La semaine dernière, nous avons appris que le Ministère du Transport du Québec (MTQ) étudie les futurs moyens de financer la mobilité.

Disons-le, il est plus que temps.

D’un côté, le gouvernement du Québec veut diminuer ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 37,5 % en 2030 par rapport à 1990 et sa consommation de produits pétroliers de 40 % en 2030 par rapport à 2013. Sans virage important, on va complètement rater ces deux objectifs.

De l’autre côté, les taxes sur le carburant financent l’entretien des routes… et le transport collectif. Ainsi, plus les gens passent au transport collectif, aux véhicules électriques et au transport actif, moins le gouvernement reçoit de revenus provenant des taxes sur l’essence, ce qui diminue d’autant le financement des routes et du transport collectif. C’est le chien qui se mord la queue.

Il est donc évident que tout cela ne pourra plus durer bien longtemps.

En 2022, il n’est en effet plus viable de ne pas pénaliser l’achat de gros véhicules énergivores. C’est le simple principe de pollueur-payeur. Et une simple augmentation des taxes sur le carburant ne fonctionne pas car les gens plus fortunés s’en moquent pendant que les gens moins aisés en souffrent de manière disproportionnée. Quant au malus actuel à l’immatriculation des véhicules d’une cylindrée de 4 litres et plus, la pénalité est si modeste qu’elle n’a aucun effet dissuasif.

Les camions légers : populaires… et problématiques

Au Québec, entre 1990 et 2020 :

  • Leurs ventes ont augmenté de 228 % ;
  • Leur pourcentage de vente est passé de 24 % à 71 % ;
  • Leur consommation d’énergie a augmenté de 197 % ;
  • Les dépenses liées à leurs ventes ont augmenté de 596 % !

Entre 1990 et 2019, les émissions de GES des camions légers ont augmenté de 157,6 %. Ils émettent maintenant plus de GES que les voitures avec 32,3 % du total des émissions du secteur des transports routiers.

En 2021, Santé Canada estimait le coût des émissions polluantes à 120 milliards et à 15 300 décès, dont 4000 au Québec. Or, plus de 60 % des émissions polluantes au Québec proviennent des transports.

Le bonus-malus : incontournable

Un système de bonus-malus efficace qui taxera l’achat des véhicules les plus polluants aidera à accélérer la transition vers les véhicules électriques. Cela dit, en Norvège, le système de taxation agressif des véhicules polluants n’a pas rapporté une fortune au gouvernement. Il a plutôt découragé l’achat de véhicules polluants et accéléré les ventes de véhicules électriques. À titre d’exemple, les ventes de véhicules électriques au Québec étaient de 10,5 % au second trimestre de 2022 alors qu’elles atteignaient 89 % en Norvège en septembre 2022.

Je suis par ailleurs d’accord avec le principe que les familles nombreuses et les travailleurs ayant besoin d’un plus gros véhicule puissent être exemptés de cette taxe jusqu’à ce que des versions électriques soient disponibles pour eux… ce qui s’en vient rapidement. Cela dit, on devra aussi déployer des mesures qui décourageront l’auto solo (fût-elle électrique) et encourageront le transport collectif électrique, l’auto partage électrique, le covoiturage électrique et le transport actif.

Quant à la norme Zéro Émission, je suis favorable à son resserrement afin que les Québécois n’aient plus à attendre de six mois à deux ans pour la majorité des modèles de véhicules électriques offerts sur le marché, car des gens qui ont besoin de véhicules électriques sont présentement pris au piège.

En fin de compte, le temps est venu pour les ministres des Transports et de l’Environnement de cesser de se dérober en ce qui a trait à la lutte contre les changements climatiques, la pollution atmosphérique, la diminution de notre dépendance au pétrole… tout en repensant le financement des routes et du transport collectif. L’ère de la pensée en silo est bel et bien révolue.

C’est pourquoi je salue l’initiative du MTQ et souhaite que cette réflexion débouche rapidement sur des actions concrètes et efficaces.

Consultez l'Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre en 2019 et leur évolution depuis 1990 Consultez le tableau de la moyenne de grammes de CO2 émis par kilomètre parcouru (en anglais) Consultez le rapport 2021 sur les impacts sur la santé de la pollution de l’air au Canada Consultez l'édition 2022 du rapport sur l'état de l'énergie au Québec Consultez les données au sujet de l'immatriculations des véhicules neufs Lisez l'article sur les ventes de voitures électriques branchables en Norvège (en anglais) Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion