Les articles d’André Duchesne sur les archives au Québec, au Canada et aux États-Unis⁠1 permettent de saisir quelques-unes des différences entre les législations sur les archives nationales dans ces trois États.

La saisie des documents à Mar-a-Lago a mis en lumière l’une des caractéristiques clés de la législation américaine, dont nous aurions intérêt à nous inspirer : l’obligation pour les présidents américains de remettre tous les documents gouvernementaux aux archives, et une partie de ces documents devient accessible après un certain temps. Les documents gouvernementaux sont donc « publics » et non privés, au sens où le président ne peut décider seul de leur dépôt aux archives ni du moment où ils seront accessibles au public.

À Ottawa, bien que les premiers ministres remettent leurs documents à Bibliothèque et Archives Canada après leur dernier mandat, ce « don » est privé, donc soumis au bon vouloir des donateurs quant à leur accessibilité. Ainsi, certains documents politiques des années 1980 et 1990 sont encore inaccessibles, sans être franchement d’un quelconque intérêt pour la sécurité nationale ou les négociations entre gouvernements.

On reste pantois devant le fait que des documents comme des transcriptions de conférences de presse et des communiqués de presse des années de Brian Mulroney, à l’époque publics, soient considérés comme si secrets qu’ils ne puissent aujourd’hui être accessibles aux chercheurs.

Autrement dit, au Canada, les documents des premiers ministres ne sont pas considérés comme « publics » au sens « d’appartenir à l’État ». Ainsi, les ex-premiers ministres peuvent bloquer la recherche historique comme bon leur semble, comme si les documents produits par les fonctionnaires leur appartenaient en propre. Même les documents rédigés par les fonctionnaires du Bureau du Conseil privé ne sont pas automatiquement transférés aux archives ni rendus publics des années plus tard.

C’est quand même un comble que, dans un régime parlementaire, le chef du gouvernement puisse se comporter de manière plus présidentielle que le président des États-Unis en refusant de rendre accessibles, des décennies plus tard, des documents qui permettraient de mieux comprendre le sens des décisions gouvernementales.

Bibliothèque et Archives Canada n’est pas un entrepôt où les ex-premiers ministres peuvent déposer leurs documents politiques et personnels sans collaborer avec les archivistes et sans accepter de rendre accessibles « leurs » boîtes de documents. Une révision en profondeur de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives Canada s’impose pour que les ex-premiers ministres cessent de se comporter de manière ultra-présidentielle.

1. Lisez le dossier d’André Duchesne : « La mémoire d’un peuple » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion