(Ottawa) La décision de la Commission des débats des chefs était prévisible. Elle est tombée en fin de matinée samedi, au jour sept de la campagne électorale. Le chef du Parti populaire du Canada (PPC), Maxime Bernier, n’a pas obtenu son carton d’invitation aux deux débats organisés par la Commission.

Il a en été exclu parce que son parti ne récoltait pas en ce début de campagne au moins 4 % des appuis dans les sondages. La moyenne est d’environ 3,27 %, selon les sondages retenus par la commission dirigée par David Johnston, l’ancien gouverneur général du Canada.

Selon les critères établis par la Commission, un chef d’un parti peut être invité à ces débats si sa formation politique satisfait à au moins un des trois critères suivants : son parti doit avoir fait élire au moins un député au dernier scrutin ; son parti doit avoir récolté au moins 4 % des suffrages au dernier scrutin ; son parti doit recueillir au moins 4 % des intentions de vote dans la moyenne des sondages au début de la campagne.

Le Parti populaire du Canada ne répond à aucun de ces critères. Les débats en français (8 septembre) et en anglais (9 septembre) se dérouleront donc sans Maxime Bernier.

Je ne blâme pas la Commission, dont les critères étaient clairs et objectifs. Je blâme plutôt le cartel de l’establishment politique, qui refuse de débattre des questions cruciales que nous soulevons et fait tout pour nous marginaliser depuis la fondation du PPC.

Maxime Bernier, dans une vidéo publiée samedi après-midi sur Twitter

Aux élections de 2019, la Commission avait aussi décidé de l’exclure des débats. Mais il avait porté la décision en appel et avait réussi à convaincre David Johnston que son parti avait des chances de remporter la victoire dans certaines circonscriptions en s’appuyant sur des sondages menés par une firme qui, au bout du compte, avait utilisé des questions susceptibles de gonfler les appuis au Parti populaire.

Le jour du scrutin, le Parti populaire n’a recueilli qu’un maigre 1,6 % des suffrages à l’échelle du pays. Et Maxime Bernier a mordu la poussière dans sa propre circonscription de Beauce, où il avait été élu sans interruption pendant 13 ans avec de fortes majorités.

Cette décision s’ajoute maintenant à celle de réseau TVA, qui organise son traditionnel Face-à-Face le 2 septembre. À ce deuxième débat en français, seuls le chef libéral Justin Trudeau, le chef conservateur Erin O’Toole, le chef bloquiste Yves-François Blanchet et le chef néo-démocrate Jagmeet Singh ont été invités. Ce quatuor participera ensuite aux deux débats organisés par la Commission en compagnie de la cheffe du Parti vert, Annamie Paul.

Aucun des leaders en lice ne peut être plus heureux de la tournure des évènements en ce début de campagne qu’Erin O’Toole.

À la suite de la décision de la Commission des débats des chefs, le leader conservateur s’est peut-être permis de savourer une bonne bière froide en cette chaude journée d’août pour célébrer.

Car Maxime Bernier, qui a été ministre dans le gouvernement conservateur de Stephen Harper, et qui est passé bien près de remporter la course à la direction du Parti conservateur en 2017, tente de couper l’herbe sous le pied à son ancienne formation politique depuis qu’il a fondé son propre parti en 2018.

Jusqu’ici, l’ex-député de Beauce a eu un succès mitigé. Mais il risquait tout de même d’être une épine dans le pied d’Erin O’Toole durant les débats des chefs, comme il l’a été pour l’ex-chef conservateur Andrew Scheer en 2019. Durant les débats de la dernière campagne, Maxime Bernier s’en est pris autant à son adversaire conservateur qu’au chef libéral en martelant que le Parti conservateur était essentiellement une pâle copie du Parti libéral. Des propos qui ont eu un écho dans certaines circonscriptions où les militants conservateurs étaient déçus du virage centriste du Parti conservateur depuis le départ de Stephen Harper.

Dans une lutte qui s’annonce déjà plus serrée que prévu, chaque vote comptera, en particulier dans les circonscriptions où la division sur le flanc droit peut permettre au candidat libéral ou au candidat néo-démocrate de se faufiler vers la victoire.

Au cours des derniers mois, Maxime Bernier a fait croisade contre les mesures de confinement imposées par les gouvernements pour freiner la propagation de la COVID-19. Il s’est même fait arrêter par des policiers de la GRC au Manitoba après avoir pris part à un rassemblement politique où il faisait fi des règles sanitaires de la province.

« Moins on entend parler de lui, mieux c’est pour nous », a simplement commenté à La Presse samedi une source conservatrice, qui a requis l’anonymat parce qu’elle n’était pas autorisée à parler publiquement de la stratégie du parti durant la campagne.

« Durant les débats, c’est sûr que Maxime Bernier aurait été un allié objectif de Justin Trudeau. Il aurait autant attaqué Erin O’Toole que Justin Trudeau », a relevé un stratège conservateur, visiblement satisfait.

Après une semaine de campagne, le Parti conservateur a réussi à réduire l’écart qui le séparait du Parti libéral dans les intentions de vote. Selon un sondage mené par la firme Nanos et publié samedi, les libéraux de Justin Trudeau récoltent 34,2 % des appuis contre 32,3 % aux conservateurs d’Erin O’Toole. En une semaine, le Parti conservateur, qui a dévoilé la totalité de son programme électoral dès le lendemain des élections, a donc vu ses appuis augmenter de quatre points de pourcentage, selon la firme Nanos, l’une des meilleures au pays avec la firme Léger.

Dans ce sondage, le NPD est bon troisième avec 20,2 % alors que le Parti vert recueille 4,3 %. Les résultats régionaux n’ont pas été diffusés par Nanos, mais le Bloc québécois était crédité de 6,1 % des appuis à l’échelle nationale.

Autre nouvelle encourageante pour les conservateurs, la cote de leur chef Erin O’Toole, qui était peu connu avant le début de la campagne, s’est améliorée auprès des électeurs, toujours selon la firme Nanos. Justin Trudeau est perçu comme le meilleur chef pour occuper les fonctions de premier ministre par 32,2 % des répondants, une baisse de près de trois points en une semaine. Erin O’Toole est maintenant le choix de 24,8 % des répondants – un bond de sept points de pourcentage en sept jours (17,7 %). Le chef du NPD Jagmeet Singh est préféré par 17,7 % des répondants.

Résultat : cette course qui se resserre entre les deux principaux partis qui ont gouverné le pays depuis la Confédération fait déjà ressortir toute l’importance que prendront les trois débats de cette campagne.