(Tokyo) Les récits des collègues nous annonçaient six ou même neuf heures d’attente à l’aéroport.

Je suis cependant au regret de vous annoncer que notre arrivée s’est déroulée merveilleusement bien, avec, partout, cette exquise courtoisie dont le Japon s’enorgueillit. Je vous en passe un papier.

Je vous en passe plutôt 17, car c’est avec un véritable dossier que le passager doit se présenter à l’arrivée à l’aéroport international Haneda.

Il y a d’abord les deux certificats – papier – prouvant les résultats négatifs de tests COVID-19 dans les 72 heures précédant le départ. Ils sont accompagnés d’un engagement écrit de cinq pages en japonais à respecter scrupuleusement les règles de la quarantaine et toutes les règles sanitaires.

« Même après les 14 jours, visiter un établissement qui ne respecte pas les règles pourrait représenter un risque grave à votre réputation, à celle de votre organisation et à celle des Jeux de Tokyo 2020 », peut-on y lire notamment, d’après la traduction.

Voilà exprimé en quelques mots un des fondements de la culture japonaise. On ne vous menace pas d’arrestation, de poursuite devant les tribunaux ou d’emprisonnement comme on ferait aux États-Unis. Pire : c’est la réputation de votre organisation qui est en jeu !

« On n’a pas besoin de policiers, chaque Japonais a son policier intérieur », m’a dit mardi un Québécois installé au Japon depuis 20 ans.

On a ensuite les papiers de la douane et de l’immigration et diverses déclarations d’usage. On doit aussi avoir téléchargé dans son téléphone une application dans laquelle tous nos tests et nos mesures quotidiennes de température doivent être inscrits, en plus de la géolocalisation. Mais on vous remettra un papier jaune prouvant que vous avez bien l’application.

J’ai compté au moins 10 étapes de contrôle où l’on doit montrer l’un ou l’autre des papiers.

On pourrait donc s’attendre à des délais extraordinaires. Eh non. Autre grande spécialité japonaise : le surplus de personnel. Il y a la dame qui est là uniquement pour vous dire bienvenue à Tokyo. Il y a le jeune homme avec des gants qui pointe l’escalier mécanique comme si vous étiez au milieu de la forêt. Il n’y a pourtant aucune autre issue. Il y a ceux qui surveillent les autres, qui eux-mêmes sont parfaitement à leur affaire.

Et bien entendu, sourire, grands mercis, bienvenue, merci beaucoup, merci beaucoup, arigato gozaimasu. On est vaguement étourdi, on pense que c’est le manque de sommeil, c’est plutôt l’excès de politesse. On n’a pas l’habitude.

Pensez que tous les passagers d’un même avion transatlantique doivent aller cracher dans une éprouvette à l’aide d’un entonnoir miniature, en prenant soin de l’emplir à 2 ml. Si l’on n’a pas été joueur de baseball, il faut s’y reprendre quelques fois. Des photos de citron sont affichées dans l’isoloir, ce qui est censé stimuler la salivation. Bizarrement, ça m’a rappelé un reportage sur les banques de sperme.

Une fois tous les échantillons remis, il a fallu quoi ? Une demi-heure ? Trois quarts d’heure ? On avait tous nos résultats. Il a suffi de continuer à marcher et à donner des papiers à toutes sortes de gens, dont certains avaient une casquette, tous d’une affabilité inaltérable.

Et hop, on était sortis.

Ce n’est pourtant pas une mince opération. Des avions comme le nôtre arrivent de tous les bouts du monde dans tous les bouts de l’aéroport, avec les mêmes contraintes.

Ils ne veulent peut-être plus des Jeux, mais s’ils doivent avoir lieu, ils seront bien organisés.