Valérie Plante n’était pas peu fière de dire que la police de Montréal a saisi 300 armes depuis le début de l’année. Beau travail en effet.

Mais l’an dernier, un étrange type s’est fait arrêter avec à lui seul 248 armes de poing importées des États-Unis. Un an plus tard, il sort de prison.

Vous vous souviendrez peut-être de William Rainville, qui se la jouait « jeune entrepreneur dynamique » et prétendait faire fortune dans l’immobilier. En mars 2021, la police l’arrête près de la frontière américaine avec sa cargaison.

Quatre mois plus tard, il plaide coupable. Après une suggestion commune de la défense et de la poursuite, le juge Bertrand St-Arnaud le condamne à 60 mois de pénitencier. Comprenez que ces « deals » permettent toujours une peine au rabais, puisqu’on laisse tomber des accusations en échange de la certitude d’une condamnation.

En raison des conditions difficiles de détention dues à la pandémie, le juge lui a crédité dix mois pour les quatre purgés en préventive. Restaient donc 50 mois à compter de juillet 2021.

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

William Rainville

À peine un an plus tard, notre homme se retrouve devant la Commission des libérations conditionnelles, pour obtenir une « semi-liberté », c’est-à-dire un séjour en maison de transition. Après moins du quart de sa peine. Une peine qui, elle-même, tient compte du fait que ce « bon citoyen » n’a pas d’antécédent judiciaire, a fait des études, est propre de sa personne et sera assurément un actif pour la société, comme on dit.

Voici donc ce jeune homme de 25 ans devant la Commission des libérations conditionnelles du Canada la semaine dernière. L’histoire qu’il a racontée aux commissaires est tout à fait stupéfiante.

Il dit qu’il n’avait aucune idée de la marchandise qu’il transportait quand il s’est fait arrêter.

« Je ne savais pas que c’étaient des armes, je ne savais pas la quantité. Quand j’ai ouvert les sacs, j’ai dit : “Wow !” Je me suis alors remis en question. »

Trop tard, la police est arrivée avant la fin de cette saine introspection.

Je signale que Rainville a lui-même utilisé des toboggans pour transporter la cargaison outre-frontière, dans la neige, en pleine nuit, avec des lampes attachées aux chevilles.

Quelle surprise ! Les sacs de hockey contenaient des « carcasses » de 248 armes illégales (à assembler). Une valeur de 1,6 million.

« Vous deviez bien vous douter que c’était de la marchandise illégale, a demandé un commissaire, à qui on n’en passe pas.

– Oui, mais l’argent a prédominé sur mon bonheur », a répondu le jeune homme.

La réponse est énigmatique et suggère que, contrairement à ce qu’il disait sur les réseaux sociaux, son bonheur n’était pas du côté de l’argent.

Plus étrange encore, Rainville explique que c’est pour rembourser une dette de 7000 $ qu’il s’est embarqué dans cette rocambolesque aventure.

Mais c’était une dette… envers lui. Un « ami » lui devait 7000 $ et, incapable de se faire rembourser, lui a offert de faire une passe en transportant des sacs la nuit à la frontière américaine. Drôle de deal. Drôle d’ami.

Parce que d’habitude, c’est celui qui doit de l’argent qui prend des risques et tourne un peu rond les coins du droit criminel. Mais non, dans ce cas-ci, le débiteur dit à Rainville : je te dois de l’argent. Pour te rembourser, tu pourrais faire du trafic transfrontalier.

Et l’autre dit : cool, merci !

Tout cela ne tient évidemment pas la route. Mais les commissaires ont été convaincus — une décision écrite est à venir.

Entendons-nous bien, je ne suis pas de ceux qui ne croient pas à la libération conditionnelle ou à la réhabilitation. Mais que vaut une peine si on la divise par quatre ?

On nous dira bien sûr qu’il ne s’agit pas d’un « criminel violent ».

Comme me disait hier un policier, « c’est pas des gars avec une tarentule tatouée dans le front qui passent des armes aux frontières ».

C’est justement des gens au-dessus de tout soupçon qui veulent faire de l’argent vite fait.

Est-ce que vraiment, du premier coup, on confie autant d’armes au premier diplômé venu ? Un gars qui, pur hasard, vient de s’acheter une maison tout près des lignes. Si ce n’est pas bien organisé, c’est une sacrée malchance…

Les armes qui se retrouvent entre les mains des gangs suivent ce type de chemin. Elles ont besoin de ce genre de citoyens faussement « innocents », avec leurs histoires qui calent dans la neige.

Déjà, Rainville était relativement chanceux de s’en tirer avec cinq ans – moins les rabais. Mais une libération avant même le tiers de sa peine ? Avec des justifications tout croches ?

Ce n’est pas sérieux. Ni un indice de réhabilitation.

Vous me direz : ce n’est pas un « bum », il a un bac en finance. Il sera menuisier, comme il dit. Eh, tant mieux si c’est le plan !

En attendant, je vous réponds : c’est tout à fait un bum, costard en plus. C’est juste que ça se présente mieux devant les commissaires. Si ça se trouve, c’est aggravant : il n’a pas l’excuse de la marginalité.

C’est beaucoup, 248 flingues, pour un homme seul…

Un fil direct, essentiel, relie ces « innocents » aux balles qu’on tire dans nos rues. Ils ont du sang sur les mains. Ils sont responsables.

Ils devraient être traités comme tels.

Lisez notre article sur l’audience de William Rainville devant la Commission des libérations conditionnelles