Jean-Marc Filiatrault fait partie de la minorité de propriétaires de voitures volées au Québec qui réussissent à récupérer leur véhicule, mais il se demande parfois s’il a vraiment été chanceux dans sa malchance.

Le matin du 29 novembre 2022, un voleur s’est facilement emparé de sa voiture sans même prendre la peine de cacher son visage.

« Il faut vraiment être effronté en sacrifice pour venir voler une voiture à visage découvert juste en dessous d’un lampadaire », s’exclame le jovial retraité de Sainte-Dorothée.

Ses caméras de surveillance filment le voleur et son complice, qui se stationnent à environ 150 mètres (500 pieds) du véhicule de M. Filiatrault, une Acura RDX 2021. Il est alors 3 h 45.

Sur la séquence vidéo, le jeune homme s’approche comme si de rien n’était du véhicule. « Même pas masqué ! Une vraie joke ! », se rappelle Jean-Marc Filiatrault.

Il semble tenir quelque chose dans ses mains. Il se penche pour saisir un système de géolocalisation. Ce n’était pas celui installé par M. Filiatrault. « Il avait dû le mettre au préalable pour venir voler notre véhicule à sa convenance. »

Le voleur entre dans le véhicule, brise le barillet, désamorçant ainsi le système d’alarme. « Il devait connaître le modèle Acura pour savoir comment faire », ajoute M. Filiatrault.

Vol simple, récupération difficile

Si voler une voiture semble un jeu d’enfant, en récupérer une est beaucoup plus difficile : à peine le tiers des véhicules dérobés au Québec sont retrouvés, ce qui est nettement moins que dans les autres provinces. Cette piètre performance serait essentiellement due au fait que les voitures se retrouvent plus rapidement dans un conteneur au port de Montréal.

Alors que le taux national de récupération des véhicules est de 57 %, le Québec se retrouve bon dernier, avec 34 % des voitures volées finissant par être localisées. En Ontario, ce taux est de 45 %. Même si le vol de voitures est présent partout au Canada, le taux de récupération des véhicules est nettement meilleur dans les provinces de l’Atlantique (68 %) et en Alberta (80 %).

Cette réalité alarmante, exposée dans un rapport publié l’an dernier par Équité, une association financée par les principaux assureurs canadiens, serait essentiellement due au fait que les voitures se retrouvent plus rapidement dans un conteneur au port de Montréal.

Face à la hausse des vols de voitures au pays, le gouvernement de Justin Trudeau a d’ailleurs annoncé la tenue d’un sommet national pour lutter contre ce fléau, qui aura lieu à Ottawa le 8 février.

« Apathie totale »

M. Filiatrault a fait partie des « chanceux » dont l’auto a été interceptée avant d’être envoyée à l’étranger. Le jeune malfaiteur, possiblement un amateur, s’était trompé. Il voulait couper les fils pour désactiver le système Acura Link, installé par le propriétaire de l’auto pour la géolocaliser. Il a plutôt coupé les fils de la radio.

N’empêche, du côté des forces de l’ordre, c’était « l’apathie totale », décrit M. Filiatrault. « On est débordés, on n’a pas le temps », lui dit le policier. Ce dernier est très clair : aucune chance qu’il aille chercher sa voiture au port si elle s’y trouve.

La conjointe de M. Filiatrault et lui sont découragés. Comme son propre système de repérage n’a pas été désactivé, Jean-Marc Filiatrault se rabat là-dessus. Il débourse un peu plus de 200 $ pour avoir accès au service à la clientèle disponible en tout temps, seulement aux États-Unis.

Bingo ! Le véhicule se trouve… dans un parc industriel de l’arrondissement de Saint-Laurent.

Récupérer sa voiture… à grands frais

Un agent du Service de police de Laval (SPL) se rend à l’endroit indiqué par le GPS, mais la voiture n’est pas récupérée tout de suite. Elle est plutôt laissée à la fourrière, par une entreprise de remorquage, où elle demeure quelques jours. Ce séjour impromptu occasionne des frais de 2100 $. « Ça tournait en rond, ils n’avaient jamais le temps de ramener l’auto. C’est là que je me suis dit : tout le monde fait de l’argent avec les vols de voitures ! »

J’aurais mieux fait de rester assis chez moi, d’attendre le chèque de l’assureur pour m’acheter un char neuf.

Jean-Marc Filiatrault

La voiture était légèrement endommagée à la suite du transport dans le conteneur. Le couple a dépensé 6000 $ en réparations et rehaussement des dispositifs de sécurité.

Il a fallu se battre avec l’assureur pour ne pas voir la prime augmenter de 200 $, s’indigne M. Filiatrault. « Ce sont les consommateurs qui écopent et les autres qui s’enrichissent ! »

Le Lavallois s’étonne de l’inaction des différents ordres de gouvernement. Le sommet national pour lutter contre le vol de véhicules arrive en retard, selon M. Filiatrault. « Il n’y a rien de nouveau. »

Les criminels, selon lui, connaissent la loi et savent que les peines sont minimes. « On se bat contre trop de choses. »