En dépit des déficiences de son mode de scrutin actuel, le Québec est sur son erre d’aller en ce moment en matière de démocratie. Ceux et celles qui souhaitaient que s’ouvrent davantage de voies et que se fassent entendre davantage de voix sur le plan politique seront ravis à l’idée que la présente élection mette en cause cinq partis, aux positions bien campées à défaut d’être toujours bien étoffées. Et cela, c’est sans compter le nombre record sur les rangs de candidates et d’Autochtones.

Avec l’indépendance qui fait son grand retour dans la stratégie électorale du Parti québécois, la Coalition avenir Québec (CAQ) qui met de l’avant sa vocation nationaliste et le Parti libéral du Québec (PLQ) qui se positionne comme le seul parti véritablement fédéraliste, on pourrait croire que la question dite nationale revit ses beaux jours.

Je ne crois pas que ce soit vraiment le cas, car même si les enjeux nationaux font toujours partie de l’inconscient collectif de la population québécoise, ils n’ont ni la pertinence, ni l’intensité, ni la force mobilisatrice qu’ils avaient autrefois.

Dans le présent article, je me contenterai de souligner les positionnements fondamentaux des cinq partis politiques qui se font la lutte, quitte à entrer dans les détails et à regarder de près l’envers du décor ultérieurement.

Voyons d’abord le Parti conservateur du Québec. Celui-ci frappe l’imaginaire avec son slogan « Libres chez nous », qui n’est pas sans rappeler le « Maîtres chez nous » de Jean Lesage. Néanmoins, c’est bel et bien à la liberté individuelle plutôt qu’à l’autonomie constitutionnelle ou même au mieux-être collectif que ce slogan renvoie.

La liberté, en soi, c’est tout un projet social, que le Parti conservateur ferait mieux de détailler le plut tôt possible au risque que son leitmotiv ne reste qu’un thème creux. Quoi qu’il en soit, son slogan repose en fait sur l’espoir que certains nourrissent que le Québec, désormais libéré des lourdeurs administratives, des façons de faire dépassées d’une réglementation envahissante et d’une organisation étatique trop lourde, devienne encore plus créatif. À mon avis, ce besoin de réformer l’État québécois date un peu. Ce dernier n’est pas, de nos jours, à ce point appesanti par la paperasse et les règles de droit qu’il faille le remettre en question ainsi. Par ailleurs, l’organisation sociale du Québec est, me semble-t-il, bien loin d’être rendue obsolète.

Quant à Québec solidaire, son recentrage sur l’échiquier politique a été plutôt réussi. Son image s’est adoucie, tout en séduisant toujours la jeunesse, entre autres. Depuis des années, les porte-paroles et chefs parlementaires de Québec solidaire se sont acquis une grande crédibilité aux yeux du public. L’accent que ce parti met sur la réforme de la fiscalité, sur la mobilité écologique du citoyen et sur l’accès à la propriété constitue un fer de lance prometteur pour cette campagne électorale. On peut déjà être certains que les gens peu fortunés y trouveront leur compte, mais qu’en sera-t-il pour la classe moyenne ?

De son côté, la CAQ peut se vanter à bon droit d’avoir fait une gestion responsable de la pandémie et une gestion prudente de l’économie ces dernières années, mais sa gouverne a été plutôt conventionnelle, peu créative, peu innovatrice, hormis son audace spectaculaire sur les questions liées à l’identité.

Dans certains dossiers, le bilan de la CAQ n’est pas à la hauteur. Par exemple, au chapitre de l’environnement, la loi 66 concernant l’accélération de certains projets d’infrastructure s’avère un échec et comporte son lot de conséquences négatives en ce qui touche notamment la protection du territoire. En matière énergétique, la CAQ dit rechercher l’acceptabilité sociale de ses projets, mais celle-ci n’est pas toujours au rendez-vous et, de toute façon, elle ne saurait être le seul critère appliqué par le gouvernement pour décider du bien-fondé de ses initiatives. La même remarque vaut également pour les projets routiers et miniers.

Le PQ a raison de revenir à ses origines indépendantistes et de chercher à offrir une solution de rechange au fédéralisme canadien. Depuis des années, ce parti nous rappelle, non sans raison, que ce même fédéralisme ne saurait être une fin en soi et que l’affirmation du Québec, dans son identité profonde, est un objectif légitime, et ce, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Canada. Toutefois, le chef, Paul St-Pierre Plamondon, qui dit ces jours-ci s’inspirer de Gandhi, aura bien besoin de la foi du charbonnier pour remonter la pente qui se dresse devant lui sur le plan électoral.

Enfin, le PLQ, qui invite les Québécois et Québécoises à voter vrai (vrais enjeux et vraies solutions), revient avec un positionnement qui n’est pas sans rappeler celui de 2014 (ensemble, on s’occupe des vraies affaires). Pour se conformer à son slogan, le PLQ devra convaincre la population que l’identité, la langue et la laïcité ne sont que de faux débats, ce qui me semble être un pari risqué. Reste que le virage progressif et progressiste de ce parti, au chapitre de l’environnement notamment, peut donner quelques fruits, et que la cheffe Dominique Anglade gagne assurément à être mieux connue.

Alea jacta est (les dés sont jetés) ! Une fois de plus, les Québécois et Québécoises ont rendez-vous avec leur avenir, si ce n’est leur destin.

* Benoît Pelletier est avocat, docteur en droit et professeur à la faculté de droit de l’Université d’Ottawa

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