Avant de m’attarder sur la dernière victoire – extraordinaire ! – de Leylah Fernandez, je vous ai préparé trois bouchées. De petites infos croustillantes et invraisemblables, qui pourraient faire exploser votre cerveau.

• Avant d’arriver à New York, il y a deux semaines, Leylah Fernandez n’avait affronté que trois joueuses parmi les 10 meilleures au monde. Pas cette année. Dans toute sa carrière. Depuis, elle en a affronté trois autres. Toutes classées dans le top 5. Et les a toutes battues.

• Elle vient de remporter 6 victoires en 11 jours. Soit autant qu’au cours des 145 derniers jours pour des matchs disputés dans un tableau principal.

• Fernandez a commencé le tournoi au 73e rang mondial. Elle est maintenant assurée de disputer la finale. Combien de joueuses, dans l’histoire moderne des Internationaux des États-Unis, ont atteint la finale avec un classement mondial si bas avant cette année ? Allez, répondez.

Cinq ? Moins que ça.

Quatre ? Plus bas.

Trois ? Non.

Deux ? Presque.

Une ? Presque aussi.

Ben là. Une ou deux ? Ça dépend comment vous comptez. En 2017, Sloane Stephens a remporté le tournoi, alors qu’elle était 83e au monde. L’autre ? Kim Clijsters, en 2009. Mais c’est un cas spécial. La joueuse belge avait perdu sa cote pendant son congé de maternité. Avant sa pause, elle était classée au quatrième rang mondial. Son titre, après une absence de deux ans, reste un des plus grands exploits de l’histoire du tennis.

Ça fait de la belle compagnie pour la grande vedette du jour, Leylah Fernandez, étincelante jeudi soir au stade Arthur-Ashe. La Québécoise affrontait une immense pointure. Aryna Sabalenka, deuxième favorite, et joueuse ayant gagné le plus de parties sur le circuit de la WTA cette année.

La rencontre fut tout aussi stressante que spectaculaire. Car elle a opposé deux athlètes combatives aux styles fort différents. Sabalenka, 182 cm, se démarque par sa puissance. Fernandez, 168 cm, par la précision et la variété de ses attaques. Les deux ont fait l’étalage de leurs forces.

En début de match, les premières balles de service de Sabalenka s’écrasaient dans la raquette de Fernandez comme des torpilles. Des bombes : 175 km/h en moyenne, avec une frappe à 193 km/h. Fernandez n’a même pas réussi un seul service de plus de 170 km/h. Pensez-y : aucun lanceur des ligues majeures de baseball ne lance la balle aussi vite.

PHOTO TIMOTHY A. CLARY, AGENCE FRANCE-PRESSE

Aryna Sabalenka

Or, plus le match progressait, plus la fatigue faisait son effet. Le premier service de Sabalenka se révélait de moins en moins efficace. Son taux de réussite est passé de 78 % (!) à 69 %, puis à 62 % au fil des trois manches.

Face à elle, Leylah Fernandez a d’abord encaissé les coups. Disons-le franchement : c’était mal parti. À 1-4, dans la première manche, Fernandez se faisait pulvériser par les boulets de canon de Sabalenka. Mais plutôt que de concéder la manche, elle s’est accrochée. Elle s’est mise à varier ses attaques. À faire courir Sabalenka. À gauche. À droite. En fond de terrain. Au filet. Elle est ainsi parvenue à neutraliser la puissance de son adversaire en fond de terrain, et à la forcer à commettre des erreurs.

Beaucoup d’erreurs.

Au total ? 52. Contre 23. Ça aura permis à Leylah Fernandez de réussir sa remontée, et de gagner la partie en trois manches de 7-6 (3), 4-6 et 6-4, contre une adversaire redoutable qui avait tous les atouts pour remporter ce tournoi.

Voilà donc Leylah Fernandez en finale des Internationaux des États-Unis, à seulement 19 ans. Une victoire, et elle deviendra la première Québécoise de l’histoire à remporter un tournoi du Grand Chelem en simple. Une défaite, et elle fera quand même un bond d’une quarantaine de rangs au classement mondial.

Peu importe le résultat, Leylah Fernandez aura gagné cette semaine le cœur de centaines de milliers de nouveaux partisans. Elle a appris qu’elle pouvait battre n’importe quelle favorite. Et elle a prouvé à tous – y compris à elle-même – qu’elle aussi fait désormais partie de l’élite mondiale.