Leurs stratagèmes sont bien rodés et ils sont plus actifs que jamais. À l’approche du sommet national pour lutter contre le vol de véhicules qui aura lieu le 8 février, des enquêteurs spécialisés ont accepté d’analyser avec La Presse des images déposées devant les tribunaux afin d’illustrer les modus operandi des criminels. Ouvrez l’œil, vous remarquerez peut-être l’un de ces signes dans votre quartier.

L’homme à genoux

Dans un stationnement public, un homme se cache du mieux qu’il peut derrière sa portière pour installer discrètement une balise GPS sur un modèle de véhicule particulièrement populaire. Il pourra ainsi le retrouver la nuit venue et le voler à l’heure où le risque de se faire prendre est moins grand.

« Il y a des cellules structurées pour le vol, mais ensuite il y a différentes couches d’intermédiaires qui t’emmènent jusqu’au port et jusqu’au demandeur à l’international. Les cellules sont comme des travailleurs autonomes et ils ont des modèles spécifiques ciblés selon l’offre et la demande », résume Jean-François Rousselle, assistant directeur chargé des enquêtes criminelles à la police de Laval.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Jean-François Rousselle, assistant directeur au Service de police de Laval

La plaque d’immatriculation cachée

Trois suspects s’introduisent dans le stationnement souterrain d’un immeuble résidentiel. La plaque d’immatriculation de leur véhicule est masquée pour contrer les caméras de surveillance.

Un suspect commence par débrancher le klaxon à travers la grille avant. Un autre force la porte en introduisant un crochet par la fenêtre. Le système d’alarme se déclenche, mais le klaxon est désormais muet. Une fois dans l’habitacle, les voleurs utilisent un ordinateur portatif pour programmer une nouvelle clé électronique.

Une jeune fille est désignée pour conduire le camion volé, mais elle peine à manœuvrer l’imposant camion dans l’étroit stationnement. Le programmeur de clé, plus expérimenté, la remplace et le trio prend la fuite.


La police de Laval intercepte parfois des adolescents âgés d’à peine 14 ans, engagés pour conduire le véhicule volé alors que les cerveaux de l’opération demeurent à l’écart dans un véhicule bien en règle. « Certains jeunes ne voient pas le risque, c’est l’appât du gain », observe Jean-François Rousselle.

L’amplificateur de signal dans la nuit

En pleine nuit, un homme s’approche d’une maison et tente de capter le signal de la clé intelligente avec un amplificateur qui permet de relayer le signal jusqu’à la voiture et de la démarrer. Plusieurs modèles existent, mais certains, comme celui sur la vidéo, ne sont pas très discrets. Dans le cas présent, la manœuvre a échoué : soit parce que la clé était trop loin, soit parce qu’elle était protégée par un sac ou une boîte qui coupe le signal. Cette technique, extrêmement fréquente dans d’autres provinces, demeure encore minoritaire au Québec, où la majorité des voleurs préfèrent encore forcer la porte et programmer une nouvelle clé.

Des patrouilles et des enquêtes

Les patrouilleurs du Service de police de Laval ont l’habitude de prendre des voleurs sur le fait, notamment pendant le quart de travail de nuit. Une juge de la Cour du Québec a récemment souligné le travail d’un de ces patrouilleurs, lui-même ancien mécanicien, qui serait devenu l’une des bêtes noires des voleurs sur le territoire de l’île Jésus.

Les voleurs multiplient toutefois les manœuvres pour échapper à la vigilance des patrouilleurs. Ils font par exemple rouler un véhicule de complice très près du véhicule volé, pour obstruer la vue de la plaque d’immatriculation. Si une autopatrouille s’approche, le complice peut même commettre volontairement une infraction évidente au Code de la route, comme brûler un feu rouge, afin d’attirer l’attention des policiers et de permettre au véhicule volé de s’éloigner.

Le Service de police de Laval dispose aussi de quatre enquêteurs au sein de son escouade des crimes généraux qui sont principalement affectés aux enquêtes sur les cellules de voleurs de véhicules. Ils ne peuvent évidemment pas être partout à la fois. « À quatre enquêteurs, avec 1351 véhicules volés sur le territoire de Laval en 2023, c’est certain qu’il faut cibler les bonnes enquêtes pour avoir un maximum d’impact sur le terrain », explique Jean-François Rousselle.

Lors du sommet national la semaine prochaine, la police de Laval plaidera comme la police de Montréal en faveur de la création d’une équipe spécialisée regroupant plusieurs corps de police afin de lutter contre la hausse des vols de véhicules.

« On a quand même travaillé le phénomène, on a fait des opérations dans des stationnements, des arrestations, mais si on compare à la situation avant la COVID, il y a une augmentation significative. Au Québec, le phénomène est vraiment présent et on s’inscrit vraiment dans la tendance », constate M. Rousselle.

En savoir plus
  • 1567
    Nombre de véhicules volés à Laval en 2022
    Service de police de Laval
    1351
    Nombre de véhicules volés à Laval en 2023
    Service de police de Laval