Le lundi après-midi du 1er mai 2023 restera ancré dans les souvenirs de nombreuses Charlevoisiennes et Charlevoisiens. Les bassins versants des affluents de la rivière du Gouffre auraient déversé des quantités phénoménales d’eau pour gonfler son débit à un point tel qu’il a atteint 429 m⁠3/s.

Toutes et tous ont vu des scènes catastrophiques : les roulottes s’écrabouiller sous le pont de la rivière des Mares, le muret qui fend près de la rue Ménard causant des inondations sans précédent dans le secteur. Sans précédent ? Catastrophiques ? Phénoménales ? Ce n’est pourtant pas ce que nous dit la science.

Données tirées du Centre d’expertise hydrique du Québec qui a monitoré la rivière du Gouffre :

– Avril 1968 : 544 m⁠3/s

– Avril 1973 : 513 m⁠3/s

– Juillet 1976 : 578 m⁠3/s

– Mai 2023 : 429 m⁠3/s

On savait tellement que le risque était existant qu’un muret a été érigé au centre-ville, que les maisons du secteur ont pour la plupart un rez-de-chaussé à 1,3 m du sol et que (au grand dam des sinistrés) les assureurs ne couvrent pas les inondations puisque c’est une zone inondable connue. Même la petite pente en direction est sur les rues Leclerc, des Cèdres et St-Joseph nous indique la terrasse alluviale de crue « centenaire » de la rivière.

Nos institutions politiques doivent, à tous les niveaux, revoir leur réglementation. L’espace de liberté des cours d’eau doit être considéré dans les cadres légaux. Les constructions à proximité des cours d’eau doivent être conséquentes ou interdites.

Les deux morts sont la conséquence d’une inaction politique en ce sens. La résidence où s’est produit le drame est en zone inondable, à littéralement moins de 100 m de la rive interne d’un méandre de la rivière du Gouffre, première zone inondée par un cours d’eau, tout comme le secteur Ménard–Leclerc–St-Joseph, tout comme le secteur de la fosse à Eustache où une coupure de méandre est en cours.

Je ne jette le blâme sur personne. Aucun acteur du milieu n’a permis ces constructions dans un dessein machiavélique, la plupart des sinistrés n’étaient même pas au courant du risque. Mais il est maintenant temps de changer nos comportements et de prendre des décisions adéquates, appuyées sur la science. Parlez-en à n’importe quel géomorphologue, rien de ce qui est arrivé le 1er mai dernier n’est de l’ordre du « phénoménal », au contraire. Nous avons juste tendance ou l’envie d’oublier rapidement.

Les changements climatiques augmenteront la fréquence et l’intensité des épisodes de précipitations. Nous continuerons d’avoir un fort couvert neigeux dans les sommets, et les bassins versants de la rivière du Gouffre continueront de répondre rapidement à ces pluies, surtout au printemps alors que les sols sont déjà gorgés.

En espérant que Christopher et Régis ne nous aient pas quittés pour rien.

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