaux accords actualisés sur le libre-échange et les échanges d’étudiants.

Le Canada impose également de nouvelles sanctions visant 14 personnes et 34 entités russes, ainsi que neuf organisations liées au secteur financier en Biélorussie, en raison de leur soutien à l’invasion russe, a déclaré M. Trudeau.

« Le Canada continuera d’être inébranlable dans son soutien à l’Ukraine, alors que vous vous défendez héroïquement contre l’invasion brutale et barbare de Poutine, a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse commune avec le premier ministre Denys Chmyhal, à Toronto. Le courage des Ukrainiens est héroïque. »

Le premier ministre ukrainien a profité de l’occasion pour remercier le Canada pour son soutien depuis l’invasion des forces russes en février 2022, qui comprend des milliards de dollars d’aide économique et militaire précédemment annoncée.

Cette aide canadienne comprend un prêt de 2,4 milliards par l’intermédiaire du Fonds monétaire international, qui a été annoncé dans le budget fédéral du mois dernier et qui, selon M. Trudeau, a été entièrement décaissé.

De son côté, M. Chmyhal a réclamé le transfert des actifs russes gelés, pour aider à la reconstruction de son pays. Il a aussi souligné la nécessité d’une assistance militaire supplémentaire, alors que les forces de son pays se préparent à lancer une contre-offensive printanière pour libérer l’est de l’Ukraine.

« Nous avons besoin de plus de munitions, nous avons besoin de plus d’armes, nous avons besoin de plus d’équipements militaires », a déclaré le premier ministre Chmyhal.

Cyberattaque russe

La visite de M. Chmyhal au Canada mardi a coïncidé par ailleurs avec plusieurs attaques apparentes contre des sites internet canadiens, qui ont été revendiquées par un groupe prétendant soutenir la Russie. Les sites du cabinet du premier ministre et du Sénat ont notamment été ciblés en matinée, mais ils étaient tous les deux de nouveau opérationnels mardi après-midi.

M. Trudeau a déclaré qu’il n’était pas rare que des pirates informatiques russes ciblent des pays qui soutiennent l’Ukraine, en particulier lorsque ces pays accueillent une délégation ukrainienne de haut niveau.

« Mais laissez-moi être extrêmement clair : le fait que pendant quelques heures il y a eu une page du gouvernement qui a été difficile à accéder ne va nous dissuader en rien d’être présent et toujours là pour en faire plus pour soutenir l’Ukraine face à ces attaques de la Russie. »

Brett Callow, analyste à la société de cybersécurité Emsisoft, a déclaré mardi que les pirates informatiques semblaient avoir lancé une attaque par déni de service, en inondant les sites internet concernés – une tactique devenue de plus en plus courante depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

« Les cyberactivistes les aiment parce qu’elles sont perturbatrices plutôt que destructrices, elles sont très visibles et font souvent la une des journaux », a expliqué M. Callow.

Fuites de documents américains

La visite du premier ministre Chmyhal au Canada survient aussi après les fuites de documents de renseignement américains « top secrets », qui comprenaient des évaluations détaillées de l’état des forces ukrainiennes et russes – et de leurs pertes.

Ces documents auraient également inclus une évaluation des allégations selon lesquelles des pirates informatiques soutenus par la Russie auraient réussi en février à accéder aux systèmes contrôlant une partie de l’infrastructure de gaz naturel du Canada.

Le New York Times, qui avait évoqué ces documents lundi, n’a pas nommé de société énergétique spécifique. Mais le quotidien a écrit que les pirates avaient reçu l’ordre d’un officier du renseignement russe de maintenir l’accès au réseau informatique et « d’attendre de nouvelles instructions ».

Selon le New York Times, les pirates ont pu montrer qu’ils avaient été capables d’augmenter la pression des vannes, de désactiver les alarmes et de déclencher un arrêt d’urgence dans une station de distribution de gaz non identifiée.

Bien qu’aucun des premiers ministres n’ait abordé directement ces fuites mardi, M. Trudeau a déclaré aux journalistes : « Je peux confirmer qu’aucun dommage physique n’a été causé à ces éléments d’infrastructure canadienne ».

Il a par ailleurs défendu la décision d’Ottawa de contribuer des milliards de dollars en aide militaire et économique à l’Ukraine, décrivant la guerre là-bas comme emblématique de la lutte plus large pour les principes et les valeurs de paix et de démocratie dans le monde.

« Des dictateurs autoritaires regardent Vladimir Poutine, curieux de voir s’il réussira, a déclaré M. Trudeau. Parce que partout dans le monde, il y a des voisins avec des armées plus grandes que le pays d’à côté qui se disent : “Et si on redessinait la carte ?”. »

Son homologue ukrainien a insisté sur le fait que malgré le bilan de la guerre et le besoin de plus d’armes, ses compatriotes étaient déterminés à poursuivre la lutte contre la Russie. « Nous sommes fatigués, a-t-il dit. C’est naturel, car nous nous battons [depuis] plus d’un an. […] Mais nous ne sommes pas rompus. »