Au tout début du rapport préélectoral 2022 (RPE), on nous dit que le ministère des Finances est responsable des renseignements inclus dans ce document. En fait, il est aussi responsable des renseignements qu’il a choisi de ne pas inclure dans ce rapport et qui auraient pu être utiles pour mieux comprendre la situation budgétaire et financière du gouvernement.

L’information la plus importante qui n’est pas incluse dans le RPE est une description minimale de l’état des services dans les grandes missions du gouvernement, notamment ceux de la santé, de l’éducation et de l’aide à la personne et à la famille. Très peu de choses sont dites sur l’état de l’offre des services gouvernementaux, présentement et pour les cinq prochaines années, notamment dans les domaines de la santé mentale, des soins aux aînés, des services d’urgence, de l’accessibilité à un médecin de famille, des chirurgies où les retards persisteront, de la qualité et de la rapidité des suivis de la DPJ ainsi que de l’aide aux étudiants qui ont d’énormes retards d’apprentissage à rattraper.

Un des principaux messages du gouvernement est qu’il n’y a « aucun écart à résorber » dans toutes ses missions.

Par ces propos, il donne l’impression à la population que les budgets projetés de dépenses en services seront suffisants pour permettre aux Québécois de recevoir les services qu’il s’était lui-même engagé à fournir.

Une période de rationnement élevée

Le fait que le gouvernement puisse ajuster les coûts de reconduction de ses services pour faire en sorte que le niveau de ses enveloppes budgétaires pour ses dépenses de services soit cohérent avec le suivi de contraintes budgétaires qu’il s’est lui-même imposé ne signifie aucunement que l’offre de services sera proche de la demande pour ceux-ci.

En fait, dans le plan budgétaire inclus dans le RPE, on a d’un côté la possibilité de faire face à une augmentation, d’année en année, de l’écart entre la demande de la population et l’offre du gouvernement en raison de l’imposition de contraintes budgétaires dans un environnement où il y a de fortes hausses des coûts de production des services. D’un autre côté, il y a la possibilité d’avoir une production de services inférieure à la demande en raison du manque de travailleurs.

Présentement, il y a un écart important entre l’offre et la demande de services dans le présent exercice financier 2022-2023, principalement dans les missions de la santé et de l’éducation.

On est dans une période où le rationnement est élevé et risque de l’être encore plus. De dire que « le financement des dépenses correspond au coût des services annoncés » ne suffit pas.

De façon similaire, le ministre des Finances doit non seulement dire quelle est la taille de ses dépenses d’investissement en infrastructures collectives, mais aussi quelle sera l’évolution de la proportion des infrastructures qui sont en bon état. Est-ce que cette proportion (présentement aux environs de 70 %) augmentera, se maintiendra ou diminuera durant les cinq prochaines années ? Dire que les investissements inclus dans le Plan québécois des infrastructures (PQI) « seront élevés » ne suffit pas.

Les lunettes roses

Le gouvernement se devait de mieux décrire dans son RPE l’état des services que la population recevra durant les cinq prochaines années. Il fallait éviter de porter des lunettes roses comme on l’a fait dans le rapport préélectoral de 2018 où le gouvernement disait que les projections budgétaires pour les cinq prochaines années seraient supérieures aux coûts de reconduction et allaient permettre des investissements supplémentaires « dans de nouvelles technologies et l’intensification des soins de santé et services sociaux ».

Ces propos optimistes étaient tenus alors qu’il y avait déjà, bien avant l’arrivée de la pandémie, de nombreux problèmes de manque de ressources et de sous-investissements dans l’offre des soins de santé.

Dans son plan budgétaire publié le 10 mars 2020, tout juste avant le début de la pandémie, le gouvernement prévoyait également une hausse supplémentaire du budget annuel de la mission Santé et Services sociaux pour permettre une intensification des soins, notamment pour les personnes âgées. Et on sait maintenant que les projections budgétaires étaient grandement insuffisantes pour tout simplement offrir un niveau acceptable de services que le gouvernement s’était lui-même préalablement engagé à offrir, et cela sans ajouter de nouveaux services.

Et en février 2022, M. Legault acceptait finalement de conclure que le système de santé du Québec avait besoin d’une refonte.

Pendant des années, on s’est donc fermé les yeux et on a écrit des rapports qui disaient qu’il n’y avait pas d’écart à résorber ou, pire, qu’on avait inclus des sommes additionnelles pour bonifier l’offre de services. Le gouvernement se doit donc d’en dire plus sur l’état des services qu’il planifie d’offrir à la population dans les cinq prochaines années.

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