Certains de mes plus beaux souvenirs remontent à mes parties de pêche avec mon père. Côte à côte dans notre petit bateau sur le lac Threecorner, dans le nord de l’Ontario, nous restions souvent assis sereins en contemplation pendant des heures, n’échangeant que quelques mots de temps en temps. Mais, parfois, ces sorties de pêche ne se limitaient pas à la prise du jour.

Les conversations les plus importantes que j’ai eues avec mon père, celles qui portaient sur les grandes questions et les grandes décisions de la vie, ont eu lieu côte à côte dans ce bateau, les vagues nous balançant, nos mains affairées, mes inquiétudes et mes espoirs flottant à la surface comme un appât mouvant.

J’ai perdu mon père il y a cinq ans. J’ai essayé de surmonter mon chagrin. Mais, cela finit toujours par vous rattraper. Mon message pour Movember est le suivant : n’essayez pas d’échapper à des sentiments difficiles ; une tentation bien réelle pour de nombreux hommes que je connais. C’est ce que confirme un sondage récent que nous avons réalisé, qui a révélé que les hommes sont plus susceptibles de signaler un usage problématique de substances que les femmes. Cela est particulièrement le cas pour les hommes qui vivent seuls.

Il est beaucoup plus facile de s’adonner à des distractions malsaines que de rester dans une situation inconfortable.

Mais, tous ces après-midis passés sur l’eau avec mon père ont renforcé le truisme selon lequel faire partager son fardeau le réduit souvent de moitié. Mon père n’était pas présent pour m’offrir son écoute sans jugement lorsque ma mère a eu la maladie d’Alzheimer. J’ai perdu un cousin proche, un oncle et une tante pendant le confinement au cours de la pandémie, et encore une fois, le chagrin m’accablait, amplifié par l’absence de cérémonie. Pourtant, malgré le poids de ces luttes, j’ai continué à avancer en essayant de savourer les petits moments de joie et de connexion, malgré une tristesse persistante.

Mais, il y a plusieurs mois, lorsque mon plus cher ami de toute une vie a été terrassé par une embolie pulmonaire et que j’ai cru que j’allais le perdre, je me suis demandé quel degré de douleur une personne pouvait supporter. J’ai fait la seule chose que je savais faire quand une tragédie frappe.

Je me suis réfugié dans la nature.

Les longues promenades ont été un salut pour moi cet été et cet automne. Les randonnées m’ont apporté une paix que je ne pouvais trouver nulle part ailleurs. Les sons dans une forêt vivante m’ont rappelé que nous faisons tous partie de quelque chose de plus grand. Lentement, à chaque marche, je laisse le chagrin accumulé tomber au fil de mes pas. Le calme s’installe avec l’acceptation. Ces séjours en solitaire m’ont permis de laisser la tristesse des années passées s’échapper jusqu’au rivage.

Au lieu de nier le chagrin, je l’ai accueilli.

Je pouvais sentir mon stress diminuer, et ma pression sanguine baisser. Les souvenirs de ces parties de pêche avec mon père ont commencé à remonter à la surface avec une clarté émouvante.

Le voile de la tristesse s’est lentement levé, remplacé par une tendre nostalgie. J’ai continué mes promenades même après avoir appris que mon meilleur ami s’était remis de sa maladie.

Quand j’ai pu le voir, j’ai vite compris que les choses étaient différentes. Il revenait d’un long et tumultueux voyage. Mais, il a été capable de saisir mon téléphone et de demander à écouter la musique de notre passé commun. Et, tandis que nous étions assis ensemble, chacun emporté par ses propres souvenirs, j’ai eu le sentiment chèrement acquis d’être reconnaissant pour la forme que cette nouvelle amitié pourrait prendre.

Les hommes ne sont pas moins sensibles aux aléas de la tristesse et du chagrin que les femmes. Certains d’entre nous ne connaissent simplement pas toujours la manière d’exprimer ces sentiments avec des mots qui peuvent combler le fossé.

Ces dernières années m’ont donné l’occasion de réfléchir à ce que mon père essayait de m’enseigner, il y a des lustres, sur ce bateau de pêche.

Les mains occupées, il me disait que rien de ce que je pouvais lui confier ne briserait le train du courant. Son assurance tranquille m’a permis de cultiver la confiance nécessaire pour pouvoir opérer mes propres choix. Et surtout, ses longs moments de silence me permettaient d’avoir l’espace nécessaire pour trouver les mots.

Après toutes ces années, je pense que c’est justement ce que j’ai fait.

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