Au lendemain de sa victoire en 2018, le premier ministre François Legault affirmait qu’il allait respecter « 100 % » de ses promesses électorales. Il est acquis que ce ne sera pas le cas, bien que sa performance soit « remarquable », selon un avis indépendant. Il reste un an au gouvernement pour cocher des éléments de sa liste d’engagements, car les électeurs se rendront aux urnes le 3 octobre 2022. Survol des promesses en suspens.

(Québec) Promesses tenues, promesses rompues

D’abord, quel bilan peut-on dresser après trois ans de mandat de la Coalition avenir Québec (CAQ) ? Le gouvernement est en voie de réaliser, en tout ou en partie, 81 % de ses 251 promesses électorales, estime le Polimètre, une initiative indépendante du Centre d’analyse des politiques publiques de l’Université Laval. C’est selon lui une performance « remarquable » si on la compare à celle de différents gouvernements au Canada qu’il suit depuis 2013. Plus précisément, 30 % des promesses caquistes sont réalisées, 47 % sont en voie de réalisation et 4 % sont partiellement réalisées. Quelque 15 % des engagements sont en suspens, alors que 4 % sont rompus, toujours selon le Polimètre. La Presse présente ici sa propre sélection de promesses en suspens.

L’attente en santé

« Avec un gouvernement de la CAQ, tous les Québécois auront un médecin de famille et pourront le consulter, lui ou une infirmière praticienne spécialisée, à l’intérieur d’un délai maximal de 36 heures, d’ici 4 ans », a promis François Legault en 2018. Or l’accès aux services est toujours aussi difficile : 80 % des Québécois ont un médecin de famille ; 20 % n’en ont pas. La situation était à peu près la même il y a quatre ans. Le gouvernement a d’ailleurs abaissé la barre dans le plan stratégique du ministère de la Santé et des Services sociaux, alors que l’on vise à donner accès à un médecin de famille à 85 % des Québécois d’ici 2023. Il veut revoir le mode de rémunération des omnipraticiens pour corriger le tir, mais les négociations avec leur fédération traînent. « On va, au cours des prochaines semaines, des prochains mois, si c’est nécessaire, déposer un projet de loi » pour que les médecins prennent en charge plus de patients, a dit M. Legault cette semaine. Dans le plan stratégique, on a retiré la promesse caquiste visant un délai maximal de 36 heures pour une consultation médicale. Il explique qu’une « étape préalable et cruciale » au calcul de cette donnée est la mise en place d’une solution informatique pour la prise de rendez-vous. Le gouvernement dit avoir une entente avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec pour mettre en œuvre cette solution l’an prochain, mais elle n’est pas encore « finalisée ». Le gouvernement n’a toujours pas réduit à 90 minutes le délai d’attente moyen avant de voir un médecin aux urgences.

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Le gouvernement n’a toujours pas réduit à 90 minutes le délai d’attente moyen avant de voir un médecin aux urgences.

Crise dans les services de garde

François Legault s’est engagé à diminuer « considérablement » la liste d’attente pour l’obtention d’une place en service de garde. « Aucun parti ne propose d’accroître l’accessibilité aux CPE plus que la CAQ », disait-il. On retrouve 50 000 enfants sur la liste d’attente – un dénombrement qui est imparfait. Il y en avait 42 000 en 2018. Et le gouvernement Legault n’arrivera pas à créer toutes les nouvelles places qu’il a promises en début de mandat. Il dit avoir l’intention de « compléter le réseau » au cours des prochaines années en ajoutant au total 37 000 places. Le réseau vit une importante crise en raison de la pénurie d’éducatrices et de la fermeture de nombreux services de garde en milieu familial. Québec déposera une réforme cet automne pour, entre autres, accélérer l’ouverture de CPE. Par ailleurs, le déploiement de la maternelle 4 ans prendra deux ans de plus que prévu et coûtera plus cher.

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Le réseau vit une importante crise en raison de la pénurie d’éducatrices et de la fermeture de nombreux services de garde en milieu familial.

Réformes démocratiques dans les limbes

Il n’y aura pas de nouveau mode de scrutin aux prochaines élections. Il s’agit d’une promesse rompue. Le gouvernement Legault a déposé un projet de loi, mais le texte législatif se trouve dans les limbes parlementaires. La CAQ a promis une réforme parlementaire pour, par exemple, mettre en place un mécanisme de votes libres et l’obligation de permettre l’étude par l’Assemblée nationale d’un nombre prédéterminé de projets de loi de l’opposition. Le gouvernement Legault a déposé une proposition de réforme qui répond en partie seulement à ses engagements. Les partis de l’opposition ont déposé leurs propres propositions le printemps dernier. La sous-commission parlementaire chargée de traiter de la question n’a pas encore siégé et aucune séance de travail n’est prévue à ce jour, confirme l’Assemblée nationale.

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Le premier ministre François Legault lors du scrutin de 2018

Rien pour les lanceurs d’alerte

La CAQ n’a encore rien fait pour améliorer la protection des lanceurs d’alerte, un autre engagement électoral. Avant d’agir, le gouvernement dit attendre qu’une commission parlementaire se penche sur un rapport concernant la mise en œuvre de la Loi facilitant la divulgation d’actes répréhensibles à l’égard des organismes publics. Le rapport a été déposé en juin 2020, et la commission n’a pas encore commencé ses travaux. Quel était le constat de ce rapport ? Dans plusieurs organismes, des patrons traitent eux-mêmes les dénonciations provenant de lanceurs d’alerte au sein du personnel ! C’est une pratique qui perpétue la loi du silence et compromet l’indépendance et l’impartialité du traitement des dossiers, selon le document.

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Le lanceur d’alerte Louis Robert

Un plan vert assez ambitieux ?

La CAQ avait bien peu parlé d’environnement lors de la campagne de 2018. Le parti de François Legault s’était néanmoins engagé à respecter « les grands objectifs de réduction des gaz à effet de serre (GES) adoptés par la communauté internationale ». Au début du mandat, il a abandonné l’objectif fixé par le gouvernement libéral de réduire de 20 %, pour 2020, les émissions de GES sous le niveau de 1990. Cette cible a été ratée, et le gouvernement Legault a tenu l’ancien gouvernement responsable de cet échec. Québec a déposé un plan vert dont l’objectif est de réduire de 37,5 % les émissions de GES d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990. Des experts ont soutenu que les mesures annoncées, qui totalisent 6,7 milliards en cinq ans, ne suffiront pas pour l’atteindre. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) recommande aux États de viser 50 % pour 2030, et la carboneutralité pour 2050, afin d’éviter une catastrophe climatique. « Considérant l’évolution des négociations climatiques internationales et les consensus émergents en la matière, le gouvernement entend prendre un engagement à plus long terme, dans le but d’atteindre la carboneutralité à l’horizon 2050 », signale Québec.

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Manifestation contre le tunnel Québec-Lévis au printemps dernier

François Legault ne voit pas de contradiction avec la construction d’un tunnel Québec-Lévis, « le moins pire projet » pour régler « le problème de congestion », selon lui. Il a promis « une mise en chantier dès le premier mandat », mais le gouvernement se borne aujourd’hui à parler de « travaux préparatoires » d’ici un an. Alors qu’en 2018 la CAQ parlait d’un « scénario catastrophe » si le troisième lien coûtait 4 milliards – laissant entendre que la facture serait assurément plus basse –, on parle maintenant d’un projet qui pourrait atteindre 10 milliards.