(Ottawa) Finances. Affaires étrangères. Défense. Commerce international. Conseil du Trésor. Développement social. Emploi et Développement de la main-d’œuvre. Services publics et Approvisionnement. Agriculture. Des ministères de la plus haute importance à Ottawa. Des ministères qui sont maintenant tous dirigés par des femmes.

En dévoilant l’équipe ministérielle qui l’épaulera dans la gestion des affaires de l’État, à Rideau Hall mardi, le premier ministre Justin Trudeau a décidé de confier les ficelles du pouvoir à des femmes dans la capitale fédérale. La liste est impressionnante.

De toute évidence, M. Trudeau a choisi ce moment déterminant dans les premiers jours de son nouveau mandat – la formation de son cabinet – pour marquer le coup. Il a ainsi renouvelé sans mot dire sa profession de foi féministe. Cette image qu’il cultive depuis son arrivée au pouvoir en 2015, quand il avait formé pour la première fois de l’histoire du pays un cabinet paritaire sur la scène fédérale, a été égratignée par l’affaire SNC-Lavalin et l’expulsion qui a suivi des anciennes ministres Jody Wilson-Raybould et Jane Philpott du caucus libéral au printemps 2019.

Cette affaire a de nouveau fait surface durant la dernière campagne électorale à la suite de la publication en septembre d’un livre coup de poing de Jody Wilson-Raybould sur son passage en politique. Dans ce livre, elle a accusé M. Trudeau de l’avoir invitée à mentir sur les pressions qu’elle dit avoir subies du bureau du premier ministre pour éviter un procès à SNC-Lavalin relativement à des accusations de fraude et de corruption en lien avec des contrats en Libye.

Mais la nomination de femmes à de nombreux ministères clés au sein de son cabinet permet de tourner la page sur cette période difficile de son règne. Les femmes auront une influence réelle et durable dans les grandes décisions que prendra son gouvernement dans le prochain mandat.

Justin Trudeau avait d’ailleurs donné un avant-goût de ses intentions quand il a annoncé, une dizaine de jours après la victoire des libéraux aux élections du 20 septembre, que Chrystia Freeland restait à la barre du ministère des Finances et qu’elle conservait aussi ses fonctions de vice-première ministre.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Chrystia Freeland, ministre des Finances et vice-première ministre

Le visage de la diplomatie canadienne

Mardi, le premier ministre a causé une surprise en confiant le ministère des Affaires étrangères à Mélanie Joly, écartant au passage celui qui dirigeait la diplomatie canadienne depuis 10 mois, Marc Garneau, du Cabinet. Mme Joly a résolument la cote au bureau du premier ministre. Elle a tiré son épingle du jeu en tant que ministre du Développement économique durant la pandémie. Elle a aussi permis aux troupes libérales de maintenir in extremis leurs acquis au Québec durant la dernière campagne électorale à titre de coprésidente de la campagne nationale.

Mme Joly devra s’imposer une rude courbe d’apprentissage. Elle sera désormais le visage et la voix de la diplomatie canadienne. Elle devra apprendre à naviguer dans des eaux périlleuses. Les relations qu’entretient le Canada avec la Chine, la Russie, l’Arabie saoudite, entre autres pays, sont loin d’être au beau fixe. Malgré le changement d’administration à Washington, le Canada doit encore soigner ses relations avec les États-Unis pour éviter de subir les contrecoups des politiques protectionnistes du président Joe Biden.

Devant les journalistes, mardi, Mme Joly avait démontré qu’elle a entrepris de faire ses devoirs en citant l’un des plus illustres ministres des Affaires étrangères de l’histoire du pays. « Je m’inspire beaucoup de ce que Lester B. Pearson a déjà dit, c’est-à-dire que par son pouvoir d’influence très fort, le Canada est capable de jouer dans la cour des grands au niveau international. »

C’est sûr que le monde a changé depuis Lester B. Pearson. Mais l’objectif, c’est d’avoir une approche en matière d’affaires étrangères qui va allier humilité et audace.

Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères

Elle demeure néanmoins lucide face à certains pays. « Nos yeux sont grands ouverts sur la question de la Chine et nous n’avons aucune illusion. »

Étoile montante

À la Défense, la ministre Anita Anand hérite d’un ministère opaque où l’idée de rendre des comptes est un concept étranger. Un ménage s’impose dans les plus hauts échelons des Forces armées canadiennes en raison de la multiplication des allégations d’inconduite sexuelle qui ont éclaboussé plusieurs hauts gradés depuis le début de l’année. Étoile montante du gouvernement libéral, Mme Anand s’est illustrée durant la pandémie lorsqu’elle était ministre des Services publics et de l’Approvisionnement. Elle a obtenu des résultats spectaculaires dans la course planétaire pour mettre la main sur suffisamment de doses pour vacciner toute la population canadienne. Et cela, deux mois avant l’échéancier fixé par le gouvernement.

« Je veux m’assurer que le ministère de la Défense et les Forces armées canadiennes continuent d’être très respectés dans le monde. C’est une institution très importante dans notre pays », a dit Mme Anand avant de se rendre au quartier général de la Défense.

Comme vous avez vu avec les vaccins, je suis déterminée, je travaille très fort et je suis axée sur les résultats. Donc, ce sont des qualités que je vais apporter à ce dossier.

Anita Anand, ministre de la Défense

Dorénavant, des hommes nommés au Cabinet se rapporteront aussi à des femmes. C’est notamment le cas de Randy Boissonnault, ministre du Tourisme et ministre associé des Finances, qui travaillera sous les ordres de Chrystia Freeland. C’est aussi le cas d’Harjit Sajjan, passé de la Défense au Développement international, qui prendra ses directives de Mélanie Joly. Le même sort attend le ministre des Anciens Combattants et ministre associé à la Défense, Laurence MacAulay, qui devra se rapporter à Anita Anand.

Ces trois femmes, de concert avec Mary Ng au Commerce international, Mona Fortier au Conseil du Trésor, Karina Gould au Développement social, Carla Qualtrough à l’Emploi et au Développement de la main-d’œuvre, Filomena Tassi aux Services publics et à l’Approvisionnement et Marie-Claude Bibeau à l’Agriculture, ainsi que Diane Lebouthillier au Revenu national, sont en train d’écrire une nouvelle page d’histoire en politique canadienne.