Alors que les Québécois digéraient encore leurs restants de dinde, de tourtière et de ragoût de boulettes tout en baignant dans la félicité de Fêtes enfin libérées des contraintes covidiennes, la Nation a été lâchement attaquée.

Oui, une attaque, c’est le mot, et il n’est pas trop fort. C’est le seul mot qui convienne pour décrire l’oubli par le magazine Rolling Stone de notre Céline-Dion-à-Nous dans son palmarès des 200 plus grands chanteurs et chanteuses de tous les temps1.

Je sais bien qu’aux États-Unis, se moquer de la musique de Céline n’a jamais cessé d’être à la mode2, un peu comme faire des jokes de Newfies l’était à une certaine époque, au Québec. Mais rejeter Céline d’un palmarès des 200 meilleurs chanteurs et chanteuses ever, c’est une déclaration de guerre.

Car Rolling Stone qui boude Céline, c’est le plus grand geste de mépris envers la Nation depuis que le Canada anglais a fait couler l’accord du lac Meech.

C’est aussi la confirmation du mauvais goût des Américains, qui n’aiment pas Céline comme nous l’aimons, ce qui est effroyable. Ces gens peuvent bien avoir fait de McDonald’s un géant de la restauration…

Côté féminin, remarquez, des poids plumes ont été couronnés par le magazine Rolling Stone : Billie Eilish y est avec son filet de voix, de même qu’une certaine Poly Styrene, l’inconnue au bataillon Sza et la très-connue-dans-sa-famille IU, sans oublier une dénommée Anita Baker.

Et… (je regarde mes notes) Lata Mangeshkar.

Lata Qui, je vous le demande !

En guise de moquerie cruelle, le nom « Dion » apparaît pourtant bel et bien dans le palmarès de Rolling Stone, mais c’est pour donner le 154e rang à Dion DiMucci, chanteur qui faisait rêver les adolescentes au début des années 1960. Le magazine ne peut même pas plaider la francophobie : Françoise Hardy s’est glissée dans le palmarès (162e rang).

Question : Est-ce que Dion DiMucci a déjà chanté pour le pape ?

Question : Est-ce que Poly Styrene a déjà fait un carton pendant des années à Las Vegas ?

Question : Est-ce que Françoise Hardy a déjà été payée des millions par Chrysler pour vendre des chars ?

Réponse : Non, non et non. Mais Céline, oui, oui et oui.

Même Elvis (17e dans la liste) n’approche pas les escarpins de Céliiiiine pour ce qui est de faire un tabac à Vegas, elle qui a pulvérisé tous les records de vente de billets dans ses deux spectacles en résidence dans cette ville, une des grandes capitales culturelles du monde entier… 

Elvis 17e et Céline dans les limbes ? Ça ne passe pas.

Oubliée, la polarisation pandémique : la Nation fait bloc, unie. C’est LE sujet d’indignation au Québec, en ce début d’année 2023. C’est notre Pearl Harbor culturel, notre Ukraine musicale. Céline, ce n’est pas juste de la chanson, pour la Nation, c’est de l’identité. C’est l’identité québécoise que Rolling Stone a voulu effacer, ne mâchons pas nos mots.

Toujours prête à monter au créneau pour défendre une certaine idée du Québec, Julie Snyder a enrôlé des fans de Céline Dion – de mauvaises langues affirment qu’il s’agissait principalement d’employés de sa compagnie de production, mais je n’en crois rien – pour aller manifester carrément à New York, devant l’immeuble qui abrite les locaux de Rolling Stone.

Telle une George Washington franchissant les eaux du Delaware, telle une Volodymyr Zelensky marchant dans Kharkiv libéré, Mme Snyder n’a pas hésité à sacrifier ce qui lui restait de vacances des Fêtes pour aller sermonner le magazine Rolling Stone sur ses propres terres.

(À ceux qui seraient tentés de dire que Mme Snyder a voulu se faire un peu de publicité facile sur le dos de cette controverse qui attriste la Nation, je dis : vous irez, vous, prendre à partie Rolling Stone dans les rues hostiles de Manhattan, et après, on s’en reparlera… Quand il s’agit de Céline, le cynisme m’est intolérable.)  

Je note par ailleurs que François Legault n’a pas réagi à cette attaque d’un fleuron médiatique américain sur le Québec. Le PM doit sortir de sa torpeur : qu’il convoque d’urgence les parlementaires à l’Assemblée nationale pour affirmer que quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, aujourd’hui et pour toujours3, Céline – notre Céline – est sans contredit la plus grande chanteuse de tous les temps.

Une motion unanime de l’Assemblée nationale s’impose, exigeant de Rolling Stone que Céline soit insérée à la tête du palmarès des (désormais) 201 meilleurs chanteurs et chanteuses de tous les temps.

Et si Rolling Stone refuse ?

J’exige la résiliation du contrat de 10 milliards signé par Hydro-Québec en 2021 pour fournir 10 térawattheures d’hydroélectricité à la ville de New York.

Rolling Stone en sera quitte pour écrire ses palmarès à la noix dans le froid et dans le noir.

NOTE DU CHRONIQUEUR — Toute cette chronique est bien sûr à prendre au second degré et se moque gentiment de l’émoi que le palmarès de RS a suscité sous nos latitudes.

Bonne année 2023 à tous, fans de Céline ou pas.

1. Consultez le palmarès de Rolling Stone (en anglais) 2. Lisez le texte du New Yorker « People Who Like Céline Dion Are People, Too » (en anglais) 3. Lisez le discours de Robert Bourassa pour la référence