Imaginez si la Ligue nationale de hockey forçait le Groupe CH à vendre ses parts dans le Festival de jazz, sans quoi Juraj Slafkovsky, Sean Monahan, Evgenii Dadonov et Kirby Dach n’auraient pas le droit de jouer avec le Canadien.

Impensable ?

Absolument.

Pourtant, une situation semblable vient tout juste de se produire dans le soccer espagnol. Pas dans la quatrième division des Asturies. Dans la principale ligue du pays. La Liga a contraint le FC Barcelone à vendre des actifs (un studio de production télé et des droits de télédiffusion) pour pouvoir aligner cinq joueurs acquis cet été.

Pourquoi ?

Parce que la Liga, soucieuse d’améliorer la parité entre ses équipes, a créé un monstre administratif. Une patente amphigourique. Un truc qui fait passer la Maison des fous, dans Les douze travaux d’Astérix, pour une retraite de yoga. Elle a instauré un plafond salarial différent pour chaque club. Le montant autorisé varie selon les revenus et les dépenses de chaque équipe.

Évidemment, le bordel a pogné.

Qu’est-ce qu’un revenu ? Qu’est-ce qu’une dépense ? Le FC Barcelone, la Liga, les amateurs, les journalistes, les analystes financiers, tout le monde a offert sa propre lecture du règlement. Un règlement qui, dois-je préciser, s’étire sur 109 pages.

Je l’ai consulté — sur trois jours. C’est une lecture aride. Autant que celle de Trente arpents, pour un élève de deuxième secondaire. Je vous épargne les points-virgules, les alinéas et les addenda. Tout ce que vous devez savoir, c’est qu’après des jours de crise, de conflit et d’avocasseries, les deux parties ont conclu un accord, ô magie, la veille du match d’ouverture. Pas sûr que tout le monde ait compris ce qui s’est passé, mais le FC Barcelone a pu utiliser quatre de ses cinq recrues.

* * *

La parité, c’est super.

Vraiment.

Ça donne une chance aux équipes des petits marchés de pouvoir rivaliser avec celles des métropoles. Ainsi, si la LNH s’était dotée d’un plafond salarial dans les années 1990, les Nordiques seraient peut-être encore à Québec. Même chose au baseball ; les Expos auraient pu conserver leurs vedettes, et rester à Montréal.

Je suis donc pour la parité. Par contre, la complexité des mécanismes déployés par chaque ligue me décourage. Toutes ces règles, ces sous-règles et ces sous-sous-règles, c’est devenu risible. Le partisan lambda est perdu. Largué. Écœuré de ne pas comprendre la marge de manœuvre de son équipe préférée.

Prenez la Ligue nationale de hockey. Pourriez-vous expliquer à un enfant de 12 ans le fonctionnement exact de la liste des blessés à long terme ? Ou comment le Lightning de Tampa Bay a pu légalement gagner la Coupe Stanley, avec une masse salariale supérieure au plafond de 81,5 millions ?

Dans l’ECHL, les Lions de Trois-Rivières ont employé plus de 80 joueurs l’hiver dernier. Une des raisons : la COVID-19. Des éclosions ont forcé le club à trouver un grand nombre de remplaçants dans des ligues seniors de la province. Comment ont réagi leurs adversaires ? En réclamant ces joueurs au ballottage – un mécanisme de parité. Avec quelle intention ? Les faire jouer ? Pas du tout. Ils savaient très bien que ces Québécois ne quitteraient pas leur emploi pour déménager aux États-Unis. Leur seul but, c’était d’empêcher les Lions de les rappeler.

« Si on commence à se nuire et à se mettre des bâtons dans les roues entre nous autres, c’est un peu ridicule », avait déploré le DG des Lions, Marc-André Bergeron.

Dans la ligue du CF Montréal, la MLS, les équipes peuvent s’échanger de l’argent imaginaire. Il y a aussi un plafond salarial. Parfois, tout le salaire d’un joueur est comptabilisé. D’autres fois, non. Encore plus étonnant : les clubs peuvent inscrire les noms des meilleurs joueurs au monde — Lionel Messi, Cristiano Ronaldo — sur une « liste de découverte », puis revendre à un adversaire les droits sur ces vedettes avec lesquelles elles n’ont aucun contrat.

Ainsi, l’Impact a versé de l’argent imaginaire au Fire de Chicago pour acquérir les droits sur Didier Drogba. C’est à en perdre non seulement son latin, mais son roumain, son mandarin et son créole…

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Didier Drogba et Marco Donadel, avec l’Impact

Le comble du comble ?

Dans la ligue féminine de basketball des États-Unis, la WNBA, le Liberty de New York a dû payer une amende de 500 000 $ pour avoir voyagé en vol nolisé. Le raisonnement : ça lui conférait un avantage sur les autres clubs, dont les propriétaires investissent moins. Pour citer le Sports Illustrated : « C’est un scandale unique, dans lequel une organisation de premier plan est accusée d’avoir trop bien traité ses joueuses. »

La parité, je veux bien. Mais faites plus simple. Moins compliqué. Épurez le livre des règlements. Simplifiez les mécanismes. Créez des applications officielles, avec lesquelles les amateurs pourront suivre en direct la marge de manœuvre de chaque équipe.

Cessez d’écœurer les partisans.

Tout le monde y gagnera.

Donner au suivant

Il y a quelques semaines, le basketteur Luguentz Dort a signé un contrat de 87,5 millions pour cinq ans, ce qui fait de lui l’athlète québécois le mieux payé par saison. Mais tout cet argent ne lui a pas fait oublier ses racines modestes, à Montréal.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Luguentz Dort (avant-plan) à son camp d’entraînement destiné aux jeunes Montréalais

Samedi, Dort a invité une centaine de jeunes d’ici pour un camp d’entraînement d’un jour, au Complexe William-Hingston, dans le quartier Parc-Extension. Les enfants couraient, driblaient, lançaient, sans toujours écouter les consignes des animateurs. Et c’était parfait comme ça.

Le ton était plus à la fête qu’à un entraînement spartiate. Dort, lui, se promenait de terrain en terrain. Ici pour montrer une technique défensive, là pour jouer à 5 contre 5, bloquer des tirs ou dunker. Il a pris des photos avec tous les jeunes et répondu généreusement à leurs questions.

Si j’en parle, c’est parce que ce ne sont pas tous les sportifs de son statut qui reviennent sur les terrains de leur enfance, et qui s’impliquent ainsi pour les jeunes des quartiers défavorisés.

« Montréal, c’est la ville qui m’a fait, qui m’a bâti », m’a-t-il confié.

« C’est ici que j’ai commencé. Beaucoup de jeunes ici me font penser à moi, quand j’étais adolescent. Ils ont énormément de volonté. J’adore voir cela. Et j’adore qu’eux puissent voir qu’un joueur de Montréal, qui parle français, joue dans la NBA. Ça me fait chaud au cœur. »

Luguentz Dort possède un rare talent. Mais encore mieux, il a gardé son cœur d’enfant.