À entendre François Legault, les propositions de Québec solidaire (QS) sur la fortune des bien nantis accablent la classe moyenne. J’ai voulu creuser un peu la chose.

Regardons de plus près les propositions qui font le plus jaser. Québec solidaire propose de taxer davantage les fortunes individuelles. Retenez ce mot : individuelles. Cinq pourcent de nos concitoyens paieront plus d’impôt parce que leur fortune personnelle nette s’élève à plus de 1 million. Pour une personne ! Un couple qui détiendrait 1 million d’actifs nets — la maison et le chalet sont payés, la voiture aussi — ne paierait aucun impôt additionnel puisqu’il pourrait diviser ses avoirs en deux.

Retenez aussi ceci : la fortune nette médiane au Québec est de 237 000 $ pour un ménage. Pas un individu, un ménage. Ce qui veut souvent dire : deux personnes. On est vraiment loin du million individuel !

Pourrais-je rappeler que, pendant que certains politiciens et commentateurs s’excitent beaucoup à propos de cet impôt additionnel sur les fortunes (peut-être se sentent-ils concernés !), 10 % de nos concitoyennes et concitoyens vivent en ce moment dans une grande pauvreté. Ils n’ont pas les moyens de se loger et de se nourrir convenablement. Réalise-t-on que ce débat sur les grandes fortunes doit leur paraître plutôt surréaliste ?

Un dernier chiffre sur les fortunes : au Québec, le 20 % de la population la plus riche possède 500 fois la fortune, donc les avoirs nets, du 20 % les plus pauvres. Il ne serait pas là, le vrai scandale ?

Je suggère donc aux opposants à Québec solidaire de faire preuve de retenue dans leurs analyses. Personne ne veut mettre personne dans la misère. En fait, c’est bien le contraire que propose QS, à ce qu’il me semble : demander à nos concitoyens et concitoyennes qui en ont les moyens de contribuer davantage au progrès social.

« Ce n’est que justice », m’a dit une amie directement concernée par ce nouvel impôt. « Grâce aux mesures progressistes mises en place au Québec, j’ai pu monter dans l’échelle sociale. Je viens d’un milieu modeste et j’ai pu aller à l’université grâce aux droits de scolarité relativement bas, si on se compare au reste de l’Amérique. J’ai aujourd’hui un super emploi et de bons revenus. Je peux donner davantage à l’État pour que d’autres aient les mêmes chances que moi. »

Je sais que mon amie n’est pas la seule à raisonner ainsi. Rappelons-nous les réactions outrées de plusieurs personnalités bien nanties qui n’en revenaient pas de recevoir le fameux chèque de 500 $ de François Legault, le printemps dernier. Plusieurs ont indiqué publiquement qu’ils allaient en faire don à des organismes communautaires.

Il y a de la générosité au Québec. Pourquoi ne pas tabler là-dessus plutôt que de tomber à bras raccourcis sur le seul parti qui ose proposer de partager réellement la richesse ?

Une autre question a retenu l’attention : QS propose de surtaxer les véhicules très polluants à l’exception de ceux utilisés pour certaines fins reliées au travail ou par des familles nombreuses. Monsieur Legault nous dit que nous ne pourrons plus acheter une Toyota Camry. Horreur ! (En passant, quatre des six modèles de Camry ne seront pas surtaxés…)

Ma position : on va devoir se décider. Ou bien les changements climatiques ne représentent pas une menace sérieuse à notre qualité de vie, en ville ou en région. Ou bien il s’agit de la plus grande menace jamais appréhendée pour nous, nos enfants et nos petits-enfants. La science a parlé : les changements climatiques sont menaçants pour nos villes et nos campagnes, de même que pour les individus qui y vivent. Attention : sur ce sujet aussi, nous ne sommes pas tous et toutes égaux ! Les effets de ces changements sont toujours plus dommageables pour les personnes et les familles à revenu modeste et moyen.

La population exige des mesures collectives, des engagements gouvernementaux sérieux et rigoureux. Bien sûr. Mais comment se soustraire à notre responsabilité personnelle dans la lutte pour assurer des milieux vivables à nos descendants ? Les transports contribuent pour 43 % aux émissions de gaz à effet de serre au Québec. C’est sérieux ! Et donc, surtaxer les véhicules qui en produisent énormément, c’est une façon de nous mettre, comme on dit : « les yeux en face des trous ».

On est obligés désormais de se demander : « Ai-je vraiment besoin de ce véhicule très polluant — pour le travail ou les enfants — ou bien est-ce que je cède à un effet de mode… qui me coûte pas mal cher ? » Même sans surtaxe !

N’oublions pas que la surtaxe n’est pas appliquée aux voitures usagées et que QS propose de diminuer le montant nécessaire à l’achat d’une voiture électrique de 15 %. Intéressant, non ?

En somme, la classe moyenne n’est à peu près pas touchée par les propositions des solidaires. Contrairement à ce que prétend la Coalition avenir Québec (CAQ) dans une offensive que je qualifierais de douteuse : multiplier des pancartes et des tracts ORANGES, donc aux couleurs de Québec solidaire, pour mieux dénoncer les propositions de ce parti. S’il fallait que chaque parti emprunte ainsi la couleur d’un autre pour mieux le démoniser… bienvenue la cacophonie sur les poteaux déjà encombrés de nos quartiers !

Serait-ce que la CAQ s’affole parce que des propositions qui visent à mieux partager la richesse rencontrent bien plus d’adhésion que ce qu’elle avait prévu ? Se pourrait-il que beaucoup de Québécoises et de Québécois — et pas seulement les jeunes — reconnaissent que notre avenir collectif passe par une lutte résolue aux changements climatiques et une mobilisation de tous les jours pour diminuer significativement les inégalités sociales ?

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