L’œuvre Debouttes ! illustre le chemin parcouru par le Québec pour son action internationale

Les derniers jours de l’année 2021 nous donnent l’occasion de souligner un marqueur dans l’histoire des relations internationales du Québec, à savoir les 15 ans de l’accord entre les gouvernements du Canada et du Québec relatif à l’UNESCO, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture.

Le 5 mai 2006, les premiers ministres Stephen Harper et Jean Charest signaient cet accord qui reconnaît la personnalité unique du Québec sur la scène internationale et qui formalise le droit des représentants du gouvernement du Québec de s’exprimer, au sein de la délégation permanente du Canada, sur les différentes tribunes de cette organisation.

Des universitaires et les partis de l’opposition criaient haut et fort à la récupération politique, à une caricature du fédéralisme asymétrique et au sacrifice de l’autonomie internationale du Québec. Le « strapontin » du Québec à l’UNESCO était alors l’expression consacrée par les opposants.

Les promoteurs de cet accord, quant à eux, parlaient de moment historique pour la diplomatie québécoise, d’un Meech des relations internationales et d’une consécration de la doctrine Gérin-Lajoie pour l’action internationale du Québec dans des organisations multilatérales.

Chose certaine, tout ce débat occultait le fait que les Nations unies des États souverains ne sont pas la Francophonie, que la gouvernance de l’UNESCO n’est pas celle de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et que le Québec n’avait pas non plus à réclamer un simple statut de membre associé, à s'en contenter et à parader aux côtés d’Anguilla, de Curaçao, des îles Féroé ou des Tokélaou. L’instrument diplomatique qui émane de cet accord est unique. Il permet à l’État québécois de s’exprimer au sein des instances et de faire valoir ses propres positions, dans le respect des pratiques qui encadrent les relations entre les États membres et les Nations unies.

En tant que premier représentant du gouvernement du Québec au sein de la Délégation permanente du Canada auprès de l’UNESCO, j’ai eu le grand privilège de contribuer à la négociation et à la mise en œuvre de la Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. J’ai été le témoin privilégié de ce que nous pouvons apporter à la communauté internationale. Le Québec, aux côtés de la France, du Canada et de la Francophonie, a pu débarquer en force avec ses meilleurs experts universitaires, ses experts gouvernementaux, ses artistes, ses diplomates et ses politiciens, tous partis confondus.

Force de frappe

Cette force de frappe a permis à ses idées d’essaimer auprès des grandes puissances internationales, en bonne complicité avec les acteurs de la diplomatie canadienne. Résultat des courses, cette convention reconnaît le droit des États à employer tous les moyens nécessaires afin de protéger et de promouvoir leurs industries culturelles et créatives, de protéger leurs artistes et de faire contrepoids aux prédateurs de l’univers numérique qui entraînent la mutation des industries culturelles. Cette convention vise à créer les conditions permettant aux cultures de s’épanouir et d’interagir librement de manière à s’enrichir mutuellement. Enfin, cet instrument international reconnaît spécifiquement l’importance du rôle des femmes dans la culture et dans la société, ainsi que les savoirs traditionnels liés aux Premières Nations.

Dix ans plus tard, en tant que délégué général du Québec à Bruxelles et impliqué dans la dernière étape des négociations et dans la mise en œuvre de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne, c’est avec beaucoup de fierté que j’ai pris acte du préambule de ce traité commercial de nouvelle génération qui reprend le cadre de la Convention de 2005 de l’UNESCO afin de baliser la négociation des enjeux commerciaux liés à la culture.

Les représentants et représentantes du Québec qui ont repris tour à tour le flambeau à l’UNESCO au cours des 10 dernières années ont porté ce message de la diversité culturelle, mais ont également stimulé d’autres débats à l’UNESCO, que ce soit la lutte contre la radicalisation, la bioéthique ou les enjeux de société liés à l’intelligence artificielle.

Pour souligner les 15 ans de présence institutionnelle du Québec à l’UNESCO, le gouvernement, par l’intermédiaire de sa ministre de la Culture et des Communications, a annoncé que l’œuvre Debouttes !, de l’artiste québécoise d’origine française et anishinaabe Caroline Monnet, fera partie de la prestigieuse collection permanente de l’UNESCO au siège de l’organisation, place Fontenoy, à Paris. Cette œuvre rejoint celles de Giacometti, de Picasso, de Miró et d’autres qui ont marqué leur temps, leur pays et leur nation. Ces œuvres sont les vecteurs des valeurs universelles de l’UNESCO dont la mission est : construire la paix dans l’esprit des hommes et des femmes.

Debouttes ! illustre fort bien ce combat des femmes autochtones pour leur dignité et l’apport remarquable des peuples autochtones à la diversité des expressions culturelles, et ce au moment où on s’apprête à célébrer la Décennie internationale des langues autochtones 2022-2032.

Debouttes ! illustre aussi le chemin parcouru par le Québec pour la reconnaissance de son action internationale.

Voilà jusqu’où un strapontin peut nous conduire.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion