L’équipe éditoriale de La Presse est heureuse d’accueillir David Santarossa parmi ses collaborateurs réguliers. Enseignant au secondaire depuis plusieurs années, il publiera à l’automne un premier essai qui portera sur les débats identitaires contemporains.

Il y a maintenant quelques jours, Statistique Canada publiait des chiffres montrant un recul du français au Québec. On voit là s’installer une tendance qui s’observe depuis le début des années 2000, et si rien n’est fait, on n’imagine pas la tendance s’inverser – elle risque en fait de s’accélérer.

De tels chiffres ont inquiété un grand nombre de Québécois. Nous tenons au français, car il porte une culture et des œuvres tout en représentant notre identité collective. En transmettant cette langue à nos enfants et aux nouveaux arrivants, on cherche ainsi à perpétuer une manière de vivre, une tradition et une mémoire.

Durant la Révolution tranquille, et peut-être jusqu’au référendum de 1995, ce désir de transmission et d’institution d’une référence nationale française était porté par les politiciens, les médias et les institutions publiques. Cette volonté semble toutefois moins partagée aujourd’hui.

L’époque met plutôt au cœur de ses préoccupations la diversité et l’inclusion. Comment ? En valorisant des identités particulières qui ont été historiquement discriminées. On souligne par exemple le Mois de l’histoire des Noirs ou encore on cherche à avoir davantage de diversité raciale dans les entreprises.

La manière est parfois consensuelle (salon de l’immigration, festival de musique, etc.) et d’autres fois franchement critiquable (demande de censure, discrimination positive, etc.), mais l’intention d’intégrer les nouveaux arrivants demeure vertueuse. Il ne fait d’ailleurs aucun doute qu’une majorité de Québécois partage cette intention.

Ce qui les agace en revanche, c’est que la valorisation de ces identités se fait bien souvent au détriment de la référence commune. C’est notamment le cas en voyant que de plus en plus d’immigrants choisissent l’anglais et que les efforts pour assurer la pérennité du français sont toujours réprouvés par ceux-là mêmes qui disent sur tous les toits se préoccuper de diversité et d’inclusion.

Mais s’il n’y a aucune unité dans cette diversité, on peine à comprendre en quoi celle-ci serait une force. Un coagulant est nécessaire pour que tout ce beau monde se parle et s’entende.

Le français au Québec est ce coagulant. Le marqueur identitaire de la langue a d’ailleurs ceci d’intéressant pour notre époque : il est universel et tout le monde peut s’en réclamer, contrairement aux identités raciales qui, elles, sont exclusives et ont des frontières hermétiques.

Certes, le Québec des années 1960 n’est pas le même que celui de 2022. On observe aujourd’hui davantage de diversités culturelle, sexuelle et religieuse. Mais c’est justement parce que le Québec est de plus en plus éclaté dans ses marqueurs identitaires qu’il faut travailler à entretenir le commun. Le français fait donc figure de trait d’union entre les deux valeurs cardinales de l’époque, la diversité et l’inclusion.

Malgré cet avantage indéniable du français, son poids recule partout et cela ne semble pas chambouler les préconceptions de ceux qui se disent les défenseurs de la diversité.

Souvenons-nous que, lors de la publication des chiffres de Statistique Canada, Dominique Anglade refusait de se dire inquiète – à peu près au même moment son aile jeunesse disait voir dans l’imposition de cours de français au cégep anglophone une « embûche à la réussite ».

Du côté de Québec solidaire, on attend encore une quelconque réaction. Parfois, le silence est plus parlant que le plus éloquent des discours.

Le français n’est pas qu’un outil de communication, il permet de faire société notamment en étant le lieu de notre culture et de notre citoyenneté partagées. La baisse du français, la montée de l’anglais et la valorisation des identités particulières au détriment des identités collectives, tout ça aura et a déjà comme effet d’éroder le commun. Il n’y a aucune raison de s’en réjouir.

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