Non, ça ne va pas très bien. Cette rencontre, le CH ne pouvait l’échapper. L’équipe l’a curieusement amorcée sur un rythme lent. Comme si elle avait été pétrifiée par l’ampleur du moment.

Pour un club alignant autant de vétérans, cette réaction a été décevante. Et malgré quelques beaux efforts plus tard dans le match, ce mauvais début a plombé l’ambiance et fourni une dose d’énergie incroyable au Lightning de Tampa Bay. Rien comme deux buts rapides pour lancer un message à ses rivaux. Surtout quand on réussit le coup à chacune des deux premières périodes. Chaque fois, le CH a eu besoin de longues minutes pour s’en remettre et retrouver du dynamisme dans son jeu.

Le CH aurait dû offrir une meilleure performance. Mais peut-on vraiment lui reprocher ce revers ? Ses rivaux forment le meilleur club de la LNH. Les équipes Cendrillon causent souvent des surprises en séries éliminatoires. Mais se rendre jusqu’au bout, c’est habituellement une trop grosse bouchée. Un élément est clair depuis le début de cette finale : le Lightning est nettement supérieur aux trois adversaires précédents du CH depuis le début des éliminatoires.

La série est-elle terminée pour autant ? Bien sûr que non. En sport, on peut croire à la victoire tant qu’on reste en vie. Mais avouons qu’envisager la conquête imminente d’une 25e Coupe Stanley relève maintenant de l’acte de foi plutôt que d’une analyse fouillée.

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OK, je sais, le choc est dur à encaisser pour les millions de partisans du Canadien partout au Québec. Mais ce qui est vrai pour les joueurs l’est aussi pour les fans : baisser la tête, blâmer les uns et les autres ou pester contre la tournure des évènements ne sert à rien, absolument à rien. C’est plutôt le moment de lancer avec conviction « Haut les cœurs ! », cette magnifique expression française qui en appelle au courage et à la force morale dans les situations difficiles.

Oui, « Haut les cœurs », parce que le CH fait maintenant face à un énorme défi : battre quatre fois d’affilée cette retentissante machine de hockey qu’est le Lightning, avec son exceptionnel gardien, sa défense étanche et ses multiples canons à l’attaque. Sans compter cette capacité à composer avec la pression, propre aux champions en titre, peu importe le sport.

On se moque souvent des nombreux clichés dans le vocabulaire sportif. Mais ils recèlent beaucoup de vérité.

Alors oui, il est maintenant temps de se rabattre sur ces formules éculées : les joueurs du CH devront disputer le prochain match sans penser trop loin, se concentrer au maximum à chacune de leurs présences sur la glace, diminuer le nombre d’erreurs et respecter le processus.

Ils doivent aussi espérer que Monsieur Vasilevskiy (avec un grand M à Monsieur, il le mérite bien) connaisse un ou deux moments d’égarement (comme ce fut le cas sur le but de Nick Suzuki en deuxième période).

Paradoxalement, Vasilevskiy est en train de servir au CH la médecine que Carey Price a lui-même offerte à ses adversaires depuis le début des séries, cet effet « Bing Bang » qui est la marque des gardiens d’exception. Il rend ses coéquipiers meilleurs (Bing) et jette le doute dans la tête de ses rivaux (Bang).

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Même si ce sera difficile, le CH doit oublier qu’il est mené trois matchs à zéro. Et se boucher les oreilles quand on répétera au cours du week-end combien il est rare qu’une équipe comble un retard pareil. Dominique Ducharme et son groupe doivent songer au prochain match, rien de plus. Pour revenir dans cette série, il faut d’abord remporter une victoire.

Il existe un certain nombre de raisons d’espérer ce premier gain lundi. D’abord, ce repos de deux jours avant le quatrième match tombe à pic. Le CH aura le temps de panser ses plaies au moral, et ses plus vieux joueurs, qu’on sent étourdis par les rapides contre-attaques du Lightning, auront droit à un repos additionnel.

Ensuite, Carey Price peut certainement voler un match, ce qu’il n’a pas encore fait dans cette finale. Or, le numéro 31 demeure, et de loin, le principal point d’ancrage du CH. S’il n’est pas au sommet de son art, les chances de victoire de l’équipe fondent comme neige au soleil. On peut aussi penser que le duo Nick Suzuki–Cole Caufield peut causer du dommage en attaque et espérer qu’Erik Gustafsson joue moins souvent.

Bizarrement, le CH profite aussi d’un autre atout : ce retard de trois matchs réduit considérablement les attentes envers lui. Qui dit moins d’attentes dit aussi moins de pression. L’équipe n’a plus rien à perdre et peut maintenant jouer, comme le dit cet autre cliché (!), avec « l’énergie du désespoir ». Et n’oublions pas que le CH compte une belle qualité : il n’abandonne pas. Même quand le Lightning a marqué son cinquième but, il a continué à se battre et a été récompensé avec le but de Corey Perry.

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Quelques minutes avant la rencontre de vendredi, sur Twitter, Valérie Plante a offert son message d’encouragement au CH en notant combien « l’ambiance est survoltée partout à Montréal ».

La mairesse a raison. Jamais vu la ville dans un tel état d’effervescence depuis le fabuleux printemps 1993. C’est beau de voir les Montréalais et les Québécois regroupés derrière leur équipe. Et pour les générations qui espèrent assister à leur tour à un défilé de la Coupe Stanley, l’expérience actuelle est merveilleuse.

Alors souhaitons que ça continue un peu et que le Canadien force la présentation d’un cinquième match à Tampa. Ce qui est, on le sait tous, la seule façon d’espérer un sixième match à Montréal. Peu probable, vous dites ? Évidemment. Mais pas impossible.

Alors, oui, je le répète : haut les cœurs !