Un peu d’histoire
Lorsque le chef Claude Pelletier et l’as de l’accueil Hubert Marsolais ont ouvert le Club Chasse et Pêche en 2005, le succès fut quasi immédiat. L’élégante grotte aux enveloppants fauteuils de cuir et nappes blanches, décorée d’œuvres de l’artiste Nicolas Baier, s’est hissée au sommet des palmarès des meilleures tables montréalaises, pour ne pas dire canadiennes.
Un bon nombre de chefs aujourd’hui réputés, de sommeliers et sommelières, de serveurs et serveuses sont passés par l’école Chasse et pêche au fil du temps, que ce soit Minh Phat (Mui mui et Anémone), Aaron Langille (Le Diplomate), Theo Diamantis (agence de représentation en vin Œnopole), Laura Vidal (sommelière au Small Group, à Marseille) ou Caroline Loiseleux (sommelière à Marseille).
Puis le Club a fait des petits : Le Filet, avenue du Mont-Royal Ouest, ouvert en 2011, et Le Serpent, dans la fonderie Darling, qui a maintenant 10 ans. La petite chaîne de pâtes artisanales Il Miglio voyait le jour en 2017. Des échos favorables continuent de nous provenir du Filet et du Serpent, mais le Club demeurait un peu mystérieux.
Hubert Marsolais nous assure que le navire amiral du groupe est en pleine forme. L’équipe en place est exemplaire, avec Helen Karagiannakis comme maître d’hôtel depuis belle lurette, Joris Gutierrez Garcia, « meilleur nez du Québec », nouvellement à la sommellerie et Olivier Larocque en cuisine. Ce dernier a succédé à Mélanie Blouin, solide cheffe de cuisine de 2008 à 2019, partenaire dans Il Miglio et aujourd’hui consultante pour des projets divers. Olivier avait travaillé au Chasse et Pêche en 2009, puis participé aux premières années du Serpent. « Les gens restent longtemps dans la famille », fait-il remarquer. C’est aussi le cas de la pâtissière Massami Waki, qui accompagne Claude Pelletier et Hubert Marsolais depuis les jours du Cube, jadis dans l’hôtel St Paul.
L’expérience
Je n’avais pas mis les pieds dans la caverneuse salle à manger de la rue Saint-Claude depuis des lustres et mes attentes étaient élevées. L’endroit, unique à Montréal, ne semble pas avoir bougé d’un poil et c’est tant mieux. Il est entretenu, avec l’occasionnelle nouvelle œuvre sur les murs, des toilettes modernisées et des fauteuils fraîchement recouverts, mais sans zèle.
On nous assigne une jolie table au fond, avec vue sur l’ensemble de la salle principale. La plus petite pièce, près du bar, est vide ce soir. « C’est une soirée plus tranquille que prévu », répète notre serveuse, comme si elle s’excusait. J’apprendrai plus tard que c’était en fait un des services le plus calmes de la dernière année, que le chef formait deux nouveaux en cuisine et que Joris, maître de la carte des vins, avait décidé de passer la soirée aux travaux administratifs plutôt qu’en salle, vu le petit nombre de clients. Même son adjointe était en congé ce soir-là.
Ce n’est vraiment pas de chance pour moi, qui tire un grand plaisir à échanger sur les vins dans des restaurants avec une cave du calibre de celle du « Chasse », comme l’appellent affectueusement ses habitués.
On peut dépenser entre 60 $ et plus de 1000 $ sur une bouteille ici. Il y en a pour tous les portefeuilles et tous les palais, que vous préfériez les domaines qui interviennent minimalement à la vigne et au chai ou les grands crus bordelais plus classiques. En avoir les moyens, je me gâterais avec un vieux millésime, peut-être, puisque certaines bouteilles s’affinent en cave depuis 18 ans.
J’ai trouvé moi-même mon plaisir sur la carte, la cuvée Les Varrons 2020 de Julien Labet, vigneron culte du Jura. Mea culpa, j’aurais pu donner le bénéfice du doute à notre excellente serveuse, Amy, pour nous conseiller. Sensible, elle a flairé une certaine insatisfaction et a même osé soulever le délicat sujet au moment du digestif.
Le menu du Club Chasse et Pêche est court. On y trouve des huîtres, cinq entrées et cinq plats. Quelques-uns de ces plats sont immuables, comme le risotto au cochonnet braisé avec lamelles de foie gras, et les pétoncles avec citron confit. Il est possible de demander la formule dégustation, une option récente, à 150 $, qui peut être bonifiée d’un accord vin.
Le « chasse et pêche » change régulièrement. Ce soir-là, il est composé de filet mignon de l’Île-du-Prince-Édouard à la croûte parfaite et de crevettes d’Argentine. J’en goûte une autre version au moment de la prise de photos, la semaine suivante : onglet de bœuf wagyu américain et homard du Maine. Les deux assiettes de bœuf/crustacé étaient excellentes.
Le plat de canard, lui, est particulièrement généreux en viande, avec des contrastes de goûts intéressants, notamment le céleri-rave et les graines de carvi qui aromatisent la garniture de pain de mie.
Les entrées qui avaient précédé, soit le risotto et le ris de veau, alliaient profondeur et jeu de textures sensuel. Le mariage des goûts était impeccable, mais quelqu’un en cuisine avait échappé la salière. Lorsque je regoûte le ris pendant la prise des photos, l’assaisonnement est parfait.
La cuisine a aussi préparé l’entrée de (poisson) hamachi cru, bien relevé par le goût si distinctif du yuzu et par le croquant des amandes torréfiées.
Massami Waki est toujours à la pâtisserie pour le groupe au complet. Son atelier est maintenant à l’extérieur du Club Chasse et Pêche. Je ne goûte qu’au dessert au chocolat, qui n’est peut-être pas le plus représentatif de la magie que peut faire l’alchimiste du sucre avec des ingrédients moins attendus.
Conclusion : mes attentes n’ont pas été satisfaites le soir de mon passage « incognito ». Mais après des échanges avec quelques clients exigeants y ayant passé d’excellentes soirées tout récemment et la dégustation sans fausse note pendant la prise des photos, je n’hésiterais absolument pas à y retourner.
Consultez le site du Club Chasse et PêcheCe texte a été modifié pour inclure la contribution de Mélanie Blouin, cheffe de cuisine du Club chasse et pêche de 2008 à 2019. Aussi, contrairement à ce qui était écrit, le chef Marc-André Royal n’a jamais travaillé dans ce restaurant.